Rivarol n°3524 du 22/6/2022
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Rivarol n°3524 du 22/6/2022 (Papier)

Editorial

Claque cinglante pour Macron

LA ROCHE TARPÉIENNE EST PROCHE DU CAPITOLE. Jusque-là Macron avait tout gagné, tout réussi quant à sa gestion de carrière : élu plus jeune président de la République à 39 ans en 2017, à sa première tentative élyséenne, et sans avoir jamais occupé auparavant le moindre mandat électif, premier chef d’Etat à être réélu, qui plus est confortablement, au suffrage universel direct sans cohabitation préalable, obtention d’une majorité absolue aux législatives de 2017 pour un parti créé de toutes pièces un an auparavant et ne disposant d’aucune implantation locale, sondages flatteurs pour un président en fin de mandat, bref, tout jusque-là avait souri à l’ex-banquier d’affaires. Et voilà que Macron subit sa première vraie défaite, car si son parti avait certes déjà obtenu de faibles résultats, il s’agissait exclusivement d’élections locales et secondaires, comme lors des municipales de 2020 ou des régionales de 2021, où il n’avait de surcroît pas de sortants.
Le résultat enregistré par la majorité présidentielle, qui n’a jamais aussi mal porté son nom, lors du second tour des élections législatives ne peut s’analyser autrement que comme une méga-gifle, une claque gigantesque mise au chef de l’Etat. Emmanuel Macron avait certes déjà connu quelques déboires lors de ses déplacements en province, ayant même été physiquement giflé lors d’une visite à Tain-l’Hermitage, mais jamais il n’avait essuyé jusque-là un tel revers dans les urnes pour un scrutin national. La Macronie, tous partis confondus, obtient au total 245 députés au Palais-Bourbon. Il manque donc 44 élus pour atteindre la majorité absolue qui est de 289 voix. C’est considérable. Jusque-là tous les présidents élus ou réélus avaient toujours disposé à l’issue des législatives d’une majorité absolue, plus ou moins massive. La seule exception sous la Vème République fut l’élection des députés de juin 1988 où le Parti socialiste manqua de 14 voix la majorité absolue. Il eut en effet 275 députés, il en fallait 289.

MAIS LA SITUATION fut beaucoup moins compliquée à l’époque qu’elle ne l’est aujourd’hui. D’abord, le nombre de parlementaires manquants étaient trois fois moindre : 14 au lieu de 44. Soit trente de moins, ce qui change tout. De plus, le Premier ministre de l’époque, Michel Rocard, pouvait disposer, selon les projets de loi, du soutien tantôt des communistes (alliés aux socialistes dans nombre de scrutins, d’assemblées et d’exécutifs locaux : mairies, conseils généraux et régionaux, pratique systématique des désistements dits républicains entre les deux tours des élections au scrutin majoritaire entre communistes et socialistes, etc.), tantôt des centristes, le profil plutôt modéré du chef du gouvernement de l’époque séduisant le ventre mou du centre. Une modération d’ailleurs toute relative et apparente car Rocard venait du très gauchiste PSU et avait été un porteur de valises du FLN pendant la guerre d’Algérie ; il essaya d’ailleurs d’enclencher le même processus d’indépendance à l’égard de la Nouvelle-Calédonie avec les accords de Matignon en 1988 cédant à toutes les revendications exorbitantes du FLNKS de feu Jean-Marie Tjibaou et voulant manifestement larguer ce magnifique territoire très stratégique et riche en minerais. Rocard, grâce notamment à son factotum, le constitutionnaliste et très fidèle Guy Carcassonne, acheta également avec succès des députés ultra-marins, leur promettant monts et merveilles, la construction d’un stade dans leur circonscription ou tout autre avantage en termes d’infrastructures ou sur un plan strictement pécuniaire.
Il en va très différemment cette fois-ci. Les partis et coalitions qui se sont présentés concurremment à Ensemble ! ont tous donné dans l’anti-macronisme pour obtenir un maximum de suffrages et il leur sera donc très difficile d’accepter d’être les béquilles ou la roue de secours du président de la République. S’ils le faisaient, ils se mettraient immédiatement à dos leurs électeurs et leurs militants et également beaucoup de leurs collègue. Ce serait un suicide politique. Ni la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, ni les Républicains, ni évidemment le Rassemblement national n’ont intérêt à faire des cadeaux à Macron. Ils auraient tout à y perdre électoralement et moralement. C’est pourquoi la situation est vraiment délicate pour l’actuelle majorité. La seule solution pour elle est d’essayer sur chaque projet de loi de trouver une majorité d’idées, en acceptant des amendements de tel ou tel groupe d’opposition. C’est un travail harassant, pénible, incertain mais qui est possible pour quelqu’un de suffisamment politique et habile. C’est ainsi par exemple que le gouvernement pourrait chercher à obtenir le vote des Républicains et des divers droite sur son projet de réforme des retraites ou de réforme fiscale et qu’à l’inverse il pourrait glaner les suffrages de tout ou partie de la NUPES pour des projets de bioéthique comme l’introduction de la gestation pour autrui, des sujets sociétaux comme la dépénalisation des drogues, de l’euthanasie et du suicide assisté, la persécution des écoles hors contrat, le renforcement de l’arsenal dit antiraciste, ou encore la mise en œuvre de la transition écologique.

LE PROBLÈME, c’est que Macron est très seul, fort isolé. C’est un paradoxe mais force est de constater qu’il n’a pas de politiques autour de lui. Il n’a que des technocrates, des hauts fonctionnaires peu à même de mener à bien des négociations, des discussions et des compromis avec des parlementaires de l’opposition. Les seuls politiques sur lesquels il s’appuyait, dont il était très proche et qui l’ont suivi dès la création d’En marche en avril 2016 ont été cruellement battus dimanche soir : dans la sixième circonscription du Finistère le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand et dans la seconde circonscription des Alpes-de-Haute-Provence le président du groupe LREM au Palais-Bourbon et ex-ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, lequel joua un rôle détestable dans l’impitoyable répression du mouvement des gilets jaunes, sa police mutilant, éborgnant, passant à tabac des manifestants pacifiques. Ces deux personnalités, aussi médiocres et fades fussent-elles, étaient des politiques qui rendaient moult services à Macron, lequel leur faisait toute confiance. Pour autant bien sûr que Jupiter puisse accorder sa confiance à quelqu’un. Le roi est donc nu. Macron ne semblait pas s’attendre à un tel revers. Et au lieu de s’exprimer devant les Français dans une allocution radiotélévisée, ce qu’il a pourtant si souvent fait pendant son premier quinquennat, l’homme n’étant pas avare de bavardages et d’interventions interminables, le chef de l’Etat se terre pour le moment à l’Elysée, reste silencieux.
A l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’est pas prévu une intervention publique de sa part et le Conseil des ministres qui devait avoir lieu le mardi 21 juin est purement et simplement annulé.  Pourtant, lorsque Mitterrand avait perdu la majorité aux législatives de 1986, puis à celles de 1993, il était intervenu dès le lundi soir à 20 heures à la télévision. De même pour Chirac en juin 1997 après sa dissolution manquée, et même dès le dimanche soir lorsqu’il perdit le 29 mai 2005 le référendum sur le traité constitutionnel européen. Ce silence chez un homme volontiers volubile et plutôt habile dans les relations publiques ne laisse pas d’étonner. C’est comme si le président était sonné. Ou qu’il était dans le déni. Ou bien encore comme s’il faisait preuve de cynisme en donnant du temps au temps et en considérant que les choses s’apaiseront, s’arrangeront d’elles-mêmes. Si c’est le cas, c’est un pari dangereux car un président est toujours plus fragile lors d’un second mandat. Et encore plus dans son cas puisqu’il ne pourra pas briguer sa succession. Par exemple, s’il démissionnait, hypothèse certes totalement improbable en l’état, il ne pourrait légalement se représenter, bien que son second quinquennat soit très loin d’être achevé. Il n’a donc pas cette solution à sa guise. Il lui reste l’hypothèse d’une dissolution qui peut en effet être décidée à tout moment. Mais, en l’état, il n’a aucun intérêt à dissoudre la nouvelle assemblée nationale car tout laisse à penser, dans le contexte actuel, que les macronistes reviendraient encore bien moins nombreux que le 19 juin.
La défaite de trois ministres sur quinze, soit un cinquième de l’effectif, n’est pas non plus négligeable sur le plan du symbole : Justine Bénin (à ne pas confondre avec l’ex-joueuse de tennis belge Justine Hénin), secrétaire d’Etat chargée de la mer, a été éliminée dans la deuxième circonscription de Guadeloupe par un candidat divers gauche soutenu par la NUPES.  Plus significatif, Amélie de Montchalin, ministre à la Transition écologique et de la cohésion des territoires, un poste que Macron avait jugé essentiel et stratégique, a été évincée dans l’Essonne par le candidat de la NUPES, le communautaire Jérôme Guedj. Enfin, et c’est peut-être le plus stupéfiant et le plus lourd d’enseignement, le ministre de la Santé, une fonction essentielle surtout en période d’hystérie covidesque, Brigitte Bourguignon, a été battue à la surprise générale dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais par la candidate du RN qui l’emporte avec 56 voix d’avance. Macron va donc être contraint de remanier assez fortement son gouvernement. Gardera-t-il son actuel Premier ministre ? S’il le fait, il se tire une balle dans le pied tellement Elisabeth Borne, née Bornstein, n’est pas à la hauteur des défis qui attendent l’Exécutif. Elle est nulle en communication. L’aspect robotique, glacial et glaçant de son discours ne peut entraîner ni l’adhésion ni la sympathie et de surcroît elle n’est pas connue pour son aptitude au dialogue et au compromis. Tous ceux qui l’ont côtoyée la décrivent comme raide, inflexible, droite dans ses bottes. Ce n’est certainement pas le profil dont Macron a besoin actuellement s’il veut pouvoir appliquer la politique qu’il entend mener.

SI LA MAJORITÉ présidentielle connaît une défaite cinglante, perdant plus de cent députés (elle passe de 351 élus à 245) — la République en marche obtenant au total 154 élus (contre plus de 300 à elle seule en 2017), le Modem de Bayrou 48 et Horizons de Philippe 27, auquel il faut ajouter quelques députés d’Agir et d’autres formations minuscules —, la NUPES, malgré la promotion médiatique dont elle a bénéficié pendant un mois et malgré les talents de communicateur de Mélenchon obtient un résultat en demi-teinte avec moins de 140 élus. Certes les Insoumis progressent fortement en nombre de sièges, passant de 17 à 72 (et peut-être davantage avec l’adjonction de députés ultra-marins), mais les socialistes et les communistes stagnent avec respectivement 26 et 12 élus. En revanche les Verts pourront avoir un groupe autonome avec 23 députés. Mais Mélenchon manque son pari, et de loin. Il ne sera pas, il ne sera jamais le Premier ministre de Macron. Il est en effet très loin du compte puisque la NUPES obtient quelque 110 députés de moins que la Macronie et se situe à plus de 150 sièges de la majorité absolue. Mélenchon n’ayant pas souhaité, pour des raisons incompréhensibles, se représenter aux législatives, il n’a donc plus aucun mandat électif et il ne sera plus là pour gérer un groupe nombreux d’Insoumis qu’il ne sera pas forcément facile de faire travailler ensemble sans tensions ni divisions pendant cinq ans. Et le dialogue entre les quatre groupes à gauche de Macron, les Insoumis, les communistes, Europe Ecologie les Verts et les socialistes, sera encore plus compliqué.
En témoigne déjà le refus unanime et immédiat du PS, du PC et des Verts de constituer un groupe commun avec les Insoumis comme l’appelle de ses vœux la direction de LFI. La NUPES était une alliance électorale, un cartel mais tout laisse à penser que chacun reprendra sa liberté et qu’il sera bien difficile de s’entendre pour qu’il y ait des votes communs systématiques. Si Mélenchon souhaite à tout prix un groupe unique, c’est qu’il entend être le premier groupe d’opposition, ce qui ne sera pas le cas si la NUPES, comme c’est quasi certain, se scinde en quatre groupes. Car le chef des Insoumis n’imaginait pas, mais à la vérité, personne ne l’imaginait, que le Rassemblement national disposerait du principal groupe d’opposition devant la France insoumise (72 sièges pour le moment) et devant les Républicains qui sauvent les meubles avec 61 élus et potentiellement 74 si l’on y ajoute dix divers droite et trois députés UDI (Union des démocrates et indépendants). Car c’est traditionnellement au principal groupe d’opposition que revient la stratégique présidence de la commission des Finances revendiquée à la fois par la NUPES et par le RN.

CAR, et c’est l’autre enseignement de ce scrutin, peut-être le plus important, celui en tout cas que personne n’avait vu venir, pas même les dirigeants du RN qui n’attendaient pas grand-chose de ces législatives, qui étaient entrés tardivement et timidement en campagne, qui répétaient même de manière peu mobilisatrice et finalement erronée que le président réélu aurait forcément sa majorité car telle était la logique des institutions, le Rassemblement national obtient un nombre considérable d’élus : 89 en tout. Et pourraient peut-être s’ajouter au groupe, au moins comme apparentés, Nicolas Dupont-Aignan, finalement réélu avec plus de 57 % dans l’Essonne, et Emmanuelle Ménard, brillamment réélue, elle aussi, dans l’Hérault à Béziers. Ce qui ferait 91 élus en tout. Soit le premier groupe de l’opposition, le deuxième de l’Assemblée derrière la République en marche et ses 154 députés. Dimanche soir, Marine Le Pen et Jordan Bardella avaient l’air très surpris voire émerveillés tellement eux-mêmes n’avaient nullement anticipé un tel résultat. Pendant la campagne législative, les dirigeants du RN expliquaient qu’obtenir un groupe de 15 députés serait déjà une belle performance. Après le premier tour, Marine Le Pen s’était risquée à évoquer l’élection de quelques dizaines de députés. Il a été question un court moment de soixante. Ils sont au final 89 et potentiellement 91. C’est onze fois plus qu’en 2017 où ils étaient huit, c’est quarante-cinq fois plus qu’en 2012 où ils étaient deux et c’est presque trois fois plus qu’ils n’étaient en mars 1986 lorsque, grâce à la proportionnelle, le FN de Jean-Marie Le Pen obtint 35 élus.
Alors que jusque-là le scrutin majoritaire uninominal à deux tours avait été un obstacle quasiment infranchissable pour le FN devenu RN, cette fois-ci la digue a sauté. C’est comme si le corps électoral avait imposé la proportionnelle bien que le scrutin fût majoritaire à deux tours. En effet, si le scrutin proportionnel avait été en vigueur lors de ces élections législatives, le nombre de députés RN, avec 18,68 % des suffrages exprimés au premier tour, eût été quasiment le même, à quelques unités près, allant de 90 à 108 selon que l’on applique la proportionnelle à la plus forte moyenne comme en 1986, la proportionnelle intégrale comme à la Knesset, avec ou sans seuil minimal requis à 3,25 % (c’est le cas en Israël) ou à 5 % (comme en Allemagne). On assiste de plus à une nationalisation du vote FN qui n’est plus cantonné au Sud Est et au Nord Est puisqu’il a également des élus en Gironde et également en Ile-de-France, région pourtant sociologiquement très difficile pour lui. Il fait même le grand chelem dans différents départements : en Haute-Saône, en Haute-Marne, dans les Pyrénées Orientales. Eric Zemmour peut nourrir des regrets car, dans la quatrième circonscription du Var où il s’était présenté et avait été légèrement devancé par un candidat RN inconnu, ce dernier l’emporte avec 53,65 %. Dans la troisième circonscription du Vaucluse, celle de Carpentras, celle dont Marion Maréchal fut l’élue de 2012 à 2017, son ex-suppléant Hervé de Lépinau l’emporte haut la main, avec 58,82 %. Quelle amertume doit être la sienne, elle qui a plafonné au premier tour à 10 % comme suppléante du juvénile Stanislas Rigault dans une circonscription voisine ? Et que dire de Philippe Vardon, étrillé au premier tour avec 10 % dans les Alpes Maritimes, alors que le RN obtient des scores impressionnants sur quasiment toute la façade méditerranéenne ? Manifestement, ils n’ont pas choisi le bon cheval sur le plan électoral. Nicolas Bay et Stéphane Ravier peuvent se faire, eux aussi, des cheveux blancs : quand leur mandat d’eurodéputé pour le premier, de sénateur pour le second expireront, ils se retrouveront Grosjean comme devant.

C’EST D’AILLEURS une leçon implacable de la vie politique : quand une vague déferle, elle écrase tout. Quand un rouleau compresseur se met en action, il détruit tout sur son passage, ne laisse que miettes, pleurs et ruines. Comme en politique les choses changent vite ! La vérité d’hier n’est déjà plus celle de demain. Faisons un bref retour en arrière : au sortir des régionales et des départementales de juin 2021, Marine Le Pen et son parti étaient au plus mal. Non seulement ils n’avaient conquis aucune région, ni aucun département, mais ils avaient reculé de dix points par rapport aux scrutins précédents de 2015. Non seulement le parti était exsangue financièrement, très endetté, non seulement le nombre d’adhérents diminuait de façon vertigineuse, mais les cadres eux-mêmes quittaient peu à peu le navire ou, à tout le moins, avaient le moral en berne. C’est à ce moment-là que jaillit Eric Zemmour. Attiré par l’odeur du sang, il pensait ne faire qu’une bouchée de Marine Le Pen à la présidentielle. Elle était tellement fade, tellement nulle, tellement sotte, tellement inculte. Et de rappeler avec gourmandise le débat en effet désastreux de l’entre-deux-tours de 2017 où elle confondit SFR et Alstom, l’euro et l’écu, la buvette et un débat présidentiel. Eh bien, malgré les départs, malgré les dettes, malgré les échecs, le clan Le Pen, une nouvelle fois, l’emporte de manière éclatante sur ses concurrents et réalise encore, tel le phénix, la plus improbable des résurrections politiques. C’est qu’en réalité Zemmour n’avait pas le gabarit sur le plan physique pour séduire le “populo”. Outre qu’il est objectivement très laid, ce qui n’est certes pas de sa faute, il n’est pas spécialement à l’aise pour parler au peuple, faire les marchés, serrer des mains. Contrairement à Marine Le Pen qui est la reine des selfies, qui est chez elle au milieu des poissonnières, qui sait parler et plaire aux petites gens bien qu’elle ait toujours vécu dans des manoirs et des châteaux et que ses revenus mensuels sont dix ou quinze fois supérieurs au SMIC. Les militants du RN à Hénin-Beaumont pour saluer la percée historique du RN ont spontanément repris en chœur à vingt heures dimanche soir la chanson à connotation sexuelle de Francky Vincent, « Vas-y Francky, c’est bon ! » en changeant seulement le prénom : « Vas-y Marine, c’est bon ». En leur parlant de Balzac et de Chateaubriand, de Hugo et de Zola, Zemmour n’avait pas la moindre chance de les toucher. Marine avec ses chats et sa personnalité assez vulgaire, disons-le, est parfaitement adaptée à la France d’aujourd’hui, profondément déchristianisée et adepte de télé-réalité.
Qu’on nous comprenne bien : en écrivant cela, nous ne voulons manifester aucun mépris envers qui que ce soit, personne d’ailleurs ne mérite d’être méprisé, tous les Français qui souffrent doivent être respectés et défendus mais une analyse sociologique et psychologique nous semble nécessaire pour comprendre les arcanes d’un vote. Ryssen raconte pareillement que lorsqu’il avait rejoint le MNR après la scission, il voulait encourager les gens à voter Mégret comme lui plutôt que Le Pen. Adossé à un bar à Paris, il tentait ainsi de convaincre un homme du peuple favorable aux idées nationales de donner à la présidentielle de 2002 son suffrage au chef du MNR, lequel a d’ailleurs soutenu Zemmour vingt ans plus tard. Et cet homme qui entendait continuer à voter pour Le Pen de se récrier aussitôt de manière spontanée : « Mégret, jamais de la vie ! T’as vu sa gueule ! » C’est tout. Inutile d’en dire davantage. Et cela vaut pareillement pour Zemmour. La question n’est pas de savoir si c’est juste ou injuste, fondé ou infondé, cela est, c’est tout. Ainsi réagissent les masses populaires, et il faut en tenir compte lorsqu’on s’essaie à une analyse politique objective.

MAIS POURQUOI, dira-t-on, le Rassemblement national a-t-il obtenu tant de députés dans un scrutin à deux tours qui lui est structurellement et historiquement très défavorable ? Il y a à cela plusieurs raisons. La première, c’est que la Macronie, lors de ces législatives, et contrairement à ce qui s’est passé lors de la présidentielle, a fait de la NUPES et de Mélenchon son adversaire principal. Le RN a donc été épargné, contrairement à l’entre-deux-tours de la présidentielle. Et il n’y a pas eu cette fois de constitution de Front républicain, la République en marche ayant même publié un communiqué au soir du premier tour indiquant que, lors des duels au second tour entre la NUPES et le RN, le parti donnerait des consignes de vote au cas par cas. Ce qui était tout à fait nouveau et rompait avec le principe jusque-là invariable du « tout sauf RN ». Et la communication de la Macronie consistait à rejeter également, hors du cercle de la raison voire de la République tant la NUPES, particulièrement ciblée, que le RN. Si bien que beaucoup d’électeurs macronistes n’ont pas fait barrage au RN dans les duels avec la NUPES, si bien que le RN a remporté la plupart de ses confrontations face aux mélenchonistes. Certains vont même jusqu’à dire que le cynique Macron préférait avoir plusieurs dizaines de députés RN isolés à l’Assemblée qu’un nombre d’élus NUPES qui aurait pu égaler voire dépasser la coalition macroniste si les mélenchonistes avaient remporté tous les duels face au RN. Macron avait intérêt à une Assemblée fracturée, divisée en trois ou quatre blocs de telle manière qu’il puisse au moins garder la majorité relative, même s’il eût évidemment préféré conserver la majorité absolue.
Mais ce n’est pas la seule raison, ni la plus profonde, à ce résultat du RN dont il faut d’ailleurs dire qu’il est beaucoup plus impressionnant quant au nombre d’élus (89) qu’au total des voix et des pourcentages car il a obtenu 18,68 % au premier tour et 17,30 % au second, ce qui est un résultat certes plus qu’honorable mais qui est loin de ses records (28 % aux régionales de 2015, 24 % aux européennes de 2014, 26 % aux départementales de 2015, 23,15 % au premier tour de la présidentielle de 2022 et même 41,45 % au second tour). Ce qui est frappant en revanche, c’est que pour la première fois, dans un scrutin à deux tours, le plafond de verre n’existe plus, non plus que le Front républicain. La quasi-totalité des candidats du RN arrivés en tête (ils étaient 110 en tout) ont été élus au second tour. Il n’y a pas eu une mobilisation ou un sursaut de l’électorat en sa défaveur. L’abstention a d’ailleurs légèrement augmenté, d’un dimanche à l’autre, d’un peu plus d’un point. Ce sont donc pour l’essentiel des électeurs qui s’étaient portés sur d’autres candidats, d’autres formations politiques qui ont assuré au RN une entrée si fracassante au Palais-Bourbon.
Et cela témoigne à la fois d’un rejet viscéral de Macron dans les milieux populaires, dans la France rurale et périphérique (beaucoup ont préféré des députés RN plutôt que d’avoir des macronistes en plus à l’Assemblée, et c’était un geste d’autant plus « sans danger » que le RN ne pouvait pas mathématiquement décrocher la majorité et gouverner le pays), mais aussi, et cela est lié, en votant pour le RN, ces millions de Français ont voulu exprimer leur colère, leur malaise, leur ras-le-bol parfaitement légitimes. A partir du moment où ils ne s’abstenaient pas et où ils refusaient de voter blanc ou nul car cela n’est pas pris en compte dans les commentaires ni considéré comme des votes exprimés, quel autre moyen avaient-ils alors pour se faire entendre, sinon de voter pour le Rassemblement national ? Et ce, quel que soit ce que ce parti est hélas devenu aujourd’hui. Il n’est en effet plus que l’ombre de ce qu’il a été en termes de convictions, d’orientation programmatique, de ferveur militante, il n’a plus de cadres de valeur, plus de colonne vertébrale, en ayant abandonné le combat pour la vie et la famille, pour la liberté d’expression avec l’abandon de la volonté d’abrogation des lois Pleven et Gayssot, pour la souveraineté nationale avec la renonciation à la sortie de l’euro et de l’Union européenne, de Schengen et de la juridiction de la cour européenne des droits de l’homme, en ayant abandonné toute idée de réémigration, même graduelle ou partielle, toute volonté de baisse véritable de la pression fiscale, en n’ayant nullement lutté contre la tyrannie sanitaire, la théorie du genre, la tyrannie LGBT, etc.
 
NOUS n’attendons rien, quant à nous, de Marine Le Pen et de ses proches (il était d’ailleurs frappant de voir qu’elle était toujours, lors de ses interventions médiatiques, avec Chenu, Bilde et Briois, c’est donc toujours le clan homosexualiste d’Hénin-Beaumont qui, selon toute vraisemblance, va continuer à tirer les ficelles et à décider de tout, ce qui ne sera toutefois pas simple avec un tel contingent d’élus pas forcément faciles à manier !) mais, en votant RN, et quel que soit ce qu’on peut penser par ailleurs de l’opportunité ou de l’utilité de ce vote, en se prononçant pour le seul parti qui n’a jamais été au pouvoir et qui donc bénéficie encore à leurs yeux d’une certaine virginité, ces Français, plus ou moins consciemment, ont voulu dire à leur manière puisqu’ils n’ont, à part la rue, que ce moyen pour se faire entendre, et c’est cela qui mérite considération, qu’ils ne voulaient pas mourir, qu’ils n’approuvaient ni ne comprenaient l’évolution mortifère de leur pays, qu’ils refusaient le Grand Remplacement et le Grand Déclassement, qu’ils en avaient assez aussi d’être taillables et corvéables à merci, assez de payer l’essence à plus de deux euros le litre alors qu’ils ont impérativement besoin de leur voiture pour travailler et se déplacer, assez d’être matraqués par les impôts et les taxes, assez qu’on leur parle sans cesse, à cause du catastrophisme écologiste, de fin du monde alors qu’ils ne peuvent boucler leur fin de mois, assez qu’on veuille leur imposer la voiture électrique, la transition écologique alors même qu’ils ont déjà du mal à vivre tout simplement avec ce qu’ils ont, assez qu’on les tympanise et qu’on les tyrannise, ainsi que leurs enfants, avec l’antiracisme unilatéral, le LGBTisme, assez qu’on les culpabilise, au lieu de les défendre et de défendre la patrie qui est, selon Jaurès, le seul bien des pauvres ici-bas.
C’est un cri de colère, de désespoir d’un peuple en danger de mort et qui n’en peut plus. Sa colère qui a éclaté au moment des gilets jaunes n’a pas diminué. Rien en effet n’a été réglé. Bien au contraire. Nous sommes sur un baril de poudre. Tout peut exploser à tout moment. Il suffit d’une allumette. La France est fracturée comme jamais entre générations, entre les villes et les campagnes, entre les pauvres et les riches, entre les de souche et les allogènes. Tout semble bloqué, verrouillé. Et pas seulement au Parlement. Mais on sent bien que la situation est pré-révolutionnaire et qu’elle est lourde de convulsions et de dangers divers. Qui entendra ce cri du peuple, cette détresse avant qu’il ne soit trop tard ? Et qui saura, qui pourra un jour y porter remède ?

RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>. 

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Billet hebdomadaire

Entre le spectre de la guerre et la guerre, il n’y a pas d’alternative

De deux choses l’une. Ou le Système prépare une guerre carabinée, mondiale, dévastatrice, destructrice et très meurtrière, ou bien laisse-t-il planer le spectre d’un conflit d’une telle ampleur pour imposer à « moindres coûts » une économie de guerre partout dans le monde. Mais dans les deux cas, il n’y a qu’un objectif majeur qui peut bien rouler sur des millions de cadavres anonymes : l’économie de guerre. C’est ce que nous écrivions déjà le jour même où la Russie de Poutine envahissait l’Ukraine sous les cris hyperboliques du monde occidental. Et nous disions alors que la crise sanitaire, d’une forte intensité durant deux ans, constituait les prémices de l’installation mondiale d’une économie de guerre : nous savons bien que, dans le fond, cette crise qui dure déjà depuis deux ans et qui se poursuit (après une première période sanitaire) par la guerre, est la conséquence d’une crise capitalistique apparemment irrémédiable en temps de paix. Dire que cette crise a été préparée, orchestrée et est contrôlée n’est peut-être pas chose délirante. La crise covidesque apparaît en tout cas, désormais, comme une opération internationale, en terme de propagande du moins. L’origine même du virus qui a paralysé le monde pendant des mois (et il est fort probable que nous n’en ayons pas fini avec lui) prend visiblement sa source dans une zone, certes chinoise, mais qui se caractérise par la présence d’un laboratoire français, financé notamment par le milliardaire Mérieux et soutenu par des officiels français. Du reste savons-nous bien que la psychose internationale a démarré en Chine avec, au minimum, le consentement du gouvernement chinois qui alimenta le web et les télés avec des vidéos hautement anxiogènes (d’images de “morts” et d’opérations de désinfection), autant d’éléments de propagande qui n’auraient pu être diffusés sans le consentement des autorités de Pékin (n’en doutons pas). « Disons-le sans circonvolution quitte à ressembler au dernier des “complotistes” alors que nous ne formulons ici qu’une hypothèse : la crise covidesque ô combien artificielle n’aura-t-elle pas servi à préparer les grands pays (qui comptent militairement dans le monde) à instaurer une économie de guerre ? » De complotiste, on ne pourra cependant plus nous qualifier.

MACRON LÂCHE LE MORCEAU QUITTE À APPARAÎTRE UNE NOUVELLE FOIS POUR FOU

Le président Emmanuel Macron a ainsi souhaité, a-t-il déclaré la semaine dernière, une “réévaluation” de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Il s’agit d’« ajuster les moyens aux menaces », sur fond de guerre en Ukraine, a-t-il ajouté le 13 juin lors de l’inauguration du salon de l’armement terrestre Eurosatory. « J’ai demandé au ministre (des Armées) et au chef d’état-major des Armées de pouvoir mener dans les semaines qui viennent une réévaluation de cette Loi de programmation militaire à l’aune du contexte géopolitique », a-t-il affirmé. Et surtout, il a estimé que la France est bel et bien « entrée dans une économie de guerre dans laquelle, je crois, nous allons durablement nous organiser » et « dans laquelle on ne peut plus vivre avec la grammaire d’il y a un an ». Emmanuel Macron avait amorcé en 2017 une nette remontée en puissance des crédits alloués à la défense après des années de disette. Le budget du ministère des Armées va de nouveau croître en 2022, à 40,9 milliards d’euros, conformément à la loi de programmation militaire 2019-2025 qui prévoit d’atteindre 50 milliards d’euros en 2025. Je parie que le budget dépassera ces 50 milliards avant 2025. Cependant, une économie de guerre ne se limite pas à l’inflation de l’enveloppe militaire.
Une économie de guerre se caractérise également par l’arbitraire du pouvoir politique en matière économique. « Nous n’avons pas attendu les changements stratégiques pour réinvestir », a rappelé Macron. Mais « la montée des menaces », illustrée par le conflit qui fait rage en Ukraine depuis le 24 février, fait peser une « exigence supplémentaire pour aller plus vite, plus fort, au moindre coût. Il nous reste beaucoup à faire pour nous adapter aux transformations profondes que nous sommes en train de vivre. Et pour qui douterait de l’urgence de ces efforts, il suffit de regarder une fois encore, vers l’Ukraine, dont les soldats réclament un armement de qualité et qui sont en droit d’avoir une réponse là aussi de notre part. […] Nous prendrons les décisions des investissements et nous aurons les exigences qui vont avec », a-t-il conclu. Mais, selon Le Monde, la Direction générale de l’armement (DGA) envisage de proposer un texte législatif qui permettrait de réquisitionner, dans certaines circonstances, des matériaux ou des entreprises civiles à des fins militaires !
Aux Etats-Unis, c’est grâce au Defense Production Act de 1950 que Joe Biden a pu annoncer le 18 mai dernier la création d’un pont aérien pour résoudre la très étrange pénurie de lait infantile. Le libéralisme, même là-bas, a ses limites, mais le fait que la mesure concerne les tout-petits, les nourrissons, l’innocence à protéger absolument, n’est peut-être pas ici le fruit d’un hasard. N’est-ce pas le meilleur moyen pour réamorcer une véritable politique d’économie de guerre en neutralisant toute opposition préalable ?
En Allemagne, alors que l’exécutif a annoncé une véritable explosion du budget militaire (100 milliards d’euros dans un premier temps et 2 % du PIB dans les mois à venir, du jamais vu depuis les heures les plus sombres de notre histoire), c’est toute l’économie qui doit s’adapter à la nouvelle donne géopolitique dans les domaines des matières premières et de l’énergie. Une situation obligeant le colosse germanique à s’adapter à la pénurie en la dépassant. C’est sa spécialité. Il va innover, inventer, créer et travailler dur pour surmonter la crise. Notre cousin teuton sait très bien le faire, mais le peuple allemand doit être convaincu de la bonne “moralité” de la cause à défendre pour combattre avec la manière herculéenne qui lui est propre.
« Le drame qui se déroule en Ukraine sous les yeux du monde entier a le potentiel de changer le regard des Allemands sur la Bundeswehr. Mais il n’est pas du tout certain que l’on assiste à un véritable “changement d’époque”. Les cultures ne se modifient pas du jour au lendemain, et le scepticisme à l’égard de l’armée est profondément ancré dans l’identité politique de la République fédérale », soulignait Sönke Neitzel, professeur d’histoire militaire à l’université de Potsdam, dans une récente tribune au quotidien Die Tageszeitung. Un propos vite tempéré par la Bundeswehr par la voix de Timo Graf, chercheur en son sein au Centre d’histoire militaire et de sciences sociales. « Notre enquête tord le cou à l’idée reçue selon laquelle les Allemands seraient opposés à ce que leur armée participe à des combats en tant que tels et ait recours à la force armée. Contrairement à ce qu’on répète tout le temps, les Allemands n’ont pas d’opposition de principe, bien au contraire. La seule chose est qu’ils ne veulent pas donner de chèque en blanc », précise Timo Graf. « La réserve, voire la distance, qu’entretiennent la plupart des responsables politiques allemands vis-à-vis de la chose militaire est en décalage avec le centre de gravité de la société. Dans leur ensemble, les Allemands sont beaucoup plus prêts à soutenir leur armée qu’on ne le croit, à condition toutefois qu’on leur explique à quoi elle sert, ce qui est beaucoup trop rarement fait. »

UN MAL POUR UN BIEN ?

Virus endémique, menace climatique et guerre prête à se mondialiser : le Système a fini de mettre en place les éléments destructeurs et créateurs qui lui permettront de traverser dans la chair des peuples l’immense dépression économique qui s’abat inéluctablement sur le monde entier.
Le moment de réfléchir plus sérieusement sur l’orchestration des crises mondiales et des guerres économiquement révolutionnaires est une nouvelle fois venu. Le Système capitalistique mondial qui nourrit avec constance une infime minorité de profiteurs surpuissants jamais mis en danger est-il générateur de guerres ou nécessite-t-il que ses dirigeants fabriquent eux-mêmes guerres (froides y comprises) et bobards “scientifiques” pour le régénérer, le purger quand la machinerie s’emballe et que l’argent, qui symbolise tout dans ce système, perd toute valeur ? […]

François-Xavier ROCHETTE.