Rivarol n°3450 du 9/12/2020
Version papier

Rivarol n°3450 du 9/12/2020 (Papier)

Editorial

Giscard (1926-2020) : le fossoyeur

S’il existe assurément une communion des saints, il existe tout aussi sûrement une communion des imposteurs. Le 3 décembre, dans son allocution télévisée, Emmanuel Macron a ainsi rendu un vibrant hommage à l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing qui venait de décéder la veille, à 94 ans et 10 mois, des suites du coronavirus. En dressant le panégyrique de VGE, le chef de l’Etat faisait en creux l’éloge de sa pensée et de son action car l’actuel locataire de l’Elysée est sans doute celui qui, malgré un demi-siècle de différence, s’inscrit le plus et le mieux dans le sillage de l’Auvergnat. Comme Giscard, Macron est devenu président à la quarantaine. Il a même devancé là son prédécesseur puisqu’il a été élu à la magistrature suprême à 39 ans, là où l’ex-maire de Chamalières est devenu président à 48 ans. 

Comme Giscard, Macron est fondamentalement un européiste forcené. Lors de la campagne présidentielle de 2017, l’ex-banquier d’affaires était le seul candidat à faire agiter sur les podiums et dans les salles de ses réunions des drapeaux de l’Union européenne. Giscard fut toute sa vie un européiste militant. Dans sa jeunesse, il militait pour les Etats-Unis d’Europe. Sous De Gaulle, il entendait incarner, avec sa Fédération nationale des Républicains indépendants, « l’élément centriste et européen de la majorité ». Elu chef de l’Etat, Giscard est à l’origine de la création en 1974 du Conseil européen, du lancement en 1978 du Système monétaire européen (SME), dont sortiront l’Union monétaire et l’euro. L’unité de compte européenne, l’écu, est créée en 1979, première étape vers la monnaie unique. On doit également à VGE l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.

Une fois battu par Mitterrand en 1981, Giscard, qui fut élu onze fois député du Puy-de-Dome, occupa presque tous les mandats possibles et fut même élu académicien, poursuivit inlassablement son combat européiste. Il conduisit la liste RPR-UDF aux européennes de juin 1989, devint député européen. Il s’engagea fortement pour le oui à Maastricht en 1992 et, devenu président de la Convention pour l’avenir de l’Europe, qui élabora un projet constitutionnel pour l’Union européenne, il s’engagea fortement pour le oui lors du référendum du 29 mai 2005, qui certes échoua. Mais Sarkozy, deux ans plus tard, imposa par voie parlementaire le traité de Lisbonne qui reprenait les principales dispositions du traité constitutionnel de VGE. 

Comme Giscard, Macron est avant tout un homme de la finance internationale et fait sienne une vision essentiellement économiste et mercantile de sa mission. VGE était inspecteur des finances, fut sous De Gaulle, puis sous Pompidou, ministre de l’Economie et des Finances et, pendant son septennat, c’est la dimension matérialiste et “économistique” de son action qu’il privilégia, au détriment de la défense de la civilisation, du patrimoine, de la famille traditionnelle et de la morale naturelle. On doit également à Giscard, alors qu’il était ministre des Finances de Pompidou, la loi dite Rothschild, du 2 janvier 1973, qui limite drastiquement le financement de l’Etat par la Banque centrale, ce qui conduisit les pouvoirs publics à s’endetter auprès d’acteurs privés et internationaux, prêtant avec de forts intérêts, ce qui est directement à l’origine d’une dette publique de plus en plus massive. Bien qu’officiellement libéral en économie, Giscard augmenta massivement les prélèvements obligatoires à chaque fois qu’il eut des responsabilités gouvernementales ou élyséennes. 

Ministre de l’Economie et des Finances, il étend la TVA créée en 1954 et réservée initialement aux grandes entreprises aux commerces de détail. Sa réforme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques accroît considérablement le nombre d’assujettis. Président, il institue en 1975 la taxe professionnelle, désastreuses pour les commerçants, artisans, petites et moyennes entreprises. Polytechnicien et énarque, il ne comprend pas que trop d’impôts tue l’impôt et que, pour réduire le chômage qui dépasse les un million officiels sous son mandat présidentiel et créer de la richesse, attirer des investisseurs, favoriser l’initiative, récompenser les talents, la créativité, il faut au contraire, réduire considérablement la pression fiscale sur les pauvres mais aussi sur les classes moyennes et supérieures qui créent de l’emploi et réinjectent l’argent qu’ils gagnent dans l’économie.

A l'instar de VGE, Macron se veut résolument moderne. D’où le couple étonnant qu’il forme avec Brigitte, de très loin son aînée. D’où son soutien public et enthousiaste à la Gay Pride, aux musiques et “artistes” dégénérés (on l’a vu en juin 2018 lors d’une effrayante Fête de la musique à l’Elysée, où un des danseurs, en grande partie dénudé, exhibait sur son maillot l’inscription « Fier d’être noir, immigré et pédé »), à la PMA pour les lesbiennes, etc. Avant lui, Giscard avait renoncé dès son élection au costume traditionnel en queue de pie. Sur la photographie officielle, il ne pose pas, contrairement à ses prédécesseurs, avec le collier de Grand Maître de la Légion d’honneur. C’est lui également qui met fin aux solennités de la fête de Jeanne d’Arc le deuxième dimanche de mai, en ne se déplaçant pas à la statue de la Pucelle place des Pyramides. Elu, il tient son premier discours en anglais, ce qu’il fera régulièrement par la suite. Macron agit pareillement. Giscard et Macron sont fondamentalement deux libéraux-libertaires. 

On doit au premier la loi dépénalisant l’avortement le 17 janvier 1975, ce qui est à l’origine du génocide de plus de dix millions de bébés à naître en 45 ans et ce qui contribua à désacraliser l’enfance, à détruire les repères moraux, la loi instaurant le divorce par consentement mutuel le 11 juillet 1975, ce qui accéléra la destruction de la cellule familiale, favorisa l’infidélité conjugale et l’instabilité des couples et des foyers. Giscard est également à l’origine de la libéralisation, et donc de la massification, de la pornographie. L’idée avancée était que les gens pourraient ainsi se détendre et qu’il y aurait moins de crimes, notamment à caractère sexuel. Ce fut exactement le contraire qui se produisit, ce genre de spectacle nauséabond excitant au contraire les pulsions mauvaises et violentes et donnant une image totalement déformée, bestiale et avilissante de l’amour et de la sexualité. Bien plus tard, au moment du vote de la loi Taubira, Giscard se prononça en faveur du “mariage” homosexuel et de l’adoption. Bref, VGE est resté fidèle toute sa vie à de désastreuses options libérales-libertaires, sapant les fondements moraux et anthropologiques de la société.

Sur le plan éducatif, on doit à Giscard la désastreuse réforme Haby qui créa le collège unique, réforme qu’on a pu, à juste titre, résumer par ce slogan « collège unique, collège inique » puisque, au nom d’une conception égalitariste de l’enseignement reposant sur le nivellement par le bas, méprisant la diversité des talents et des vocations, et négligeant donc l’apprentissage pour les métiers manuels, on a imposé un socle commun et une prolongation de la scolarité à des jeunes gens et des jeunes filles qui n’étaient pas faits et qui n’avaient pas le goût ou l’aptitude pour des études spéculatives. Enfin, par démagogie et par jeunisme, VGE abaissa l’âge de la majorité civile et électorale de 21 à 18 ans, une mesure qui profita à son adversaire socialiste, les deux millions de jeunes qui en bénéficièrent ayant massivement voté en 1981 pour François Mitterrand.

A l'image de son prédécesseur, Macron n’a absolument pris aucune mesure contre l’immigration de masse, maintenant les frontières ouvertes, conservant, voire aggravant, toutes les mesures favorisant l’invasion et la submersion de notre pays. Mais Giscard et Chirac, alors Premier ministre, ont eu, quant à eux, une responsabilité historique encore plus grande en transformant l’immigration de travail en immigration de peuplement, par le décret du 29 avril 1976 instaurant le regroupement familial. C’est vraiment à partir de Giscard que le visage de la France commença vraiment à changer, avec une immigration de plus en plus imposante, même si ses successeurs immédiats ont encore aggravé le phénomène. Dans sa vieillesse, VGE a exprimé ses regrets pour ce décret sur le regroupement familial et, dans un long article accordé au Figaro-Magazine en 1991, il expliquait que la question de l’immigration se déplaçait vers celle de l’invasion. Mais le mal était fait et il était irréparable. Avec sa loi sur l’avortement en 1975 et celle sur le regroupement familial en 1976, Giscard avait posé les conditions d’un carnage biologique et spirituel, d’un Grand Remplacement de la population, mais aussi des cœurs, des esprits et des âmes. Il a donc bien mérité de leur République mortifère et criminelle.

Jérôme BOURBON, RIVAROL.

6,00 €
TTC
Quantité
6,00 €

Billet hebdomadaire

L’élection présidentielle de 2022 aura-t-elle lieu ?

Lors d’une interview accordée au média en ligne Brut le vendredi 4 décembre, Emmanuel Macron a déclaré, à propos de l’élection présidentielle de 2022, « peut-être que je ne pourrai pas être candidat » car « on a vécu des choses absolument imprévisibles », assurant qu’il « ne prévoi(t) rien » en vue de l’élection de 2022, « parce que les circonstances l’exigeront, peut-être que je devrai faire des choses dures dans la dernière année, qui rendront impossible le fait que je sois candidat ». Et Macron de préciser, « si je me mets dans la situation d’être candidat, je ne prendrai plus les bonnes décisions ni de risques pour répondre à l’exigence du moment. » 

Mais il n’exclut rien. Tout en disant qu’il ne sera peut-être pas candidat, il affirme « en même temps » que « je suis candidat depuis le premier jour, parce que je me suis toujours construit, bâti, dans une volonté de convaincre et d’être au rendez-vous des résultats. »

ANNULER LES ÉLECTIONS ?

Durant l’élection présidentielle de 2017, le 28 avril, l’historien et démographe Emmanuel Todd, annonçait, lors d’un débat organisé par « Arrêt sur Images », que l’élection présidentielle de 2022 pourrait être purement et simplement annulée par l’oligarchie : « On est quand même dans un pays où l’oligarchie dirigeante — c’est presque pléonasmique de dire ça — s’est assise sur le résultat du référendum de 2005. Donc je pense qu’il y a tout à fait un risque pour la démocratie avec Macron. Parce que si les gens d’en haut arrivent à faire élire leur chose (Macron) à nu, ils vont avoir une tête comme un chou-fleur ! Tout va être permis ! Tout va être permis ! Et on peut tout à fait imaginer un monde dans lequel la prochaine fois : plus d’élection ! avec Macron ! C’est ça que vous ne voyez pas. »

Dans le contexte actuel, de « crise sanitaire », l’éventualité semble plus probable. Le pouvoir pourrait soit annuler les élections, si le virus mute ou qu’une nouvelle catastrophe advient, soit mettre en place un système de vote électronique et par correspondance permettant des fraudes massives et le passage en force du candidat Macron, ou d’un ersatz.

RÉGIME EN CRISE

Nous sommes entrés dans une séquence historique inédite et par définition difficile à analyser. Toutefois, nous pouvons constater que l’oligarchie — qui est passée maîtresse, tout particulièrement depuis le début du XXe siècle, dans la manipulation des masses en régime démocratique — ne peut plus faire avancer son agenda dans le cadre “démocratique”, en douceur, par la propagande et le consentement.

La raison en est que le régime républicain est en crise, à l’instar des années 1930. Crise qui se traduit par une délégitimation croissante ayant mené jusqu’au mouvement des Gilets jaunes qui scandaient « Macron démission ». Mais l’actuel chef de l’Etat n’est que le dernier avatar de la République, régime organiquement lié au monde de la finance. 

Ainsi, les Français ne rejettent pas exclusivement Macron, mais tout le système qu’il incarne et qui l’a porté au pouvoir après l’avoir fabriqué. Rappelons au passage les propos de Jacques Attali : « Emmanuel Macron ? C’est moi qui l’ai repéré. C’est même moi qui l’ai inventé. Totalement. »

La crise de régime a démarré bien avant l’élection de Macron. Les signes étaient nombreux : la Constitution européenne que Sarkozy a fait passer en force (traité de Lisbonne, 13 décembre 2007) ; le décret autorisant la police à tirer à balles réelles pour le maintien de l’ordre (30/06/2011) ; la loi sur le renseignement (24 juillet 2015) ; l’état d’urgence permanent (depuis le 14 novembre 2015)…

La crise de régime s’accompagne logiquement d’une crise de la démocratie, puisque celle-ci est un des mythes directeurs de la République. 

« La démocratie fait illusion », écrit, Jacques Cazeaux, helléniste et commentateur contemporain de La République de Platon, car, explique-t-il, « transposée d’un antique idéal grec, jamais atteint en Grèce, déjà, elle perd tout sens à l’échelle de cinquante-cinq millions d’individus, mais surtout elle débouche fatalement sur la tyrannie… »

C’est par le vote démocratique, véritable rituel d’adhésion au régime, que les citoyens justifient, au sens religieux, la République.

Raison pour laquelle l’abstention alarme depuis nombre d’années les professionnels de la politique et les idéologues républicains. C’était un signe avant-coureur de la crise de régime.

Lorsque le peuple ne consent plus à se soumettre, quand il n’ajoute plus foi à la démocratie et à la République, le régime montre son vrai visage : la tyrannie et la répression.

C’est une tendance qui ne se limite pas à la France. On l’a constaté lors du Brexit et de l’élection de Trump en 2016. Tout le système politico-médiatique occidental a délégitimé le vote populaire. Quand le vote ne va pas dans le sens idéologique de l’oligarchie, il est purement et simplement rejeté.

À ce propos, le psycho-sociologue Gustave Le Bon exposait une thèse fondamentale : « Le jour précis où une grande croyance se trouve marquée pour mourir est celui où sa valeur commence à être discutée. Toute croyance générale n’étant guère qu’une fiction ne saurait subsister qu’à la condition d’échapper à l’examen. »

Cela est globalement vrai pour toute idéologie ou tout régime politique : « Alors même qu’une croyance est fortement ébranlée, les institutions qui en dérivent conservent leur puissance et ne s’effacent que lentement. Quand elle a enfin perdu complètement son pouvoir, tout ce qu’elle soutenait s’écroule. Il n’a pas encore été donné à un peuple de changer ses croyances sans être aussitôt condamné à transformer les éléments de sa civilisation. Il les transforme jusqu’à ce qu’il ait adopté une nouvelle croyance générale ; et vit jusque-là forcément dans l’anarchie. Les croyances générales sont les supports nécessaires des civilisations ; elles impriment une orientation aux idées et seules peuvent inspirer la foi et créer le devoir.

Les peuples ont toujours senti l’utilité d’acquérir des croyances générales, et compris d’instinct que leur disparition devait marquer pour eux l’heure de la décadence. Le culte fanatique de Rome fut la croyance qui rendit les Romains maîtres du monde. Cette croyance morte, Rome dut périr. C’est seulement lorsqu’ils eurent acquis quelques croyances communes que les barbares, destructeurs de la civilisation romaine, atteignirent à une certaine cohésion et purent sortir de l’anarchie.

Ce n’est donc pas sans cause que les peuples ont toujours défendu leurs convictions avec intolérance. Très critiquable au point de vue philosophique, elle représente dans la vie des nations une vertu. »

Pour éviter l’anarchie, ou plus précisément une révolte violente qui la fera tomber, la République a été contrainte de se transformer en tyrannie. Qu’elle soit une tyrannie sécuritaire luttant contre « le terrorisme », ou une tyrannie sanitaire « en guerre contre un virus », l’objectif demeure le même : maintenir le régime par lequel l’oligarchie dirige le pays.

UNE TYRANNIE DÉGUISÉE EN GAULLO-BONAPARTISME ?

Bien que la République commence à renoncer ouvertement à la démocratie, elle a besoin d’une soupape, de donner voix à l’agacement du peuple. Et c’est le rôle d’un Michel Onfray, d’un Eric Zemmour et de CNEWS qui s’opposent au système comme une poutre empêchant un édifice de s’effondrer. […]

Jean TERRIEN.