Rivarol n°3519 du 18/5/2022 (Papier)
Editorial
Avec Borne à Matignon, Macron dépasse les bornes !
LE SECOND QUINQUENNAT de Macron a commencé officiellement le samedi 14 mai à zéro heure, même si son intronisation a eu lieu une semaine plus tôt, une cérémonie où il a choisi, comme en 2017, de rendre un vibrant hommage à ses prédécesseurs élyséens. Ce qui n’est guère étonnant puisque l’actuel président constitue la synthèse et le point d’arrivée des chefs d’Etat successifs de la Ve République. Son slogan de la présidentielle de 2022, « Nous tous », fait référence à « la France pour tous » de Jacques Chirac en 1995. Le primat que Macron accorde à l’européisme et à l’économisme fait également de lui le clone de Giscard. Son « en même temps » fait écho à l’ambivalence fondamentale de Mitterrand, maître de l’ambiguïté, et à la duplicité manœuvrière de De Gaulle. Et la première indication que le chef de l’Etat a choisi de donner en nommant le 16 mai au soir à Matignon une femme de gauche, Elisabeth Borne, une technocrate sexagénaire qui fut ministre sans discontinuité pendant les cinq ans de son premier mandat, n’est pas non plus dépourvue de sens et prouve que l’Elyséen inscrit aussi ses pas dans ceux de Jospin et de Hollande que Borne a consciencieusement servis. Cette nomination signifie d’abord que le chef de l’Etat a décidé, au moins symboliquement, d’orienter davantage à gauche sa politique. Lors de son premier mandat, il avait choisi des Premiers ministres venus de la droite (ou prétendue telle) : Edouard Philippe (2017-2020), puis Jean Castex (2020-2022). Il a choisi cette fois-ci, ce qui n’était pas forcément évident au départ, une personnalité politique fortement marquée à gauche puisqu’elle est passée par les cabinets de Lionel Jospin à Matignon (1997-2002) et par celui de Ségolène Royal à la Transition écologique (2014-2015), sans oublier un détour par la préfectorale et la mairie de Paris tenue par le Parti socialiste depuis une vingtaine d’années.
Elisabeth Borne a été de toutes les aventures depuis la gauche plurielle il y a vingt-cinq ans sous la présidence de Jacques Chirac, a été directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’Ecologie sous François Hollande. Avec Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et Jean-Yves Le Drian, Elisabeth Borne, âgée aujourd’hui de 61 ans, fait partie des rares ministres qui le sont restés tout au long du quinquennat. Nommée aux Transports en mai 2017, elle est appelée à la rescousse en juillet 2019 pour remplacer au pied levé à la Transition écologique François de Rugy, contraint à la démission. Un an plus tard, elle est propulsée au ministère du Travail à la place de Muriel Pénicaud, un poste qu’elle a occupé jusqu’à sa nomination le 16 mai à Matignon. En matière de nouveauté et de renouvellement, on fait mieux. C’est la deuxième femme à occuper le poste de Premier ministre. Y réussira-t-elle mieux qu’Edith Cresson qui fut Premier ministre de François Mitterrand pendant 10 mois et 18 jours, du 15 mai 1991 au 2 avril 1992, et qui fut d’une rare incompétence, multipliant les boulettes et autres maladresses, n’étant manifestement pas à la hauteur de la fonction ? Ce n’est pas gagné d’avance, même si elle semble avoir plus de métier que la favorite de l’homme à la Francisque.
LE FAIT QUE Macron ait choisi ce profil prouve en tout cas qu’il entend désormais réduire l’influence électorale de la gauche après avoir contribué à affaiblir et diviser les droites (ou ce qui en tient lieu). Cette nomination prouve que, pour lui, les droites ne sont plus un danger électoral, ce qui n’est pas faux actuellement vu leurs divisions extrêmes, leur atomisation suicidaire, et qu’il convient désormais de limiter les performances électorales des partis situés à sa gauche. La personnalité d’Elisabeth Borne est également très significative. C’est une technocrate jugée cassante, inhumaine et n’ayant aucune fibre sociale. Ce qui tendrait à démontrer que, contrairement à ce qui s’est produit de 2017 à 2022, ce n’est plus Marine Le Pen que le président choisit comme première opposante mais la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) de Mélenchon. Lequel a commenté la nomination de Borne en rangeant cette dernière « parmi les figures les plus dures de la maltraitance sociale ». Dans ses différents ministères, Elisabeth Borne a en effet géré plusieurs dossiers sensibles comme la réforme de la SNCF au printemps 2018 ou la réforme de l’assurance-chômage en 2021. Et elle sera chargée de l’épineux dossier de la réforme des retraites, une question très inflammable. Elle n’est pas connue pour son souci du compromis.
Celle qui fut présidente de la RATP est au contraire considérée comme dure, raide voire brutale, désireuse de tout contrôler. Elle a la réputation d’user ses équipes : « avec elle, une note incomplète ou imprécise expose son auteur à des moments difficiles. Celles ou ceux qui l’ont côtoyée pointent l’ambiance qu’elle a imposée parmi ses troupes. « Elle est très dure, jusqu’à lessiver ses équipes. Très grosse travailleuse, elle s’attend à ce que tout le monde autour d’elle suive le même rythme », estime Gilles Dansart, directeur de la lettre spécialisée dans le transport Mobilettre. Dans les couloirs du pouvoir, la nouvelle Première ministre a rapidement gagné un surnom : « Borne out ». L’exaspération a parfois été telle que certains dans l’administration ont envisagé sérieusement d’en référer par écrit au président de la République et au Premier ministre, sans suite finalement. « Ce n’est pas une bisounours dans ses relations de travail, c’est sûr. Mais cela s’est normalisé avec le temps », confie une source proche, tout en anticipant des réunions bilatérales “compliquées” avec celui ou celle qui la remplacera au ministère du Travail. Les syndicalistes se souviennent aussi d’Elisabeth Borne. Au printemps 2018, elle était chargée de mener à bien la réforme de la SNCF. Elle a dû gérer une grève perlée qui finira par s’essouffler. « Elle était intransigeante, restant sans dévier sur la ligne fixée par Matignon. Il n’y avait pas grand-chose à négocier. Et avec les représentants syndicaux, elle est toujours restée distante et froide », se rappelle Roger Dillenseger, ancien secrétaire général de l’Unsa Ferroviaire » note le quotidien économique Les Echos qui lui est pourtant favorable et qui salue sa compétence.
MACRON, ce qui n’est pas étonnant de sa part, a fait le choix d’une pure technocrate qui appliquera sans état d’âme sa politique qui sera à n’en pas douter d’une très grande dureté sur le plan social et sur celui des négations de libertés. Cette nomination prouve que le chef de l’Etat qui ne peut se représenter une nouvelle fois en 2027 a l’intention de conduire une politique bien plus dure et anti-sociale lors de son second quinquennat. Tout laisse à penser que Macron II sera bien pire encore que Macron I. Les classes moyennes peuvent se faire du souci car l’Exécutif va les tondre comme des moutons. Elisabeth Borne doit s’entourer de deux ministres forts, l’un chargé de la « planification énergétique » et l’autre de la « planification écologique territoriale ». Des dossiers que cette polytechnicienne (et ancien préfet de région) est censée connaître parfaitement. Elisabeth Borne a souligné lors de la passation de pouvoir avec Jean Castex le « défi écologique et climatique » sur lequel « il faut agir plus vite et plus fort ». Il s’agit de passer en force.
On peut craindre le pire : au nom de l’écologie, on ne cesse de multiplier les taxes, de persécuter l’automobiliste, souffre-douleur et vache à lait de l’Etat, de restreindre les libertés. Nul doute qu’un coup d’accélérateur va être donné avec ce nouveau gouvernement. Et cela au détriment du peuple. N’oublions pas que le mouvement des gilets jaunes est né dans la France périphérique à cause des taxes excessives sur les carburants qui rendaient la vie impossible à des millions de provinciaux qui ont besoin de leur voiture au quotidien pour se déplacer. Et l’essence et le diesel sont aujourd’hui beaucoup plus chers qu’à l’époque du déclenchement de ce mouvement populaire à l’automne 2018. Et ces denrées pourraient encore augmenter puisque les mesures de freinage (plus que relatif !) de l’envolée des prix prises par les pouvoirs publics sont provisoires et doivent s’achever le 31 juillet 2022, un mois environ après la fin des élections législatives, comme par hasard ! Avec la transition et la planification écologiques, on peut compter sur la Macronie et sur ses sbires pour pourrir encore davantage la vie des Français au quotidien, pour les traiter de pollueurs, les inonder de taxes et d’impôts, les obliger à acheter une voiture électrique, à en finir avec leur chaudière au fuel ou au gaz, bref à les brider et à les brimer de toutes les façons dans leur vie de chaque jour, à les opprimer et à les écraser au nom de folies écolo-gauchistes. Il faudra résister de toutes nos forces et par tous les moyens possibles à ce rouleau compresseur appauvrissant et asservissant notre peuple, et voulant lui voler ses biens, sa terre et son âme. « A bas les voleurs » criaient les manifestants le 6 février 1934. Ce slogan reste d’actualité dans toute son ampleur. Car ceux qui nous dirigent et nous oppriment ne sont pas seulement corrompus, ces propagandistes de l’euthanasie et de l’infanticide de masse veulent nous déposséder, nous voler ce qui nous est le plus cher, nous ôter jusqu’à notre raison de vivre, d’aimer et de lutter, nous prendre nos biens et assassiner notre âme. Il faut leur faire face de toutes nos forces, avec toute notre énergie et toute notre foi.
RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>.
Billet hebdomadaire
La transformation de l’Union européenne
Dans les colonnes du dernier numéro de RIVAROL, nous avons traité des crises internes à l’Union européenne qui se sont accentuées à l’occasion du conflit russo-ukrainien. Les désaccords sur les sanctions anti-russes entre la Commission européenne, les vassaux des Etats-Unis et les quelques pays souverainistes, minent de l’intérieur l’UE qui n’a d’autre choix que de se rigidifier et de se transformer, à chaque crise, pour devenir une structure autoritaire confisquant la souveraineté des nations.
LA COMMISSION EUROPÉENNE VEUT SUPPRIMER LE DROIT DE VETO
Nous expliquions que les Etats membres de l’Union européenne disposaient d’un droit de veto. Ce droit, la Hongrie a l’intention d’en faire usage pour s’opposer à l’embargo sur les hydrocarbures russes.
Emmanuel Macron et l’Allemande qui préside la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont trouvé une solution, la suppression du vote à l’unanimité.
Le 9 mai dernier, Macron et von der Leyen ont évoqué cette possibilité. Ursula von der Leyen a déclaré que ces règles n’étaient plus pertinentes si l’UE voulait progresser plus rapidement. « J’ai toujours dit que le vote à l’unanimité dans certains domaines clés n’avait tout simplement plus de sens, si nous voulons être capables d’avancer plus vite. »
Au lieu de resserrer les rangs derrière la Commission européenne, cette idée de génie a provoqué une levée de bouclier de 13 pays de l’Union européenne (sur 27) qui s’opposent radicalement à la suppression du vote à l’unanimité. Voici la liste des pays en question : Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Suède. Nous pouvons lire un extrait du document officieux des 13 pays sur les résultats et le suivi des Conférences sur l’avenir de l’Europe : « Les idées présentées par les citoyens lors de la conférence devraient parler d’elles-mêmes et méritent un suivi sérieux. Elles ne doivent pas être instrumentalisées pour servir des intérêts institutionnels particuliers. […] Nous rappelons également que toute décision sera prise dans le cadre de la répartition des compétences établies par le traité et dans le plein respect des principes clés tels que la subsidiarité et la proportionnalité. Nous rappelons que la modification du traité n’a jamais été un objectif de la conférence. Ce qui importe, c’est que nous répondions aux idées et aux préoccupations des citoyens. Si nous n’excluons aucune option à ce stade, nous ne soutenons pas les tentatives irréfléchies et prématurées de lancer un processus de modification du traité. […] Nous avons déjà une Europe qui fonctionne. Nous n’avons pas besoin de nous précipiter dans des réformes institutionnelles pour obtenir des résultats. »
APRÈS L’UE, L’OTAN EST CONFRONTÉE À DES CONTESTATIONS INTERNES
Alors que la Suède envisage d’intégrer l’OTAN et que la Finlande (pays frontalier de la Russie) a officialisé son souhait d’y adhérer en cette période de fortes tensions et de risque de guerre contre la Russie, la Croatie et la Turquie, Etats membres de l’Alliance atlantique, annoncent mettre leur veto pour empêcher ce dangereux élargissement de l’organisation anti-russe.
La Première ministre finlandaise Sanna Marin a récemment souligné qu’une décision sur l’adhésion à l’OTAN serait prise “bientôt”, tandis que le ministre finlandais des Affaires étrangères Pekka Haavisto a déclaré au Irish Times que la Finlande pourrait demander à rejoindre l’OTAN même sans la Suède.
Dans un entretien avec EURACTIV le 2 mai, l’eurodéputée verte finlandaise Alviina Alametsä a déclaré qu’une majorité du parlement et de l’opinion publique de son pays étaient désormais favorables à l’adhésion à l’OTAN, pour laquelle elle espère obtenir « quelques signes et symboles de soutien lors d’une éventuelle demande d’adhésion ».
« Je pense que le risque d’être attaqué par la Russie est bien plus grand si nous restons en dehors de l’OTAN que si nous demandons l’adhésion », a déclaré Mme Alametsä, qui est également membre de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen.
Pourtant, il y a six ans, Vladimir Poutine avait fait le nécessaire pour rassurer la Finlande. Mais il anticipait les conséquences d’une éventuelle adhésion de la Finlande à l’OTAN : « Nous avons retiré toutes nos forces armées à une profondeur de 1 500 kilomètres des frontières de la Finlande. Et malgré les tensions dans la région de la mer Baltique, nous n’avons rien fait qui puisse inquiéter les Finlandais.
D’ailleurs, nous le faisons sur la base du statut neutre de la Finlande. Imaginez que la Finlande adhère à l’OTAN. Cela signifierait que les troupes finlandaises ne seraient plus indépendantes, souveraines dans le plein sens du terme. Elles feraient partie de l’infrastructure militaire de l’OTAN, qui se retrouverait du jour au lendemain aux frontières de la Fédération de Russie.
Pensez-vous que nous allons continuer à faire cela : nous avons ramené nos troupes à 1 500 kilomètres, vont-elles rester là ? Nous apprécions le statut de neutralité de la Finlande, nous le respectons, mais ce n’est pas à nous de trancher cette question.
Pour paraphraser les propos d’un de mes amis finlandais, je pourrais dire que l’OTAN aimerait probablement se battre avec la Russie jusqu’au dernier soldat finlandais. C’est ce que vous voulez ? »
Conscient du danger que présenterait l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, pays voisins de la Russie, le président croate Zoran Milanović a déclaré le 3 mai dernier : « En tant que chef d’État qui représente la Croatie au sommet de l’OTAN, je mettrai mon veto à l’admission si le sommet se tient à ce niveau ». Toutefois les invitations pour le sommet sont envoyées aux ambassadeurs de l’OTAN, et M. Milanovic a précisé qu’il n’était pas sûr de pouvoir persuader l’ambassadeur croate de rejoindre sa position, mais il a ajouté : « Je chasserai comme le diable les âmes pécheresses de chaque membre du parlement qui votera en faveur. »
Dix jours plus tard, le 13 mai, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué qu’il s’opposerait à l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN. « Nous suivons attentivement les derniers développements concernant la Suède et la Finlande, mais nous n’avons pas un avis positif, a averti le président turc. » Les raisons qu’il a invoquées sont les suivantes : « Malheureusement, les pays scandinaves sont quasiment des maisons d’hôtes pour les organisations terroristes. J’irai même plus loin : là-bas, ils siègent au Parlement. Il est impossible pour nous de voir cela d’un œil positif.” »
Erdogan vise tout particulièrement le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara, l’Union européenne (UE) et les États-Unis.
Alors que la voie vers l’adhésion semblait “dégagée” pour la Finlande et la Suède, « l’opposition d’Erdogan pourrait s’avérer problématique », l’entrée d’un nouveau membre devant être décidée « à l’unanimité », rappelle Radio-Free Europe-Radio Liberty (RFE-RL), qui précise que les États-Unis ont également assuré qu’ils « s’employaient à clarifier la position de la Turquie ».
La position d’Erdogan n’est pas dénuée d’arrière-pensée. La Turquie, membre de l’OTAN, ne fait pas partie des opposants à l’hégémonisme américain, mais tente continuellement, depuis la présidence d’Erdogan, de tirer son épingle du jeu tout en se maintenant dans l’OTAN, ce qui lui permet de tirer des avantages et de faire avancer son agenda géostratégique en jouant sur plusieurs tableaux.
« Selon certains observateur […]
Jean TERRIEN.