Rivarol n°3459 du 17/2/2021
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Rivarol n°3459 du 17/2/2021 (Papier)

Editorial

Zemmour peut refaire le coup de Sarkozy !

Depuis de longs mois la droite hors les murs se cherche un candidat. Après les renonciations de Marion Maréchal, les hésitations de Philippe de Villiers, l’aurait-elle enfin trouvé ? Le journaliste et polémiste Eric Zemmour serait en effet très tenté par une candidature à la présidentielle de 2022. Après avoir commenté et analysé depuis plusieurs décennies la vie politique française, l’auteur du Suicide français s’apprêterait à briguer dans les mois qui viennent la magistrature suprême. Ses amis mettent en place des réseaux. Une pétition devrait être lancée en mars pour mesurer la popularité d’une telle initiative auprès du grand public. Et sa candidature pourrait être officialisée cet été au lendemain des élections régionales et départementales des 13 et 20 juin. Le maire de Béziers, Robert Ménard, et celui d’Orange, Jacques Bompard, figurent parmi ses soutiens les plus enthousiastes et les plus militants tant par sympathie envers le polémiste que par antipathie envers une Marine Le Pen en laquelle ils ne croient pas ou plus. 

Si le célèbre journaliste du Figaro allait au bout de sa démarche, et tout laisse à penser aujourd’hui que ce sera le cas, sauf si on lui glisse une peau de banane d’ici là, comme ce fut le cas pour Fillon, ce serait un fait politique de première importance de nature à chambouler la prochaine présidentielle et à empêcher la réédition d’une finale Macron-Le Pen. Eric Zemmour, très apprécié, tant dans l’électorat LR que dans celui du RN, pourrait en effet être un concurrent redoutable tant pour le candidat des Républicains que pour une Marine Le Pen qu’il n’aurait aucun mal à dominer, voire à ridiculiser et pulvériser, dans des débats télévisés où son sens de la formule et de la répartie, sa cohérence idéologique, sa maturité politique, sa culture historique et littéraire (qui est certes celle du journaliste, non de l’érudit) font mouche et lui valent de grands succès. 

S’il va au bout de sa démarche — et qui peut croire, s’il se lance, qu’il aura du mal à réunir les 500 signatures requises et les financements nécessaires tant il peut compter sur le soutien du puissant et richissime Bolloré et sur l’estime d’édiles divers droite qui se feraient une joie et un honneur de lui apporter leur précieux paraphe ? —, il pourrait réussir là où Sarkozy a triomphé quinze ans avant lui : faire dès le premier tour le plein des voix de droite, siphonner l’électorat frontiste en tenant un discours aux tonalités beaucoup plus radicales et séduisantes que le discours lisse et fade d’une Marine Le Pen empêtrée dans sa stratégie de dédiabolisation, désireuse de se présidentialiser et oublieuse qu’avant de remporter le second tour il faut déjà gagner le premier. 

La déconfiture de Dupont-Aignan, les frasques homosexuelles du pauvre Asselineau, la solitude de Philippot, l’absence de chef incontesté et de présidentiable avéré à droite, les limites et insuffisances de Marine Le Pen qui fait de surcroît figure de déjà vu et ne suscite aucun enthousiasme ouvrent sur le papier un boulevard à Eric Zemmour dont on ne peut nier l’habileté rhétorique, la maîtrise des débats et la clarté des propos, quoi qu’on pense du personnage par ailleurs. Sa tribune quotidienne sur CNews lui attire chaque soir quelque 800 000 téléspectateurs qui sont autant d’électeurs — voire de donateurs — potentiels pour une campagne présidentielle. Ne cachant pas son mépris pour une Marine Le Pen dont il raille l’incompétence crasse et la totale nullité (et il est difficile de lui donner tort sur ce point), ne croyant pas davantage aux capacités des actuels dirigeants des Républicains, Zemmour pourrait surfer sur le vide et le chaos actuels et diviser fortement les milieux nationaux dont il peut espérer de nombreux soutiens, du Parti de la France à Riposte laïque, de la Ligue du Sud à la Ligue du Midi. Recopiant sans vergogne le programme historique du Front national sur l’immigration, il entend proposer des mesures de préférence et d’exclusivité nationales, se faisant fort par exemple de réserver les allocations familiales aux Français. 

Il n’hésite pas non plus à tenir des discours historiquement incorrects. S’il se garde bien, et pour cause, de remettre en question la Shoah (comme l’a professé Alain Jakubowicz, « Eric Zemmour n’est pas Robert Faurisson »), il a défendu publiquement le maréchal Pétain qui a, selon lui, sauvé de nombreux juifs français de la déportation, ce qui est parfaitement exact et ce que reconnaissait en son temps feu l’historienne et la journaliste juive de grand talent Annie Kriegel. En cela, comme dans beaucoup de domaines, Zemmour se situe bien plus à droite que Marine Le Pen qui avait déclaré un jour que ce qu’elle reprochait le plus à François Mitterrand, c’était d’avoir été décoré de la Francisque. N’oublions pas non plus que la présidente du RN a exclu son père du Front national parce qu’il avait défendu l’action du Maréchal Pétain dans les colonnes de RIVAROL en avril 2015.

Sachant que les solides préventions à l’égard du judaïsme ont presque totalement disparu aujourd’hui au sein de la société française, au point que le public des librairies catholiques traditionalistes parisiennes a depuis dix ans systématiquement assuré un accueil triomphal à Zemmour, chaque fois que ce dernier dédicaçait l’un de ses ouvrages, sachant que l’homme en question ne manque ni d’énergie ni d’intelligence tactique ni d’habileté, ni de talent, qu’il sait parler de la France, de son passé, de ses racines, de sa grandeur de manière à toucher le grand public, et singulièrement l’électorat de droite, toutes tendances confondues, un électorat qui n’aime rien tant que les hommes providentiels, sachant enfin que Zemmour dit beaucoup de vérités en reprenant sur bien des points le programme et les analyses historiques de la droite nationale que lui, et lui seul, a le droit de développer à la télévision grâce à sa judéité (mais qu’il occulte aussi des vérités fondamentales, par exemple sur la nuisance du lobby judéo-sioniste sur la politique intérieure et internationale par exemple), ce journaliste sexagénaire qui connaît le tout Paris et les arcanes de la vie politique sur le bout des doigts, pourrait être un véritable épouvantail pour les autres prétendants dits de droite, généralement moins doués que lui et moins visibles, car moins exposés médiatiquement. S’il réussissait, ce serait évidemment une catastrophe pour une Marine Le Pen qui joue dans cette élection présidentielle sa survie politique, dont le parti est fortement endetté et qui ne survivrait probablement pas à un troisième échec dont les conséquences électorales, et donc financières, aux législatives subséquentes pourraient être dévastatrices, le financement public pendant cinq ans étant calculé sur le score obtenu par le parti au premier tour des législatives.  

Reste à savoir, et c’est le plus important, qui est à l’origine de l’opération Zemmour et quelle en est la finalité. Une telle médiatisation du publiciste ne doit rien au hasard et il ne fait pas de doute que des réseaux sont à l’œuvre pour séduire et neutraliser la droite nationale et nationaliste en France. Dans le cadre d’une opposition contrôlée. Les milieux juifs les plus radicaux sont ainsi de bruyants soutiens d’Eric Zemmour. Il suffit pour s’en convaincre de naviguer sur le site de la Ligue de Défense juive ou d’autres blogs analogues. Les positions radicalement anti-Islam du polémiste leur plaisent. Ainsi que sa sympathie affichée pour l’entité sioniste. En 2018, lors du massacre d’une grosse cinquantaine de Palestiniens par Tsahal, Zemmour avait justifié cette répression en assimilant les Palestiniens à des migrants. Ce qui est historiquement faux, mensonger et insultant. Mais les Likoudniks étaient aux anges. Et si c’était ça au fond la révolution Zemmour, le bleu-blanc-rouge repeint aux couleurs de Tel Aviv ? 

Jérôme BOURBON, RIVAROL.

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Billet hebdomadaire

La chienlit fondatrice

Un peu de synthèse ne fait jamais de mal. Tant d’affaires de mœurs politiques se sont récemment succédé qu’il convient d’y mettre un peu d’ordre. On peut les envisager sous plusieurs aspects. D’abord l’enquête policière. Les faits sont-ils établis ? Oui pour Polanski, Mitterrand, Polac, Cohn-Bendit, Matzneff, Griveaux, puisque les actes ont été vus, avoués ou revendiqués. Pas complètement pour Duhamel (qui n’a ni nié ni avoué), il n’y a pour l’instant que des accusations mais pas d’aveux. Pas non plus à ce stade pour Lang et Berry, puisque ces deux hommes nient ce qui leur est reproché. Il y a ensuite l’aspect judiciaire. DSK et Polanski se sont mis d’accord avec la justice américaine. On verra ce que deviendront les autres affaires. Il y a enfin la question morale. Les journaux sont friands des frasques des hommes publics, mais l’on voit mal, en général, l’intérêt de les étaler, le voyeurisme des uns s’accordant à l’hypocrisie de certains autres et aux intérêts d’autres autres. Jean-Marie Le Pen avait coutume de dire : « Je ne fais pas la police des braguettes », et il avait dans l’ensemble raison. Etaler la laideur commune signale un puritanisme déréglé et Notre-Seigneur a sauvé la femme adultère en disant : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Si par bonheur telle faiblesse nous est épargnée, rendons-en grâce tout en sachant que nous en avons d’autres. Cependant certains péchés « crient au ciel », selon l’expression consacrée, et il faut empêcher de nuire leurs auteurs. 

En dehors de ces affaires elles-mêmes, que François-Xavier Rochette a remarquablement traitées, sans omettre de décrire les réseaux politiques et sociaux qui relient leurs protagonistes, il y a leur utilisation politique intensive depuis l’automne 2017, du début de l’affaire Weinstein, avec le lancement du hashtag metoo, jusqu’à Scienceporc et la démission du directeur de Science Pô. Une part de cette agitation se propose un but légitime, qui est de mieux protéger les victimes des prédateurs en rendant certaines lois plus sévères. Mais il existe aussi une propagande diffuse dans les media et les réseaux sociaux, tendant à désigner responsables de tous les crimes et vices « l’homme blanc » et « le patriarcat », ou même, dans l’affaire Griveaux, à répandre la conviction que celui qui prône une vie de famille normale est un menteur ridicule. Or, répétons-le, il s’agit d’une inversion grossière de l’analyse, inversion volontaire, inversion révolutionnaire lancée par ceux-là mêmes qui sont les responsables de l’accroissement du mal. Voilà dix ans, l’enquête sur la “pédophilie” dans l’Eglise américaine de 1950 à 2000 menée par l’institut de criminalité indépendant John Jay, avait conclu que le clergé américain, comme d’autres institutions, avait été infecté au cours des années soixante par une vague de licence et de laisser-aller doctrinal, dont les effets s’étaient fait pleinement sentir dans les années 1970 et 1980, avant de régresser par la suite. J’avais rappelé à l’époque, dans Qui instrumentalise l’Eglise, l’alliance des associations pédomaniaques et homosexuelles et de certains Verts dans un projet de “libération” révolutionnaire, auquel les journaux Le Monde et Libération, et le Landernau intellectuel de gauche parisien, le même qu’on découvre aujourd’hui trempé jusqu’au cou dans les affaires, faisaient le meilleur accueil.

Aujourd’hui, l’ancien ministre Luc Ferry reprend cette constatation, en la réduisant un peu : il a publié au début du mois une tribune dans le Figaro où il impute la débauche incestueuse et pédomaniaque des années Lang à Mai-68. Il donne du poids et de la publicité à la thèse qu’il pille, mais la réduit trop. Le philosophe belge Louis Rade a plus justement parlé de “soixantisme” pour décrire cette espèce d’aveulissement de la pensée coïncidant avec un avachissement de la morale. Cela a commencé avant 68 et continué bien après. J’en ai précisé les bornes chronologiques dans La révolution arc-en-ciel : « La révolution par le sexe a occupé les treize ans qui vont de 1962 à 1975, du yé-yé à Giscard. Ce fut une débauche fondatrice dont sont issues nos nouvelles règles morales. […] Les mollesses et amusements des septennats Pompidou et Giscard achevèrent de plonger la France dans une déliquescence béate. La séquence des lois et faits qui changèrent le pays en une décennie (juin 70, fin de la puissance paternelle, 72, loi Pleven, 75, dépénalisation de l’avortement, juillet 75, divorce par consentement mutuel, 74-75, triomphe de la pornographie, septembre 81, abolition de la peine de mort) était ouverte dès la fin des années soixante, en 1967, avec la loi Neuwirth autorisant la vente de la pilule contraceptive. […] La révolution choisit le sexe pour premier moyen parce que c’était le plus efficace. La faim et la soif une fois étanchées, le plus vif appétit de l’homme est le sexe, il fut abondamment sollicité. Emmanuelle et le zizi triomphaient. Une boulimie tous azimuts animait le corps social, sans frein ni limite. Paris s’encanaillait et le Palais-Bourbon suivait. L’objectif allégué à chaque nouveau texte parlementaire était d’aligner les lois sur les mœurs. Bien sûr, militants et lobbies, sous couleur d’aligner la loi sur les mœurs, s’employaient à aligner les mœurs sur les lois qu’ils souhaitaient, c’est-à-dire à faire entrer dans les faits les utopies de la révolution arc-en-ciel ». […]

HANNIBAL.