Rivarol n°3512 du 30/3/2022
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Rivarol n°3512 du 30/3/2022 (Papier)

Editorial

Présidentielle : vers une abstention record ?

LES DIFFÉRENTS INSTITUTS de sondage prédisent à l’heure actuelle une abstention record lors du premier tour de l’élection présidentielle le dimanche 10 avril. Elle pourrait, selon eux, battre des records historiques et dépasser les 30 voire les 35 %, ce qui est considérable pour l’élection-reine de la Ve République. Le précédent record date du 21 avril 2022 lorsque Jean-Marie Le Pen s’était hissé au second tour face au président sortant Jacques Chirac. L’abstention était alors de 28,40 %. Pour un second tour de présidentielle, la participation la plus faible remonte au 15 juin 1969 lorsque l’ancien Premier ministre de De Gaulle, Georges Pompidou, et le président du Sénat, Alain Poher, s’étaient affrontés au bénéfice du premier. L’abstention avait atteint 31,15 %, le candidat communiste Jacques Duclos, battu de peu au premier tour, ayant appelé ses électeurs à un retrait des urnes qui fut massivement suivi, car il refusait de choisir, selon sa célèbre formule, « entre bonnet blanc et blanc bonnet ».
Au fil des décennies, l’abstention n’a globalement cessé de s’accroître à tous les scrutins. Et plus l’on fait voter les citoyens, plus ils font la grève de l’urne, plus ils désertent l’isoloir. Comme si trop de votes tuaient le vote. Jusqu’en 1965 il n’existait pas d’élection présidentielle au suffrage universel direct. Et jusqu’en 2002 cette élection ne revenait dans le calendrier que tous les sept ans, et non tous les cinq. De sorte que l’on est désormais en campagne électorale permanente. Jusqu’en 1979 les élections européennes visant à élire des eurodéputés à Strasbourg et à Bruxelles n’existaient pas ; elles ont lieu désormais tous les cinq ans à la fin du printemps, entraînant une débauche d’argent considérable tout à fait inutile. Jusqu’en 1986 les élections régionales n’existaient pas et l’on ne s’en portait pas plus mal. Ce nouveau scrutin, lui aussi fort dispendieux, qui a rajouté un échelon administratif et une assemblée élue au suffrage universel, est source de gabegie et a créé des féodalités régionales tout à fait superfétatoires. Ce n’est pas un hasard si les principaux prétendants à l’investiture des Républicains étaient presque tous des présidents de région en exercice, Xavier Bertrand pour les Hauts-de-France et Valérie Pécresse pour l’Ile-de-France. Et Laurent Wauquiez lui-même, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a failli concourir, même s’il y a in extremis renoncé, ayant sans doute l’intuition que la “droite” parlementaire ne pourrait reconquérir l’Elysée en 2022 et préférant sans doute se réserver pour la fois d’après lorsqu’il aura au préalable fait main basse sur LR après la probable déroute de Pécresse le soir des Rameaux.

LA CAMPAGNE OFFICIELLE qui doit enfin être marquée par une stricte égalité du temps de parole entre les douze candidats officiellement en lice pour cette onzième élection présidentielle au suffrage universel direct de la Vème République a commencé ce lundi 28 mars. Dans une dizaine de jours, au soir du 10 avril, il ne restera plus que deux candidats qui se feront face, selon la tradition, quelques jours plus tard dans le fameux débat télévisé de l’entre-deux-tours qui s’est toujours tenu depuis la présidentielle de 1974 (alors entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand), sauf en mai 2002 quand Chirac s’était piteusement défilé ne voulant pas débattre avec le président du Front national au nom de son « refus de la haine ». Comme c’est commode ! De la part d’un menteur, d’un voleur et d’un tricheur comme Chirac (« votez escroc, pas facho » scandaient les millions de manifestants antifascistes lors de la quinzaine de la haine), condamné définitivement pour corruption en 2014, dans l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris, Chirac regnante, cela valait son pesant de cacahuètes.
A l’heure actuelle, les sondages indiquent comme probable la réédition du duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ce n’était pas acquis d’avance. D’autant que la benjamine de Jean-Marie Le Pen a connu des années plutôt difficiles avec un fort endettement de son parti (plus de vingt millions d’euros de dettes), un asséchement de son noyau militant (qui s’est réduit comme peau de chagrin, on parle de vingt mille adhérents environ à jour de cotisation actuellement contre quelque 70 000 il y a cinq ans), le départ d’un nombre non négligeables de cadres, d’élus et de figures du parti, de mauvais résultats aux dernières régionales et départementales de juin 2021 où non seulement aucune région ni aucun département n’a été conquis mais où de surcroît les résultats ont été inférieurs de près de dix points aux précédentes régionales et départementales de 2015. Assez étonnamment, du moins à en croire les sondages, qui peuvent certes se tromper (ils avaient ainsi accordé 7 points de plus que ce que le RN a fait au premier tour des dernières régionales : 25 % contre 18 % à l’arrivée !), Marine Le Pen ne semble pas pâtir jusque-là de ses échecs répétés, de ses multiples revirements, de ses incessants changements de pied, sur la sortie de l’euro et de l’Union européenne, sur l’abrogation du “mariage” homosexuel et de la PMA sans père, sur la retraite à soixante ans, sur la double nationalité, sur la sortie de Schengen et de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme et de la cour de justice de l’Union européenne, sur la Russie et sur Poutine. Tout semble glisser sur elle comme sur la plume du paon. Elle bénéficie sans doute de la force de son patronyme et de son inégale notoriété. Et probablement aussi de sa gouaille. En lui offrant sur un plateau le Front national, son père, bien qu’il n’en ait guère été remercié, c’est le moins qu’on puisse dire, lui a décidément fait un cadeau inestimable. Sur le plan politique, électoral, médiatique et financier.  
Sans doute la guerre en Ukraine favorise-t-elle aux yeux des électeurs les candidats les plus connus et les plus anciens. En période de crise internationale aiguë, d’instabilité, de crainte de l’avenir, d’angoisse, la plupart des électeurs préfèrent probablement faire confiance à des personnalités éprouvées, qu’ils connaissent bien, ou croient bien connaître, plutôt que de se laisser aller à la nouveauté. Ce n’est certainement pas un hasard si les candidats qui recueillent actuellement le plus de suffrages, à en croire les enquêtes d’opinion, sont dans l’ordre Macron, Le Pen et Mélenchon. Ce sont en effet les trois personnalités de loin les plus connues parmi les douze candidats officiellement en lice. Les électeurs doivent se dire, selon l’adage, que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Les crises internationales ne favorisent pas la propension à l’aventure, à la nouveauté, au risque. C’est pourquoi hélas Macron est l’incontestable favori à sa réélection. Même si l’on ne peut jamais jurer de rien, et que les surprises existent, il sera certainement très difficile d’aller le déloger, d’autant plus qu’il bénéficie, semble-t-il, de l’appui massif des seniors qui, eux, contrairement à d’autres catégories de la population, votent massivement et consciencieusement.  

CELA DIT, ne nous le cachons pas, ces élections pour lesquelles tant de personnes s’excitent, espèrent et se passionnent, y compris dans le camp dit national, comme tous les cinq ans, pour à l’arrivée une semblable déconvenue, une énième gueule de bois, ne changeront probablement rien. Ou, si changement il y a, ce ne sera certainement pas pour un mieux. Ce qui pourrait en revanche apporter demain ou après-demain des bouleversements très importants, c’est la grave crise alimentaire qui se profile à moyen terme avec la guerre en Ukraine, pays qui est traditionnellement le grenier à blé de l’Europe. On sait d’ailleurs ce qui s’est passé au moment de l’Holodomor et de la mort par famine organisée sous Staline de sept millions de paysans ukrainiens. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître dans une société occidentale marquée actuellement par la surabondance et le gaspillage des denrées alimentaires, nous pourrions, à plus ou moins longue échéance, connaître de fortes restrictions alimentaires qui pourraient même, ici ou là, dans le pire des cas, aller jusqu’à la famine. On n’a pas suffisamment évoqué les propos assez catastrophistes de Macron lors du dernier Conseil européen, les 24 et 25 mars, évoquant une prochaine crise alimentaire d’une gravité sans précédent. Et c’est peut-être au final ce que cache et ce sur quoi pourrait déboucher à plus ou moins long terme le conflit en Ukraine s’il dure, s’intensifie, s’aggrave voire s’étend : une rupture des stocks et de l’approvisionnement, une famine partielle ou totale sur tout ou partie du Vieux Continent. A première vue, cela paraît certes impensable, inimaginable, incroyable. Cela s’assimile au scénario cauchemardesque  d’une dystopie. Et pourtant, qui eût imaginé il y a ne serait-ce que trois ans ce que nous avons vécu en Occident, et au-delà, avec le Covid et la tyrannie sanitaire depuis mars 2020 ?
On a le sentiment qu’un narratif a succédé à un autre et qu’on prépare peu à peu les peuples à d’autres restrictions, d’autres catastrophes, d’autres pénuries, d’autres sacrifices, probablement plus lourds, plus violents encore que ce qui a été mis en place jusque-là. En utilisant comme toujours la peur. En procédant aux manipulations de masse. En fabriquant artificiellement, grâce à la toute-puissance des grands media audiovisuels, le consentement de l’opinion à des mesures de destruction des libertés et d’affaissement du niveau de vie. On peut appauvrir, précariser voire affamer les peuples de deux manières : en augmentant considérablement le prix de l’essence, du gaz, de l’électricité, du blé et des produits qui en sont dérivés, ou (et l’un n’est pas exclusif de l’autre) en réduisant fortement l’offre alimentaire et énergétique. Et c’est bien ce qui pourrait nous pendre au nez à plus ou moins long terme. Notre ami, feu Petrus Agricola (1941-2020), qui tint si longtemps avec brio la rubrique agricole dans RIVAROL, répétait sans cesse de son vivant, avec angoisse, au vu de l’évolution de la situation, au vu de notre folle dépendance alimentaire et énergétique (alors que nous avions les moyens d’être autosuffisants si nous avions mené depuis des décennies des politiques conformes à la prudence et à l’intérêt général), que, tôt ou tard, tout cela finirait hélas en famine, notre monde étant un colosse aux pieds d’argile qui a tourné le dos à tout bon sens paysan et à toute prévoyance. Et là il ne sera plus temps de savoir qui de Macron, de Marion, de Zemmour, de Pécresse, de Le Pen ou de Mélenchon décrochera la timbale, mais il s’agira alors tout simplement d’essayer de survivre, tant bien que mal, avec les siens, dans ce qui risquerait alors de s’apparenter à la loi de la jungle. On ne le répétera jamais assez, l’histoire est le théâtre de l’imprévu.

RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>. 

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Billet hebdomadaire

Les voies de l’arc-en-ciel en Ukraine et en France

Un mot de l’Ukraine. Dans le courrier de la semaine passée, un abonné qui m’aime bien m’a invité à cesser de déparler comme un dromadaire ivre de vin de palme. Précisons donc ma pensée. J’ai dit, et je maintiens, que les conditions de l’information de guerre ne permettent pas de se faire une idée, même vague, des opérations ni des buts exacts de toutes les parties en présence. La multiplicité des sources accroît la confusion. Ecouter experts et commentateurs, sur les plateaux de télévision, fouiller les revues et les sites internet, donne le tournis et le sentiment de participer à une vaste fantasmagorie, un combat de catch de fanatiques se présentant tous comme omniscients, tirant des parallèles fuligineux avec toutes les périodes de l’histoire qui les arrangent. Le degré de folie est ahurissant, de même que l’agressivité. Ces agitations dissuadent de verser dans la poutinolâtrie comme d’entonner le péan de l’OTAN. Tâchons de nous orienter dans cette fumée en prenant garde qu’en Ukraine plusieurs guerres se combinent, selon quatre nœuds.

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Le premier est diplomatique. Lors de la dissolution de l’URSS, la Russie et l’Ukraine se sont séparées. Tout le monde sait que Kiev fut voilà mille ans l’un des berceaux de l’Etat russe. Tout le monde sait aussi que depuis l’eau a coulé sous les ponts, que plusieurs puissances, Pologne, Lituanie, ont régné sur des terres qui sont aujourd’hui ukrainiennes, tout le monde sait que la Grande Catherine a repoussé le Turc et conquis la Crimée à la Russie, etc., etc., tout le monde sait aussi que le communisme a semé, avec la misère, l’oppression et la mort, un extrême désordre dans le coin. De même que le Kossovo fut peuplé d’Albanais par la lubie de Tito, de même le Donbass et Lougansk sont-ils devenus russes par les transports de Staline succédant à l’Holodomor. La cession de la Crimée et d’une part de l’Est ukrainien à la Russie n’est donc pas impensable, même si elle contrevient au principe de l’intangibilité des frontières, à condition d’être aménagée et acceptée par l’Ukraine. Il est de plus patent que les accords de Minsk I et II, comme l’a dit Emmanuel Macron, étaient la meilleure garantie de l’Ukraine : or celle-ci, depuis 2014 et 2015, n’a pas cessé de les violer, comme aussi les « républiques séparatistes » du Donbass et de Lougansk. En particulier, les référendums prévus pour statuer sur l’autonomie ont été détournés en vue d’une sécession, ce qui explique, sans les justifier, les attaques militaires peu proportionnées de l’Ukraine contre elles. De même, quoique la Crimée soit russe par l’histoire, elle ne l’était pas au regard du droit international, et la méthode de recouvrement choisie par Poutine n’a pas été très convenable. Tout bien pesé, sur le fond de la question diplomatique, la position russe est plutôt plus juste, mais tout aurait dû se négocier. La France et l’Allemagne, parties à Minsk II, auraient dû garantir l’accord. Si elles ne l’ont pas fait, c’est qu’elles sont sous la domination de l’Amérique. Et le premier fauteur de trouble est l’Amérique. Depuis Obama, elle a organisé la déstabilisation de l’Ukraine, avec la révolution orange et l’affaire de la place Maïdan. La chose s’était un peu calmée sous Trump, mais Biden, qui a des intérêts là-bas, a relancé les opérations militaires dans le Donbass en 2021 et peut-être préparé quelque chose contre la Crimée. En conclusion, ce n’est pas Poutine le principal responsable du nœud diplomatique.
Le nœud historique est plus complexe. On a été surpris par la résistance ukrainienne. Elle s’explique par la peur ancestrale du Russe renforcée par le cauchemar de l’époque bolchevique. On est surpris de trouver des nazis revendiqués en Ukraine. L’explication n’est pas plus compliquée : c’est que la population ukrainienne a accueilli la Wehrmacht à bras ouvert, en libératrice de l’horreur soviétique. Si l’Allemagne n’avait alors commis les fautes que l’on sait, Staline était cuit et la farce cruelle de la grande guerre patriotique ne serait plus racontée aux petits enfants. Les prédations de l’URSS en Europe sont inadmissibles, et la menace que la Russie fait aujourd’hui peser sur les Etats baltes n’est pas plus acceptable. Toute l’Europe de l’Est, sauf la Serbie, a peur de la Russie. C’est cette peur qui a permis à l’OTAN de s’étendre depuis 1990. Omettre ce facteur ne permet pas de porter un regard honnête et objectif sur la guerre d’aujourd’hui.
Il existe aussi un nœud néo-historique, une sorte de réédition décalée de la guerre froide. Il semble maintenant acquis que l’OTAN ne s’étendra pas à l’Ukraine : mais elle a retrouvé une popularité auprès de dirigeants qui la disaient voilà quelques mois en « état de mort clinique », et resserre ses liens. Ainsi les Etats-Unis ramènent-ils sous leur aile leurs vassaux d’Europe occidentale comme au temps de la Crise de Cuba ou de Berlin. De l’Allemagne, ils ont exigé qu’elle choisisse des avions de combat américains et renonce au gazoduc Nord Stream II, la France a renoncé à exploiter par Total les hydrocarbures russes, et l’ensemble du continent va maintenant dépendre des livraisons américaines, en particulier ce fameux gaz de schiste hier trop cher à produire et que les écologistes condamnaient : aujourd’hui Yannick Jadot, le petit doigt sur la couture du pantalon, approuve. La grande peur de Washington, l’indépendance de l’Europe en partenariat avec la Russie, est désormais écartée : l’Occident ne domine plus le monde, mais l’Amérique domine l’Occident. De ce fait, la Russie est rejetée à l’Est. On doit penser que ce sont les buts de guerre américains : en effet, ils ne pouvaient pas penser que l’otanisation, suivie éventuellement de la nucléarisation, de l’Ukraine, soient acceptées par Poutine : ils ont donc poussé celui-ci à la guerre pour casser les relations eurasiatiques et faire du maître du Kremlin le second de Xi. Dans ce jeu, Poutine a gagné la Crimée et l’indépendance des république sécessionnistes, et il a repris en main son camp. La Biélorussie ne bouge pas une oreille, l’Ukraine est matée, et, de l’Arménie à la Yakoutie, les innombrables petites républiques associées à la Russie savent ce qu’il en coûte de s’opposer à elle. Poutine, de ce fait, peut avoir l’impression d’être revenu aux années soixante du siècle dernier et d’être redevenu un des deux grands. Mais en fait, on a vu sur le terrain les limites de sa force militaire, et, pour parer aux sanctions que l’Europe et les Etats-Unis ont prises contre lui, il s’est trouvé forcé de se tourner vers la Chine : c’est répondre bien sûr aux désirs d’un PC chinois parti à la conquête de l’Asie par la « route de la soie » et se mettre en fait à la remorque du vrai second Grand d’aujourd’hui, la république populaire de Chine. Dans la nouvelle carte, l’Europe, soumise aux Etats-Unis, disparaît.
Le quatrième nœud est méta-historique, ou arc-en-ciel. J’ai déjà indiqué la semaine dernière, et je n’y reviendrai pas, deux des façons dont Moscou joue aujourd’hui le jeu de la révolution arc-en-ciel, directement en affaiblissant l’Europe, indirectement en tant que repoussoir, Poutine faisant les affaires de l’OTAN, de l’UE et de Macron. Le paradoxe est que l’homme semble, subjectivement, s’opposer à cette révolution. Certains de ses discours manifestent des intentions très saines, des principes justes. Et sur les questions de mœurs, il réprouve le totalitarisme LGBTQ. Il a rétabli l’Eglise orthodoxe russe dans sa dignité. Il s’est opposé à l’hégémonie américaine. Tant et si bien que certains à droite le voient en champion d’un monde blanc et chrétien préservé à l’Est. C’est à mon avis une erreur de perspective. Poutine doit composer avec une base conservatrice, un peuple russe pas encore gangrené par la chienlit américanomorphe qui nous a submergés. S’il recevait pour la fête de la musique les pantins qui font bicher Macron, cela ne passerait pas. Lui et son pays jouissent d’un retard de décadence qui découle de la glaciation communiste. Mais c’est un dirigeant comme un autre, épris d’efficacité d’abord, et d’ailleurs soumis à plusieurs des poncifs de l’arc-en-ciel. Par exemple, il se sert de l’Eglise orthodoxe russe comme Staline le fit dans sa grande guerre patriotique. Sans doute a-t-il rétabli l’autorité en Russie, nourri et rendu sa fierté à un peuple qui, à son arrivée, ne se chauffait plus et crevait de faim. Cela, c’est à l’intérieur de l’empire russe. Mais à quoi sert-il dans la dialectique arc-en-ciel ?
[…]

HANNIBAL.