Rivarol n°3467 du 14/4/2021 (Papier)
Editorial
Folies et illusions présidentielles : c’est reparti pour un tour !
Bien que le Royaume-Uni soit une monarchie constitutionnelle et que le pouvoir et l’influence de la famille royale soient plus que limités sur les destinées du pays, la mort du duc d’Edimbourg, le prince Philip, à quelques semaines de son centième anniversaire et après 73 ans de mariage avec la Reine, a suscité une forte émotion et une forme d’unanimisme en Grande-Bretagne qui est loin des querelles électorales habituelles et des questions d’ego. Non que la royauté britannique soit un modèle pour nous, tant s’en faut, vu la décadence de ses mœurs et ses positions judéo-protestantes, politiquement correctes et mondialistes (le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a d’ailleurs été le premier chef de gouvernement au monde à rendre hommage à la dépouille de l’ex-époux d’Elisabeth II, en saluant dans le prince défunt « un ami d’Israël » de longue date, c’est tout un symbole, on est vraiment loin d’un saint Louis !), mais, en dépit de tout ce qu’il faut à bon droit lui reprocher, la monarchie britannique, malgré la déliquescence continue de la Grande-Bretagne, incarne une certaine continuité historique dans le pays et reste le seul élément unissant encore aujourd’hui les Britanniques, le dernier et fragile ciment de leur unité. La distinction et l’élégance parfaites de la Reine, sa discrétion aussi, la longévité exceptionnelle de son règne (qui atteindra soixante-dix ans le 6 février 2022 ; elle pourrait battre la durée de règne de Louis XIV — 72 ans ! — courant 2024, faisant d’elle alors le souverain ayant régné le plus longtemps en Europe, sauf que le règne du Roi-Soleil était, lui, personnel et a assuré la grandeur de la France tandis que le long règne essentiellement symbolique d’Elisabeth II correspond à la décadence du Vieux Continent en général et du Royaume-Uni en particulier) sont très appréciées des Britanniques.
Même s’il s’agit essentiellement d’un symbole, d’une image, d’une apparence (mais après tout les apparences aussi comptent dans la vie des peuples, et dans la vie tout court), on ne peut nier qu’un discours de la Reine, en partie à cause de sa rareté, mais aussi à cause de la dignité qu’elle dégage, de son maintien, de sa longévité, de la solennité de ses propos, en impose davantage qu’une vulgaire allocution d’un Macron ou de tout autre politicien. Et c’est là qu’on voit que, malgré tout, une monarchie, même constitutionnelle, même abâtardie et en grande partie dévoyée, présente mieux et unit mieux un peuple que la République. Elle suscite davantage de respect et de considération que n’importe quel politicien élu. Car dans l’inconscient des peuples la monarchie, la royauté riment avec la grandeur, le prestige, la vertu, le sacré, le beau, le bien. Même si ces nobles principes, ces magnifiques réalités se conjuguent hélas au passé.
Dans un an presque jour pour jour devrait en principe avoir lieu le premier tour de l’élection présidentielle en France. Le quinquennat adopté en septembre 2000 a encore renforcé l’importance et la fréquence de l’élection-reine de la Ve République, mettant fin au septennat adopté en 1875 par une Assemblée nationale alors majoritairement monarchiste. L’élection présidentielle au suffrage universel est pourtant une novation relativement récente dans nos institutions puisque la Constitution de 1958 donnant naissance à la Ve République ne le prévoyait pas. C’est le général De Gaulle, un mois après l’attentat manqué du Petit-Clamart qui annonce, dans une allocution télévisée, le 20 septembre 1962, sa volonté d’inscrire dans la Constitution l’élection du président de la République au suffrage universel, remplaçant l’onction sacrée et divine des rois de France par l’onction populaire. Près de soixante ans après son adoption, on ne dira jamais assez combien cette réforme a eu des conséquences dévastatrices aggravant le poids des partis politiques, le culte de la personnalité avec la création d’écuries présidentielles, l’importance de l’image, de l’apparence et de l’ego au détriment des idées, d’un corpus doctrinal, de l’élaboration d’un grand dessein, de la recherche du bien commun. RIVAROL s’était fermement opposé à l’époque à cette réforme, prévoyant et prédisant que, loin de résoudre les problèmes se posant à notre nation, elle les aggraverait considérablement. C’est exactement ce qui s’est passé.
Le fait est que plus l’on vote, plus l’on fait voter les gens, plus les choses vont mal. Ces dernières décennies trois nouveaux scrutins ont été créés : l’élection présidentielle au suffrage universel direct instituée en 1962 et mise en œuvre concrètement depuis 1965, tous les sept ans, puis tous les cinq ans depuis 2002, les élections européennes tous les cinq ans depuis 1979 et les élections régionales tous les six ans depuis 1986. Et l’on a ajouté des tours de scrutin : les régionales qui étaient initialement au scrutin proportionnel à un tour sont désormais un scrutin à deux tours avec prime de 25 % à la liste arrivée en tête au deuxième tour.
Dans sont dernier ouvrage intitulé Une nouvelle ère : le coronalithique (aux éditions de Chiré pour 19 euros), consacré à l’absurdité de notre temps de coronalithique où l’on ne sait plus penser grand et où tout est étriqué, le coruscant Jean-Claude Martinez explique en conclusion que le premier des clusters dont il faudrait se débarrasser vu sa nocivité, c’est l’élection présidentielle au suffrage universel. Il n’est plus question désormais de choisir un chef qui va présider aux destinées de la nation et qui doit avoir les compétences et la vista nécessaires mais un morne politicien aux ordres de l’oligarchie financière et cosmopolite. Il faut se débarrasser du virus électoraliste et des illusions de l’élection présidentielle. Une nation a besoin de durée, de stabilité, de calme pour pouvoir perdurer, se développer, prospérer. Sa grandeur, sa pérennité sont radicalement incompatibles avec le choc des ambitions individuelles, les intérêts antagonistes des factions rivales, la fugacité des mandats électifs, les variations des programmes, les mensonges des carriéristes, la démagogie outrancière et répugnante des candidats et des partis, la puissance des forces anonymes et vagabondes qui agissent comme des marionnettistes faisant s’agiter des pantins pour tromper des nigauds pendant qu’elles font prospérer leurs affaires si peu catholiques mais ô combien lucratives et nuisant gravement à l’intérêt général.
Si les peuples européens pouvaient ne plus du tout s’illusionner au sujet de la démocratie et de l’électoralisme, et ne plus communier en rien à ces rites, ni croire à ses faux dogmes, ni applaudir ses personnages prétendument providentiels, et en fait choisis et cooptés par l’oligarchie à travers le filtre des 500 signatures, la sélection médiatique, le tri opéré par le financement public des partis politiques, alors un premier et grand pas serait fait vers leur délivrance, la lucidité étant l’un des principaux et plus nobles outils de l’intelligence humaine. Un instrument hélas généralement peu et mal utilisé en politique.
Jérôme BOURBON, RIVAROL.
Billet hebdomadaire
L’Arc-en-ciel contre l’Eglise
L’ennemi Numéro Un de la révolution Arc-en-ciel est l’Eglise catholique. C’est une évidence qu’il suffit de penser une seconde pour redécouvrir si on l’a oubliée. Parce que c’est une révolution anti-copernicienne qui a déplacé le centre du monde moral du soleil divin vers l’idole de la terre tout en faisant de l’homme un dieu soumis à son propre caprice, qu’il s’agisse de sexe, d’avortement, d’euthanasie, de transgenrisme, de transhumanisme, et d’une manière générale, de tout le travail que, dans son orgueil démentiel, il prétend faire sur la matière humaine. La Babel arc-en-ciel doit donc poursuivre de sa haine méticuleuse tout ce qui subsiste du catholicisme, qui lui fait un éternel obstacle. Deux faits divers l’ont récemment illustré.
Le premier est une affiche qu’on a placardée dans la bonne ville de Périgueux pendant le Carême. Elle représente la Sainte Vierge, avec une moustache et une minijupe, tenant dans ses bras un enfant Jésus tatoué. Au bas de la chose, on pouvait lire, en anglais dans le texte, « wild feminism ». Ce féminisme sauvage avait pour ambition de “désacraliser” la figure de la Vierge Marie, de façon à la représenter d’une manière « plus fluide sur les questions de genre ». Voilà donc la Mère de Dieu enrôlée par les disciples de Judith Butler, avec la bénédiction de la République française, car le maire de Périgueux, Delphine Labails, fonctionnaire et socialiste, a provoqué ès qualités cette campagne de propagande. Ce n’est pas la première fois qu’elle cherche à faire parler d’elle. A peine élue, elle avait rédigé le règlement intérieur du conseil municipal en écriture inclusive, ce qui a donné lieu à un procès. Elle fait partie de ces femmes de la gauche progressiste qui pensent que la langue est fasciste et qu’il faut la réformer par la répression(1). Il n’est pas étonnant qu’Anne Hidalgo, qui cherche à se placer dans la course à la présidentielle, l’ait intégrée le mois dernier dans son équipe de pré-campagne présentée à la presse à Douai, au poste de « chargée de l’éducation ». Une éducation naturellement arc-en-ciel, LGBTQ et anti-chrétienne.
Le second fait divers qui nous sert de papier tournesol pour mesurer le degré d’anti-catholicisme de l’arc-en-ciel est la vaguelette de délations qui a baigné la fête de Pâques : à Paris et à Reims, des messes ont été signalées aux autorités parce qu’elles auraient été dites sans que les « gestes barrières » fussent respectés, et en présence de nombreuses personnes ne portant pas de masques, tant parmi les fidèles que parmi les desservants. Quant à Reims, la chose aurait eu lieu dans l’église Sainte-Jeanne d’Arc, et, d’après le Huffington Post, c’est « un maire ardennais en colère » qui l’aurait dénoncée. A Paris, le vertueux délateur est resté discret. Deux hommes d’église ont été placés en garde à vue et une information ouverte pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ». Cependant le chantre de la paroisse Saint-Eugène a précisé que cette messe de la vigile pascale n’avait pas été, selon lui, « une provocation » ni du « militantisme forcené aveugle », mais seulement l’effet d’une affluence plus grande que prévue. L’édifice n’était d’ailleurs pas plein et les gens répartis au mieux, certains portaient le masque, d’autres non, « c’est la liberté de chacun ». Cependant, selon des témoignages complaisamment recueillis par le Parisien libéré, « le phénomène ne serait pas nouveau » et « cela fait un an que les règles sanitaires ne sont pas respectées ». Il faut préciser que Saint-Eugène a « la réputation d’être une paroisse traditionnaliste ». L’“évêché de Paris” s’est “désolidarisé” de cette messe et a ouvert une enquête canonique.
Celui de Reims n’a pas réagi aux articles de presse ni à l’ouverture d’une enquête du parquet de Reims pour « non-respect des gestes barrières en temps de pandémie ». Deux messes ont été célébrées par un desservant de l’Institut du Christ-Roi à Sainte-Jeanne d’Arc en présence respectivement de 90 et 100 fidèles, sans masques ni gestes barrières selon les accusateurs, ce qui est nié par le célébrant : « Des masques et du gel hydroalcoolique sont diffusés. Mais je n’ai pas les moyens d’astreindre les fidèles aux masques ». Circonstance aggravante, ces messes étaient dites en latin selon le rite tridentin. On notera que le martyre est un acte toujours aussi difficile, même quand on ne risque pas sa vie, et que le César républicain est plus puissant que les princes de l’Empire romain ne l’étaient : il a si bien passé la laisse et la muselière aux chrétiens que ceux-ci n’osent plus bouger. La défense du chantre parisien et celle du chanoine rémois sont caractéristiques : ni l’un ni l’autre ne nie les covidistouilles de César, ni ne dit, je n’ai de compte à rendre qu’au Christ et à son Eglise, l’Etat n’a pas à faire la police à l’intérieur de nos lieux de culte. Au contraire ils disent : je ne suis pas un rebelle, j’adore l’empereur et je me soumets au théâtre de la pandémie. Cette défense de connivence n’empêche pas la “hiérarchie ecclésiale” de sévir, ni la puissance publique de poursuivre. Les fidèles se soumettent par peur de l’Etat, par respect de la religion du COVID. L’arc-en-ciel triomphant n’en continue que mieux à les menacer et les humilier.
Aussi, lorsqu’il promeut, dans un autre domaine, le Grand Remplacement aggravé par l’implantation massive de l’Islam, ceux qui, comme Marine Le Pen, voudraient faire de la laïcité un rempart, se trompent-ils du tout au tout : avec ses lois laïques, la République française n’a jamais eu pour objectif d’assurer l’exercice harmonieux du catholicisme et des cultes minoritaires, mais d’abattre l’Eglise pour lui substituer la spiritualité maçonne. Et quand l’Islam aura contribué à finir de détruire ce qui subsiste de chrétienté en France, la République s’assurera qu’il s’adapte lui aussi à la spiritualité maçonne. Tel est le but fixé à la dialectique du vivre ensemble. Là-dessus, tous nos présidents sont d’accord, Jacques Chirac qui ne mettait « rien au-dessus de la loi civile », Sarkozy et sa « laïcité positive » pour qui « les grandes religions » ont pour mission de « civiliser la politique de globalisation », Hollande et son « Etat neutre ». L’ennemi, c’est l’“intégriste”, le catholique qui ne divinise pas César, qui n’accepte pas la loi faite pour éliminer Dieu et lui avec.[…]
HANNIBAL.
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(1) Sur l’écriture inclusive, lire l’opinion de 32 linguistes dans Marianne : https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/une-ecriture-excluante-qui-s-impose-par-la-propagande-32-linguistes-listent-les