Rivarol n°3534 du 28/9/2022
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Rivarol n°3534 du 28/9/2022 (Papier)

Editorial

De la France à l’Italie les droites sont-elles
capables de résister à la tyrannie de la gauche ?

LES LIBERTÉS d’expression, d’opinion et de réunion se réduisent comme peau de chagrin dans notre pays. En témoigne notamment l’ahurissante annulation de la conférence que l’écrivain et géopolitologue Pierre Hillard, auteur d’un grand nombre de livres sur des sujets de fond, devait donner le mardi 27 septembre à la médiathèque d’Orléans pour présenter son dernier ouvrage Des origines du mondialisme à la grande réinitialisation. Dès l’annonce de la réunion, les antifas d’Orléans dénoncèrent une « propagande antisémite cautionnée par la mairie », s’interrogeant : « La mairie d’Orléans fait-elle la promotion des théories complotistes et de l’intégrisme religieux ? ». Car, voyez-vous, Pierre Hillard est le diable. La preuve : il « évolue dans la mouvance complotiste ». La Licra avait de son côté dénoncé le « sinistre pedigree » de l’auteur. L’officine toute-puissante auprès des pouvoirs publics vient encore d’obtenir le versement de 400 000 euros par an pendant trois ans, soit 1,2 million d’euros en tout, du gouvernement « afin de soutenir ses actions de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT+ », selon le communiqué du ministre délégué chargé de la Diversité et de l’Egalité des chances (sic !), Isabelle Lonvis-Rome. Autrement dit l’organisation présidée par Mario Stasi (dont le nom est prédestiné) reçoit des subventions annuelles sans cesse en hausse pour accroître le bourrage de crâne de nos têtes blondes et crépues dans les écoles mais aussi de tous ceux qui se préparent à être dans la fonction publique, la LICRA, on ne le sait pas assez, intervenant également au cours de la formation des policiers, des gendarmes, des magistrats, des enseignants. Ce qui explique bien des choses.
La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme avait ainsi dénoncé une vidéo de Pierre Hillard publiée sur TikTok, dans laquelle l’écrivain voit la guerre en Ukraine comme « une bagarre entre différents clans d’élites juives », où les “goïms” (les non-Juifs) « sont la viande passée à la moulinette », avant de citer l’apôtre saint Paul : « Les juifs, ennemis de l’Humanité ». Des propos audacieux, par les temps qui courent… Et Hillard de dénoncer la « Grande réinitialisation », vue comme le plan d’une petite élite pour contrôler l’Humanité dans sa totalité. Pour Pierre Hillard, et il n’est pas seul à le penser, cette élite est juive. Et puis, “ils” ont découvert avec effroi que Hillard était “intégriste”. Il affirme en effet que la décapitation de Louis XVI en 1793 est « un contre-baptême, un baptême satanique ». La Licra, dénonçant une « propagande antisémite cautionnée par la mairie », se fit donc de plus en plus menaçante à l’égard du maire, le LR Serge Grouard qui avait autorisé dans un premier temps la tenue de cette conférence, clamant : « On ne peut imaginer que Serge Grouard cautionne la prise de parole d’un auteur antisémite et conspirationniste dans sa ville ». Du coup, Serge Grouard, un courageux dans son genre (normal, il appartient aux Républicains), annonça qu’« au vu de cet émoi, la réservation de l’auditorium était annulée ». Mais sa conclusion est grandiose. « Si cette conférence avait eu lieu, je serais moi-même allé manifester contre », vient-il de déclarer dans un communiqué officiel de la mairie d’Orléans. On n’avait jamais vu quelqu’un manifester contre lui-même !Sauf à l’asile de Charenton !

CES MÉTHODES détestables de délation visant à censurer et asphyxier tous ceux qui ne se soumettent pas totalement à la police de la pensée, nous en savons quelque chose à RIVAROL, sont malheureusement souvent très efficaces. Car les politiciens, fussent-ils de droite (ou de supposée droite), ne brillent généralement pas par leur héroïsme. Comme en témoigne la réaction du maire LR d’Orléans qui, après avoir accepté la conférence de Hillard, a, on l’a dit, lamentablement cédé sous la pression, de crainte d’être taxé d’antisémite, l’accusation suprême. Et ce que la gauche fait en France avec beaucoup de succès, elle essaie de le mettre en œuvre à l’égard de la droite italienne qui vient de gagner les élections législatives tant à la chambre des députés qu’au sénat. Avant même que ne soit installé le nouveau gouvernement en principe dirigé par la quadragénaire Giorgia Meloni, dirigeante de Frères d’Italie, un parti de centre droit allié de Berlusconi et de Salvini, et avant même que le nouvel exécutif n’ait pris la moindre mesure ni fait la moindre annonce, il est diabolisé.
On multiplie ainsi les reportages angoissés sur les craintes des invertis italiens — « Giorgia Meloni est une menace gigantesque pour la communauté LGBTQI+. Elle n’est pas notre adversaire, elle est notre ennemie » déclarent des sectateurs du lobby homosexualiste —, des migrants menacés d’expulsion, possiblement renvoyés dans des bateaux affrétés à cet effet. On rappelle le passé fasciste de la prochaine présidente du Conseil alors qu’elle a brièvement adhéré à 15 ans, en 1992, à la branche jeune du Mouvement social italien, déjà en voie de progressive normalisation sous la houlette de Gianfranco Fini. On oublie également de dire que Meloni a également été pendant plus de trois ans, de 2008 à 2011, ministre pour la Jeunesse du quatrième et dernier gouvernement Berlusconi et que l’on ne se souvient pas qu’elle ait tenu des discours ou adopté des mesures extrémistes. On insiste aussi sur l’euroscepticisme de Meloni, en oubliant là aussi de dire que, comme Marine Le Pen, elle a renoncé à la sortie de son pays de l’euro et de l’Union européenne et que son ministre des Finances présumé serait, dit-on, une personnalité compatible avec les exigences de Bruxelles et de la Banque centrale européenne.
 
LA DIABOLISATION des mouvements et personnalités de droite, ou qualifiés tels, a ceci de pervers qu’elle conduit généralement les dirigeants ainsi attaqués, ostracisés, à être sur la défensive, à répéter qu’elles récusent le fascisme, le racisme, l’antisémitisme et à multiplier les concessions. Si pour l’heure Meloni n’a pas été aussi loin, tant s’en faut, que Marine Le Pen dans les reptations et les reniements, son programme reste flou, comme l’écrit l’ami Scipion de Salm en page centrale. Et il n’a rien de radical : a priori elle ne reviendra ni sur « le droit à l’avortement », contrairement à ce que fit le 24 juin dernier la Cour suprême des Etats-Unis, ni sur l’union civile des homosexuels, une sorte de Pacs aggravé à l’italienne, ni sur l’intégration de l’Italie à l’Union européenne et à l’euro, ni sur le soutien logistique à l’Ukraine contre la Russie, Meloni s’étant clairement prononcée tout au long de la campagne électorale pour un net soutien au président ukrainien Zelensky.
La gauche présente Meloni comme une fasciste, alors même qu’elle a explicitement récusé le terme de postfasciste, comme une réactionnaire et une intégriste alors qu’elle est une femme très moderne, qui a grandi dans un foyer où ses parents ont divorcé, et qui épouse les mœurs du temps (elle vit ainsi en concubinage et a eu une fille hors mariage avec son partenaire Andrea Giambruno). On est donc loin de l’image de la pieuse catholique, mettant sur la tête sa mantille pour se rendre à l’église et ayant une famille nombreuse, l’Italie étant de toute façon l’un des pays d’Europe où la natalité est de loin la plus faible (1,25 enfant par femme) et où la déchristianisation est aussi largement avancée que partout ailleurs dans le Vieux Continent, ce qui est très préoccupant pour l’avenir et dramatique sur le long terme.

LA GAUCHE fait feu de tout bois pour empêcher par avance toute mesure, même timide, même partielle, de bon sens, toute proposition visant à freiner la décadence, à rétablir un semblant de morale publique, de régulation des flux migratoires, de défense des bonnes mœurs, de résistance au nouvel ordre mondial, à ce que l’ami Hannibal appelle à juste titre la révolution arc-en-ciel.
Quelle sera la capacité d’insoumission de la nouvelle coalition des droites italiennes à la pensée unique ? Quelle sera sa marge de manœuvre ? Nous le verrons, nous jugerons sur pièce. Ne lui faisons certes pas de procès d’intention, mais ne nous nourrissons pas non plus d’illusions. Si les résultats obtenus ne dépassent pas ce qui fut entrepris en 1994 lorsqu’une première coalition des droites menée par Silvio Berlusconi (Forza Italia), Umberto Bossi (la Ligue du Nord) et Gianfranco Fini (MSI-Alliance nationale) accéda aux responsabilités, alors une nouvelle fois ce sera un coup d’épée dans l’eau. Si cela se produit, et ce risque, disons-le, est extrêmement élevé, cela signifiera que la gauche, par ses cris d’orfraie, par ses techniques de diabolisation et de tétanisation de l’adversaire, aura alors réussi une énième fois à tuer dans l’œuf toute tentative de résistance, même partielle et en partie dévoyée, à sa tyrannie idéologique, à ses mots d’ordre et à sa vision de l’homme, de la vie et de la société.

RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>. 

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Billet hebdomadaire

Italie : nette victoire de la coalition des droites

Conformément aux prévisions des instituts de sondage, les électeurs italiens, convoqués aux urnes le dimanche 25 septembre, après la démission en juillet de Mario Draghi, Premier ministre “technique” imposé par l’UE, ont voté très nettement en faveur de la coalition des droites, avec toutefois une participation de 64 %, inférieure de 10 points à celle observée aux législatives de 2018. Cette victoire était prévisible, prévue, et à peu près assurée dès le mois d’août lorsque les trois partis politiques des droites italiennes, du centre-droit européiste, Forza Italia de l’octogénaire Silvio Berlusconi, à la droite nationale de Frères d’Italie de Giorgia Meloni, en passant par la Ligue de Matteo Salvini, ont accepté de s’allier sur le plan électoral, en consentant aux apparentements. Ce dernier système, hérité de la IVe République française, avait été pensé pour accorder une majorité en sièges au parlement aux majorités relatives dans les urnes, ce que ne permet pas forcément le suffrage proportionnel simple. En outre, pour le tiers des sièges au scrutin de circonscription, à un tour, les droites ont réussi le plus souvent à imposer une candidature unique d’union, tandis que les gauches, très divisées, en alignaient plusieurs, ce qui réduisait encore leurs chances de succès.
Les Italiens renouvellent leurs deux chambres en même temps, la chambre des députés et le sénat. L’élection des sénateurs se fait à la proportionnelle mais le sénat possède des pouvoirs semblables à ceux de la chambre des député. Cette incongruité institutionnelle vient de l’idéologie antifasciste d’après-guerre, il s’agissait d’empêcher la réémergence de tout pouvoir fort, que ce soit celui d’un gouvernement, ou, par hypothèse, d’une assemblée unique ; il existe historiquement un modèle de tyrannie d’assemblée, bien connu des Italiens cultivés de 1946, la Convention (1792-1795), cœur politique de la France révolutionnaire de la Terreur (1793-1794). En règle générale, les deux assemblées sont de même orientation politique ; mais il est arrivé, en cas de scrutins très serrés, que les majorités ne correspondent pas dans les deux chambres, et le sénat a déjà renversé des gouvernements, ce qu’il peut faire de manière constitutionnelle, même s’il dispose d’une légitimité politique inférieure à celle de l’assemblée. Cette configuration politique rappelle quelque peu la Troisième République (1870-1940) en France.
A l’heure où nous bouclons ces lignes, les résultats définitifs des législatives italiennes viennent de tomber. Ils ont été rendus publics par le ministère de l’Intérieur. La coalition des droites dispose de la majorité absolue tant à la chambre des députés qu’au sénat. La coalition des droites obtient 235 sièges (sur 400) à la chambre des députés, et 112 (sur 200) au sénat. Les oppositions de gauche sont loin derrière et divisées, avec le Parti démocrate qui conserve 80 sièges à l’assemblée et 39 au sénat, le Mouvement Cinq Etoiles qui obtient 51 sièges à la chambre des députés et 28 au sénat, ce qui est un effondrement considérable en nombre de sièges pour ce dernier mouvement qui était pourtant la principale formation politique des assemblées sortantes. Le mouvement Azione (Action) de centre gauche obtient, lui, 21 sièges à la chambre des députés et 9 sièges au Sénat.
Toutefois, en dépit d’un excellent score, d’une avance très nette, sinon écrasante sur ses partenaires, Frères d’Italie ne peut pas gouverner seul. Et la coalition des droites n’obtient pas la majorité des deux tiers des sièges au Parlement qui, seule, lui aurait permis de réformer la Constitution. Des observateurs gauchistes militants hystériques, ont promis, pour se consoler, un éclatement rapide de cette majorité de droite ; ce n’est pas certain du tout, car les trois partis ont quasiment présenté un programme commun, sur la base hélas du plus faible et du plus à gauche, Forza Italia de Berlusconi.
Fratelli d’Italia a obtenu 26 % des voix à la chambre des députés, la Ligue 9 %, Forza Italia 8 %. La première formation se situe donc dans la fourchette haute des prévisions, avec une multiplication par 6 de son score de 2018 (un peu plus de 4 % des suffrages exprimés), les deux autres partis sont en revanche à un niveau très bas, ce qui constitue des échecs majeurs pour elles, en particulier pour la Ligue de Salvini, avec une division par deux de son score. Salvini paye là au prix fort la participation scandaleuse de la Ligue à un gouvernement de gauche et européiste, ce qui s’apparentait, qu’on le veuille ou non, à une trahison.
Dans le duel des gauches, le Parti Démocrate, le PD (cela ne s’invente pas !), européiste, à peu près l’équivalent du macronisme en France, conserve sa première place, avec 19 % des suffrages, et reste le deuxième parti d’Italie ; le Mouvement Cinq Etoiles, d’extrême gauche atypique, a perdu la moitié de ses électeurs, payant son expérience gouvernementale, avec 15 % des voix. Enfin, il faut noter l’existence d’une troisième gauche, le parti Azione (Action), avec 8 % des voix, très proche politiquement du PD, mais fâché avec lui pour des motifs politiciens incompréhensibles de l’étranger.
La coalition des droites, à la fois sûre de sa victoire, et désirant présenter les choses de façon claire aux électeurs italiens, souvent très agacés par les marchandages politiques postélectoraux dans les assemblées, avait annoncé par avance que Mme Giorgia Meloni serait le président du conseil et que Silvio Berlusconi serait le président du sénat. Désireux de conclure à 86 ans (il les aura le 29 septembre) sur une note honorable une carrière politique entachée par des condamnations judiciaires et des procès permanents — surtout pour son activité d’homme d’affaires —, Berlusconi serait donc très heureux de devenir président du sénat, à défaut d’accéder jamais à la présidence de la république, comme il l’avait souhaité. Il avait en effet été très vexé de voir sa candidature dédaigneusement repoussée à la dernière élection présidentielle, tous les représentants de la gauche faisant bloc contre lui, officiellement au nom de la “morale” nécessaire en politique. Les esprits taquins ont fait remarquer qu’un président du sénat dispose aussi d’une précieuse immunité judiciaire, le temps de son mandat. Chez Berlusconi, les motifs certainement s’additionnent, l’aspect pratique se combinant avec la haute idée de lui-même et de ce qu’il apporterait à son pays.
Ainsi, les droites ont su s’allier, ce qui n’a pas été le cas des gauches, très divisées, entre la gauche dite du gouvernement du Parti Démocrate, de tendance européiste, et la gauche radicale atypique du Mouvement Cinq Etoiles M5S, parti vraiment “anti-tout”, attrape-tout et démagogique, lourdement sanctionné après une expérience du pouvoir forcément décevante après une multitude de promesses plus ou moins délirantes, ou du moins maximalistes. Ces deux principaux partis antagonistes des gauches n’ont pas réussi à rassembler beaucoup de petits partis derrière eux dans les coalitions pour les apparentements. En dépit des tentatives de rassemblement, le centre indépendant, les gauches, hors des deux grands partis, les extrêmes gauches ou extrêmes droites authentiques, fascistes ou non, ont concouru de façon très éclatée. C’est très dommage pour l’extrême droite authentique, qui, en s’unissant électoralement, aurait pu conquérir quelques sièges au parlement, du fait du recentrage massif de Frères d’Italie.

UNE NETTE VICTOIRE ÉLECTORALE CERTES, MAIS POUR QUELLE POLITIQUE ?

Le rapport de force entre les partis des droites a changé : le plus à droite est devenu le plus puissant, le moins à droite le plus faible, ce qui est en principe de bon aloi. Les hurlements préventifs des médias du Système, ou, ce qui est d’ailleurs scandaleux, de la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, sur le thème du retour du fascisme au pouvoir en Italie, sous la direction de Giorgia Meloni, Premier ministre logique suivant le jeu parlementaire — chef du premier parti en sièges de la coalition en tête —, n’ont pu que nous faire plaisir. […]

Scipion de SALM.