Rivarol n°3456 du 27/1/2021
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Rivarol n°3456 du 27/1/2021 (Papier)

Editorial

1951-2021 : soixante-dix ans de combats rivaroliens !

RIVAROL septuagénaire ! Pour mesurer ce que sept décennies représentent, il suffit de se remémorer l’état du monde en janvier 1951 : Staline était le maître incontesté de l’Union soviétique, Pie XII régnait sur l’Eglise, le Maréchal Pétain finissait ses jours à l’île d’Yeu, les prêtres portaient la soutane et les militaires l’uniforme, l’avortement restait un crime, l’homosexualité un délit, la France possédait un immense empire colonial et n’était pas encore en proie à un urbanisme délirant, à une immigration massive, à une insécurité galopante, à un chômage endémique, à une apostasie générale. Le monde a plus changé en soixante-dix ans qu’en deux mille. Toutes les valeurs ont été subverties, le sens des mots inversé, les institutions anéanties, les intelligences perverties, les consciences détruites, les principes et vertus délaissés.

L’invasion de la techno-science, la déchristianisation généralisée, le matérialisme triomphant ont profondément bouleversé la façon de penser et de vivre de nos contemporains. Pendant tout ce temps RIVAROL est sur l’essentiel resté fidèle à lui-même et il est toujours là, debout : fluctuat nec mergitur. La devise de la ville de Paris s’applique bien à l’Hebdomadaire de l’opposition nationale et européenne. Voilà quelles sont, me semble-t-il, ses caractéristiques fondamentales :

RIVAROL est d’abord le journal de l’engagement. Ces dernières décennies ont vu la disparition progressive des journaux d’opinion sacrifiés par la société capitaliste. Les groupes bancaires et industriels qui contrôlent la quasi-totalité de la presse écrite ne détestent rien tant en effet que les lignes éditoriales trop marquées, pas assez policées. De sorte qu’aujourd’hui du Figaro à Libération, du Monde à L’Humanité, de L’Express à Rouge, c’est le même conformisme idéologique, la même soumission aux puissances du jour, la même pusillanimité. Car comme le remarquait déjà à son époque le prophète Edouard Drumont dans La France juive : « Notre siècle est effroyablement lâche. » Il est tellement plus facile de s’en prendre à des vieillards inoffensifs qu’à la tyrannie de certains lobbies et à la malfaisance de nos gouvernants !

RIVAROL est le journal du risque. Anticommuniste à une époque où toutes les élites intellectuelles avaient les yeux de Chimène pour le petit père des peuples, antigaulliste à un moment où toute la presse bien-pensante manifestait la plus extrême déférence envers le fondateur de la Ve et le fossoyeur de l’Algérie française, révisionniste depuis le premier jour, ayant régulièrement rendu compte des travaux et écrits d’un Bardèche, d’un Rassinier, d’un Faurisson, d’un Reynouard, et leur ayant donné la parole alors qu’ils étaient proscrits, chassés, vilipendés, ne se soumettant pas au lobby judéo-sioniste que la plupart, même dans nos milieux, n’osent pas nommer par crainte des représailles, il n’a jamais reculé devant les procès, les amendes, les saisies dont il détient le record, ce qui dans les temps actuels est la plus belle des décorations. Dans notre société qui tolère et promeut toutes les violences, toutes les incivilités, toutes les goujateries, qui fait de la vulgarité une fin en soi, jamais la liberté d’expression, de pensée, de critique, de recherche, de polémique, et même de simple information du public, n’a été aussi menacée. Jamais la vérité, qu’elle soit religieuse, historique, politique, morale, statistique ou biologique, n’a été à ce point occultée, mise sous le boisseau. Jamais la liberté de l’écrivain, du publiciste, n’a été si entravée. 

Avec l’empilement des législations mémorielles et de l’arsenal de répression antiraciste (unilatéral), de la loi Pleven (1972) à la loi Gayssot (1990), en passant par la loi Lellouche (2003) et Perben (2004). Avec la mise au pas des réseaux sociaux, comme en témoigne la fermeture récente de dizaines de milliers de comptes Twitter, Facebook, YouTube, Instagram, VK, tant en France qu’outre-Atlantique. Les géants d’Internet se permettent de réduire au silence n’importe quelle personnalité, même le président en exercice des Etats-Unis d’Amérique, ainsi qu’on l’a vu avec la clôture définitive du compte Twitter de Donald Trump qui comptait pourtant plus de 88 millions d’abonnés. Et chez nous on ose supprimer, sans aucune possibilité de recours, et à titre définitif, les chaînes YouTube d’un humoriste comme Dieudonné (qui comptait plus de 400 000 abonnés), d’un essayiste comme Alain Soral ou d’une publication vieille de soixante-dix ans comme RIVAROL.

Et que dire de l’embastillement pour une durée indéterminée d’un écrivain et essayiste comme Hervé Ryssen, incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis depuis le 18 septembre 2020 ? Comment justifier pareillement que des artistes, des publicistes, des polémistes, des humoristes, des écrivains n’aient d’autre choix que l’exil s’ils veulent éviter la prison pour délinquance de la pensée ? Il est stupéfiant que dans un pays qui se targue de défendre la liberté et qui a placé ce concept dans le triptyque de sa devise et sur les frontons de ses bâtiments officiels, de plus en plus de personnalités en première ligne du combat se posent sérieusement la question du départ définitif de notre pays. D’où cette situation inouïe : les immigrés rentrent, s’implantent, se multiplient, et les Français à la pointe de la résistance doivent, eux, songer à partir. Boris Le Lay s’est ainsi exilé à Tokyo au Japon en 2014, Vincent Reynouard à Londres en Angleterre en 2015, le pianiste Stéphane Blet à Istanbul en Turquie en 2017, Alain Soral à Lausanne en Suisse en 2020. Et Dieudonné, lui aussi harcelé judiciairement, pourrait bien rejoindre prochainement le Cameroun.

Face à cette tyrannie oppressante, le journaliste libre a un devoir de vérité, d’impertinence et d’insoumission. Et pour poursuivre inlassablement le combat frontal contre ce Système mortifère, il nous semble absolument nécessaire de défendre et de développer la presse papier. Car il reste beaucoup plus difficile, beaucoup plus lourd d’obtenir l’interdiction d’une publication imprimée, disposant d’un dépôt légal et d’un numéro de commission paritaire, paraissant régulièrement en kiosques depuis des décennies, que de supprimer un site Internet, un blog, un compte Twitter, Facebook ou VK. En un instant, tout le contenu d’un site sur la Toile peut être anéanti, réduit en poussière. Alors que ce qui est imprimé reste. Scripta manent.

Ce n’est certes pas une mince gageure de défendre aujourd’hui la presse papier. Les imprimeries ferment les unes après les autres, les titres disparaissent, réduisent considérablement leur tirage ou ralentissent leur périodicité, et de ce point de vue-là les confinements successifs, ceux passés et celui que l’on annonce comme imminent, n’arrangent rien. Au contraire, ils précipitent et amplifient la crise. Les différentes études dont on espère de tout cœur qu’elles se trompent estiment que la presse imprimée pourrait totalement disparaître d’ici une dizaine d’années, les plus optimistes se risquent à quinze ans, les plus pessimistes évoquent une échéance comprise entre cinq et huit ans. Ces pronostics sont préoccupants mais nous avons toutefois une chance à RIVAROL, c’est que notre ligne éditoriale est unique, fort dissemblable de tous les autres titres, et que l’on peut y lire des informations, des analyses et des commentaires que l’on trouve difficilement ailleurs, surtout dans la sphère francophone. Des amis qui voyagent régulièrement à l’étranger nous confient combien RIVAROL est une exception dans la presse européenne et occidentale. Il n’y a pas, selon eux, l’équivalent de ce titre ailleurs, ni quant à son ancienneté, ni quant à sa régularité et à sa fréquence de parution, ni quant à sa radicalité, ni quant à la complémentarité et à la diversité de ses plumes.

RIVAROL est l’organe du refus radical et constant du système hérité de la Seconde Guerre mondiale et fondé sur le mensonge. Il s’adresse à cette minorité de Français qui ont gardé encore intacte en eux la capacité de se révolter contre l’imposture. Il exprime le rejet d’un ordre établi qui n’est jamais qu’un désordre organisé, qu’une subversion légalisée. Il tente de repérer, de traquer, de dénoncer la duplicité, le cynisme d’une classe politique corrompue et arrogante qui vole, triche, ment pour s’étonner ensuite que beaucoup de Français et de néo-Français agissent comme elle. Notre journal a d’autre part le souci constant de démythification et de démystification de toutes les idéologies (antiracisme, droit de l’hommisme, shoahtisme, homosexualisme, théorie du genre…) qui s’érigent en absolu et sont autant de machines de guerre lancées contre l’Occident.

RIVAROL est le journal de l’intransigeance et de la radicalité. Rien ne lui est en effet plus étranger que l’esprit de compromis, de concession, de modération, autant de mots qui masquent souvent des compromissions voire des capitulations. Beaucoup de défaites de la droite catholique et nationaliste depuis deux siècles s’expliquent précisément par cette tentation de composer avec le régime en place, voire dans certains cas de le rallier. Or, on ne réforme pas un monstre ; on ne discute pas avec ; on le combat de manière frontale, et on cherche à l’abattre. C’est pourquoi il n’est rien à attendre des partis politiques actuels acquis à la décadence et à l’inversion, de tous les modérés, de ces conservateurs qui au final ne conservent rien. Le Christ dans l’Ecriture ne dit-il pas qu’il vomit les tièdes ? Et tous les grands bouleversements historiques n’ont-ils pas été menés à bien par des gens ne renonçant à rien parce que croyant de toutes leurs forces et de toute leur âme à leur idéal ?

RIVAROL est le journal de la fidélité. Et d’abord de la fidélité à nos morts. A tous ceux qui ont combattu contre le communisme, contre le mensonge sous toutes ses formes et pour la sauvegarde de l’Europe blanche et chrétienne. Fidélité à une ligne politique, fidélité à un idéal, celui d’une France enfin libérée de l’immigration-invasion, de la colonisation marxiste, de la domination des forces occultes, de la tyrannie de coteries puissantes et nocives, des revendications exorbitantes des minorités ethniques et sexuelles, et prête alors à renouer, si Dieu veut, avec sa vocation millénaire à la grandeur et au prestige.

RIVAROL est enfin le journal de l’espérance française. Sans doute ce mot vous surprendra-t-il tant souvent vous nous faites le reproche d’être trop pessimistes. Mais notre devoir est de regarder la vérité en face, et la réalité est sombre : notre pays est aujourd’hui envahi, avili et affaibli par la pornographie et les infanticides de masse, menacé de démembrement par les menées séparatistes, vidé de sa substance par l’européisme d’inspiration mondialiste. Le français lui-même est mis en cause par le franglais et par l’émergence de l’horrible “parler-Jeune”. Le franc, notre compagnon de route depuis Jean II le Bon, a disparu en 2002 de sorte que les enfants des écoles n’apprennent plus à compter avec notre monnaie nationale. On efface ainsi de leurs structures mentales jusqu’au mot même de France, alors que nous étions le seul pays au monde dont la monnaie portait le nom, et dont le nom était une vertu. De plus, toutes les capacités de résistance ont été méthodiquement mises à bas : l’armée réduite à néant, la famille éclatée et parodiée, l’école ruinée par les pédagogies rousseauistes et assiégée par les nouveaux barbares, la patrie anéantie. Les Français eux-mêmes de courageux, travailleurs, polis, élégants, vifs, honnêtes qu’ils étaient sont trop souvent devenus pleutres, paresseux, grossiers, débraillés, amorphes, corrompus.

Il n’est plus de chrétienté, plus de civilisation, mais une société déstructurée, déracinée, atomisée, un agrégat d’individus réduits au statut de consommateurs. Nous vivons l’époque de l’absurde et du néant, mais à la différence du XXe siècle, il est fort peu d’artistes, de dramaturges, de philosophes, de poètes ou de théologiens pour dire cet absurde. Nous connaissons un de ces moments historiques où il semble impossible de réussir de grandes choses tant l’ennemi paraît avoir tout submergé. Il ne reste alors qu’à sauvegarder ce qui peut l’être. Au moment des grandes invasions barbares, n’est-ce pas ce qu’ont fait les chrétiens en se repliant sur les monastères et en rendant ainsi possible le moment venu une éblouissante renaissance médiévale ?

Plus modestement, notre rôle à RIVAROL, c’est de maintenir et de transmettre notre héritage national et européen. De continuer à faire brûler dans nos cœurs et dans nos âmes, dans nos intelligences et dans nos volontés, la petite flamme de notre civilisation européenne et chrétienne aujourd’hui presque totalement engloutie. Par souci de remplir notre devoir d’état, d’être fidèle à nos racines et à notre foi, de rester debout face aux ruines qui nous entourent, dans les ténèbres où il nous faut survivre. Et dans l’espérance de jours meilleurs. Car, comme l’écrivait dès 1954 dans nos colonnes Pierre-Antoine Cousteau : « L’espérance est nôtre » (RIVAROL du 25 mars 1954). Cette disposition d’esprit, qui ne se confond ni avec le simple espoir (laissons-le à Malraux !) ni avec cet optimisme artificiel qu’on nous vend ici et là, est ce qui nous aide à vivre et à combattre dans ce monde irrespirable où l’air manque à nos poumons. Mais, grâce à vous, amis lecteurs, grâce à votre soutien, vos conseils, votre confiance, votre constance, vos réprimandes le cas échéant (et c’est nécessaire dans une famille qui s’aime), nous nous sentirons encore longtemps la force de crier avec Bernanos : « ILS NE NOUS AURONT PAS ! ILS NE NOUS AURONT PAS VIVANTS ! »

Jérôme BOURBON, RIVAROL.

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Billet hebdomadaire

Lucien Cerise : “Nous allons entrer dans le royaume de la déglingue définitive et de l’effondrement systémique dans l’abrutissement technophile

Le projet Great Reset, vous connaissez ? Non ? Alors lisez Lucien Cerise ! Spécialiste de l’ingénierie sociale et de la fabrique de l’opinion, il nous explique ce que cache la Grande réinitialisation par le système de nos cerveaux.

RIVAROL : Qui sont les auteurs et les promoteurs du projet Great Reset ?

Lucien CERISE : En 2014, Christine Lagarde, alors directrice du FMI, avait déjà parlé de la nécessité d’opérer un « Great Reset » économique, une grande remise à zéro, une grande table rase de l’économie mondiale. En 2020, le fondateur du forum de Davos, Klaus Schwab, reprend ce concept de Grande réinitialisation et lui consacre un livre où il élargit les champs d’application de ce Grand recommencement à tous les domaines de l’existence, au prétexte de l’épidémie de coronavirus, qui doit transformer le monde de manière irréversible et dont doivent émerger une nouvelle normalité, une nouvelle réalité, un nouveau monde, selon les éléments de langage en vigueur. Ce projet révolutionnaire de couper l’histoire en deux circule donc depuis plusieurs années dans les milieux du capitalisme industriel et financier. Philosophiquement, le thème de la tabula rasa n’est pas neuf et apparaît déjà dans l’eschatologie monothéiste et sa temporalité linéaire, ascendante, cumulative, avec un avant et un après, qui projette d’en finir avec le Mal et une condition humaine douloureuse pour nous acheminer vers le Bien et un avenir salvateur. D’autres cultures ont une conception cyclique du temps et n’envisagent pas d’en finir avec le Mal, ou ce qui est perçu comme tel, ce que Friedrich Nietzsche reprendra à son compte avec le concept d’Éternel retour, du Bien comme du Mal. À l’opposé, le Great Reset appartient à cette tradition utopiste qui rêve d’organiser le monde de manière parfaitement rationnelle, unifiée et centralisée, et d’en finir une bonne fois pour toutes avec le Mal, identifié à la multitude humaine et à l’existence biologique, lesquels induiraient une forme d’irrationalité, c’est-à-dire d’imprévisibilité et d’incertitude.

Dans plusieurs publications et entretiens, Klaus Schwab nous annonce une quatrième révolution industrielle qui va fusionner le biologique et le numérique. Cette dictature technologique et technophile est en gestation depuis des décennies. Les réseaux d’agents dormants ont été pré-positionnés aux postes clés du pouvoir pendant des années, puis activés tous ensemble en 2020. Ce projet a connu divers noms — positivisme, scientisme, progressisme, mondialisme, transhumanisme —, le Great Reset n’est que le dernier en date pour qualifier cette tyrannie électronique universelle qui se met en place un peu partout sur la planète, car personne n’y échappe. La techno-science surdétermine absolument tout, en particulier les rapports de force internationaux. Les pays qui ne jouent pas le jeu de la rivalité techno-scientifique mondiale s’auto-désarment et se soumettent d’eux-mêmes aux adversaires et concurrents économiques et militaires.

De fait, c’est toujours le complexe militaro-industriel qui fait avancer la recherche scientifique, dont le seul et unique principe tient en peu de mots : tout ce qui est faisable sera fait. Cette hubris prométhéenne de la techno-science ne connaît aucune limite, c’est une fuite en avant permanente induisant une compétition acharnée de tous les acteurs géopolitiques, quel qu’en soit le coût humain. À intervalle régulier, l’instinct de conservation de l’espèce refait surface et l’on assiste à des initiatives pour encadrer éthiquement la recherche. Mais pour l’instant, il n’y a que dans l’univers fictif de Dune, l’œuvre romanesque de Frank Herbert, que l’intelligence artificielle est interdite définitivement — épisode du Jihad butlérien — en raison de la menace qu’elle fait peser sur l’humanité.

R. : Quel modèle de société doit naître du monde post-covid ? 

L.C. : Un modèle de société post-humaine. La grippe covid-19 est un simple prétexte pour en finir avec l’espèce. Comme son nom l’indique, la Grande réinitialisation consiste à appliquer aux sociétés humaines le même traitement qu’à un ordinateur que l’on redémarre. Le but de la manœuvre est de procéder à un transfert de pouvoir total et définitif. De quoi vers quoi ? Des structures politiques de toutes sortes, nationales, internationales, supranationales, vers un système de gestion informatique et technocratique planétaire. Le caractère étatique ou privé est secondaire. Le but est d’en finir avec la politique en général, c’est-à-dire avec la discussion, la polémique, la critique, l’interrogation, c’est-à-dire la régulation des interactions humaines par le langage, pour placer nos existences directement sous pilotage de l’intelligence artificielle, sans qu’il n’y ait plus de discussion possible. Les sujets humains, qui se caractérisent par le goût de la palabre, vont être insérés dans un vaste système de gestion automatisée d’objets connectés. Ce modèle de société est directement issu de la pensée cybernétique, qui ne distingue pas les sujets et les objets.

La cybernétique a été inventée par le mathématicien Norbert Wiener pendant la Deuxième Guerre mondiale comme une méthode de calcul balistique. Sa particularité est de ne pas vraiment différencier les êtres vivants et les non-vivants, tous traités comme des systèmes d’information en interaction. Les conférences Macy qui réunirent divers scientifiques et intellectuels aux Etats-Unis entre 1942 et 1953 posèrent les bases d’une cybernétique sociale avec des applications en politique dans la gestion des citoyens comme s’il s’agissait de simples automates, remplaçables par des machines. Le projet soutenu sérieusement par certains avocats d’accorder une personnalité juridique aux robots va dans le même sens de lissage des différences ontologiques vivant/non-vivant. La fusion biologique/numérique se fera au détriment du biologique et au bénéfice du numérique, induisant un phénomène de chosification du vivant. Le problème majeur à solutionner pour l’utopie cybernétique est le règne animal, distinct du minéral et du végétal — la “viande” comme on dit dans l’univers cyberpunk de William Gibson. Il faut en finir avec les êtres de viande car ils sont indisciplinés et impossibles à insérer directement en tant que tels dans le cyberespace. 

Dans le monde post-covid, il faut donc supprimer la viande, ce qui explique aussi cet engouement étrange que le sommet du capitalisme entretient pour le végétarisme. En 2016, le forum de Davos nous annonçait dans ses « 8 prédictions pour le monde en 2030 » que « nous mangerons beaucoup moins de viande ». La société post-covid est une extension du secteur socio-professionnel tertiaire à toute l’existence, avec ses emplois de bureau en espace climatisé, son télétravail largement répandu et ses faibles dépenses caloriques et énergétiques. C’est le monde morbide et dégénéré du bobo, du geek et du no-life, végane, anti-spéciste, cosmopolite, LGBT, masqué, confiné, vacciné et heureux de l’être. Ce modèle de société post-covid entièrement artificialisé est une révolution de l’artefact, qui devient le nouvel environnement et qui prend le pouvoir sur son inventeur en inversant le contenant et le contenu. Depuis la nuit des temps, le monde naturel est le contenant, l’artefact culturel est le contenu. Dans la société post-covid, l’artefact culturel doit devenir le contenant au sein duquel le monde naturel et biologique subsistera comme contenu et auquel il devra se plier.

Cette inversion signifie que ce ne seront plus les mécanismes de la sélection naturelle qui présideront à notre existence. La sélection naturelle dit que votre destin est défini par votre adaptation réelle à un environnement réel. L’adéquation au réel l’emporte sur l’erreur ; les solutions adaptées à l’environnement l’emportent sur les solutions non adaptées, donc erronées, qui sont éliminées. Or, nous entrons dans ce que l’on pourrait appeler une « sélection artificielle », qui dit que votre destin est défini par votre soumission réelle à un environnement virtuel construit par l’Homme, et donc truffé d’erreurs, de bugs et de dysfonctionnements.

Exemple : dans un avenir proche, des centaines de milliers de gens vont rater leur avion ou leur train parce que leur test à la covid-19 sera positif avant d’embarquer, alors que ce test aura en fait produit un faux cas positif. Les tests PCR et antigéniques produisent en effet jusqu’à 90 % de résultats faux. Notre vie, notre survie seront bientôt suspendues à des technologies qui accumulent les erreurs de diagnostics, ainsi que les possibilités de trucage, de détournement, de piratage, etc. Notre existence sera entièrement rythmée par la technique et ses multiples problèmes, pannes à répétition, fautes de calcul, falsifications, vols de données, etc. Le tout-numérique fragilise les sociétés en les exposant aux cyber-attaques et aux accidents, comme on le voit déjà avec le compteur Linky. Nous allons passer d’un monde où ce sont les solutions qui marchent qui sont sélectionnées, retenues, puis qui deviennent majoritaires, normatives et contraignantes, à un monde où ce n’est pas forcément ce qui marche qui deviendra normatif et contraignant. Le monde va donc sombrer dans l’inintelligence artificielle et le stade terminal de l’idiocratie. L’automatisation complète du globe terrestre, objectif poursuivi par le Great Reset, sera en fait le grand dysfonctionnement généralisé et la grande désorganisation méthodique de la vie sur Terre.

Nous allons entrer dans le royaume de la déglingue définitive et de l’effondrement systémique dans l’abrutissement technophile.

R. : Sur le plan de la communication, ce projet repose avant tout sur la peur et l’utilisation des nouvelles technologies dans le contrôle social. Basculons-nous dans le libéralisme sécuritaire avec l’état d’urgence sanitaire ? 

L.C. : La peur et le sentiment d’un risque imminent sont des moteurs de l’action que le pouvoir manipule parfaitement. Klaus Schwab, en tant que professeur de management industriel, est parfaitement formé aux techniques du type « conduite du changement », qui visent à fabriquer le consentement au changement en entreprise (et ailleurs) même quand c’est inutile ou nuisible pour les salariés. Comment ? […]

Entretien réalisé par  Monika BERCHVOK.

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A lire : Lucien Cerise, Neuro-pirates, éditions Kontre Kulture. Disponible sur https://kontrekulture.com/