Rivarol n°3535 du 5/10/2022
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Rivarol n°3535 du 5/10/2022 (Papier)

Editorial

Les 50 ans de la fondation du FN :
un anniversaire qui embarrasse le RN !

Il Y A UN DEMI-SIÈCLE jour pour jour, le jeudi 5 octobre 1972, naissait à Paris en soirée à la salle des Horticulteurs le Front national pour l’unité française, le FNUF. Son premier président et fondateur, Jean-Marie Le Pen, avait alors 44 ans. Après la perte de l’Algérie en juillet 1962 et la violente et impitoyable répression gaulliste contre l’OAS, la droite nationale, qui avait cru pouvoir renaître de ses cendres avec la campagne présidentielle de l’avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965, connaît une longue traversée du désert. Le résultat de Tixier le 5 décembre 1965 (5,20 %), sans être catastrophique, est jugé très insuffisant, le centriste Jean Lecanuet, le candidat aux dents blanches, lui ayant pris un grand nombre de voix lors de la dernière ligne droite de la campagne. La déception entraîne immanquablement des divisions (notamment entre Tixier et Le Pen qui était le secrétaire général des comités TV et le directeur de la campagne présidentielle) et une démobilisation durable des troupes qui s’éparpillent. Si d’autres mouvements se créent (Occident en 1964, puis l’Œuvre française début 1968), ils ne jouent pas la voie électorale. C’est la direction d’Ordre nouveau, mouvement fondé par de jeunes étudiants en 1969, et dont le signe de ralliement est la croix celtique, comme les deux groupements précités, qui décide pour s’élargir et s’assagir de créer un Front national et qui propose à Jean-Marie Le Pen, qui accepte, d’en prendre la présidence, après avoir consulté plusieurs personnalités (dont Dominique Venner) qui, elles, déclinent l’offre.
C’est le genèse de ce mouvement, mais aussi les positions politiques et programmatiques qui furent les siennes pendant plusieurs décennies que Marine Le Pen et ses proches ne veulent pas assumer. C’est pourquoi il n’y a pas de célébration solennelle des 50 ans du Front national, devenu depuis 2018, le Rassemblement national. Et pourtant un demi-siècle, dans la vie d’une organisation comme dans celle d’un homme, ce n’est pas rien. Le parti aujourd’hui présidé par Jordan Bardella, lequel sera très probablement élu fort confortablement face à Louis Aliot à la présidence du RN le 5 novembre prochain, lors du XVIIIe congrès du mouvement (en réalité le troisième du RN), se contente en effet d’organiser un colloque pour célébrer a minima cet anniversaire tout en restant extrêmement discret (c’est le moins qu’on puisse dire) sur son passé. Cette réunion nommée sobrement « De l’espoir au pouvoir » aura lieu ce jeudi 6 octobre dans la salle Victor-Hugo de l’Assemblée nationale. Cet événement verra se succéder différentes prises de parole pendant environ trois heures, sera entièrement diffusé sur les réseaux sociaux en direct et sera conclu sans surprise par une intervention de Marine Le Pen.

SIGNE QUE les dirigeants du mouvement ont largement rompu avec l’être historique du FN, en ont tué l’âme et renié les fondamentaux, le fondateur et l’ADN du mouvement, Jean-Marie Le Pen, n’est pas convié à ce colloque, fût-ce en tant que simple spectateur, bien qu’il soit toujours en vie et en santé à 94 ans, qu’il ait soutenu activement sa fille (bien à tort) lors de sa succession, qui était en fait une donation, et qu’il continue à en dire régulièrement du bien malgré toutes les reptations et les trahisons de sa benjamine. Le Menhir est donc bien mal récompensé, même si d’aucuns diront qu’il ne récolte là que la monnaie de sa pièce. Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen, s’en explique dans Le Parisien avec la finesse d’esprit qui le caractérise : « Va-t-on instruire notre propre procès ? Non, on n’est pas maso, d’autres le feront pour nous. Les dérapages de Le Pen, on les a déjà condamnés. Même sur l’Europe, nous avons infléchi notre position », considère élégamment l’eurodéputé mariniste dans Le Parisien. Ce que Philippe Olivier appelle pudiquement infléchir sa position n’est rien d’autre que renier le combat pour l’indépendance et la souveraineté de la France, notamment sur le plan monétaire, mais aussi sur le plan de la gestion des frontières nationales, sur le refus d’une Europe supranationale imposant sa banque centrale, ses cours de justice, ses directives et ses règlements, ses commissaires et ses juges. Quant aux prétendus dérapages de Le Pen, condamnés par la direction du RN, cela signifie tout simplement que le parti se soumet à la doxa, au politiquement et à l’historiquement correct, bref qu’il avalise sans honneur les mensonges des puissants.
Ce que Marine Le Pen appelle depuis vingt ans la dédiabolisation n’est en réalité que la soumission intégrale au lobby judéo-sioniste, à ses mots d’ordre, à ses desiderata, à ses tabous, à ses interdits. Cela passe par la condamnation sans nuance du révisionnisme historique, de la résistance palestinienne, par la justification des persécutions et de l’embastillement des révisionnistes et des nationalistes, par l’approbation du « droit à l’avortement » et de sa constitutionnalisation, par l’acceptation de toutes les revendications du lobby LGBT, du “mariage” pour les invertis jusqu’à la PMA pour les lesbiennes en passant par la « transition de genre » pour le enfants et adolescents et pour toutes les personnes désireuses de “changer” de sexe, par le feu vert donné à la dépénalisation de l’euthanasie active et du suicide assisté, par le rejet de toute politique, même partielle, de réémigration, par la totale renonciation au rétablissement de la peine capitale, à l’inversion des flux migratoires, à une politique de défense de la vie de la conception à la mort, de la morale naturelle et de la famille traditionnelle.

AUCUN sujet clivant, nous assure-t-on, (et sur ce point on les croit volontiers) ne sera abordé lors de cette réunion du 6 octobre au Palais-Bourbon (le lieu choisi en dit long également sur le strict légalisme et le parlementarisme petit-bourgeois des dirigeants du RN, on est loin du Mont Saint-Michel et de la statue de Jeanne d’Arc place des Pyramides !), « l’objectif du colloque est de montrer en dynamique ce que le mouvement national a apporté », poursuit Philippe Olivier qui assurera la première conférence et dont on connaît l’intelligence himalayenne. Le deuxième intervenant sera Gilles Pennelle, en lice pour devenir secrétaire général du parti, et qui est lui aussi, comme Philippe Olivier, un ancien mégrétiste. La troisième conférence sera assurée par Bruno Gollnisch (que diable va-t-il faire dans cette galère ?) qui tâchera de démontrer que « le FN/RN a toujours été un parti républicain ». Ce dont on ne le félicitera pas quand on sait que la République en France a toujours été judéo-maçonnique, antichrétienne, antireligieuse et antinaturelle.
Le samedi 22 octobre, Jean-Marie Le Pen organise, de son côté, un cocktail avec une cinquantaine d’invités à Montretout. « Il verra des gens qui ont vraiment participé à la longue marche », explique son entourage au Parisien. « Sans être blessé (on n’est nullement obligé de le croire sur ce point), Jean-Marie Le Pen voit une contradiction à organiser un tel colloque sans lui », affirme-t-on. Le fondateur et premier président du FN avait initialement songé à accueillir plusieurs centaines de personnes dans sa propriété de Montretout sur les hauteurs de Saint-Cloud pour célébrer le demi-siècle du FN mais, devant l’afflux des inscriptions, et peut-être aussi à cause des fortes dépenses que cet événement allait occasionner, il a finalement préféré n’inviter qu’une cinquantaine de personnalités triées sur le volet. Il a même convié sa fille Marine et sa petite-fille Marion mais on peut douter fortement que l’une et l’autre se rendent à cette soirée au vu de leurs relations compliquées avec le patriarche. En revanche, le fidèle Bruno Gollnisch sera là et peut-être, qui sait, quelques cofondateurs du FN encore en vie comme le nonagénaire Jean-Pierre Reveau, ancien trésorier national du FN ou l’octogénaire Martine Lehideux, ex-député européen du mouvement.

SI LE RN se montre manifestement très discret sur ses racines qu’il juge aujourd’hui sulfureuses et embarrassantes mais dont il profite électoralement et financièrement à plein — car que serait-il sans tous les combats courageux menés depuis des décennies par des militants désintéressés dont huit ont été tués, plusieurs jetés en prison et dont beaucoup ont perdu leur travail ou brisé leur famille à cause de leurs convictions politiques et de leur engagement militant sincère ? —, le parti de la majorité se charge en revanche de ne pas les passer sous silence. Le parti présidentiel Renaissance a ainsi lancé le samedi 1er octobre une campagne numérique sur les 50 ans « de haine » (quelle originalité !) du Rassemblement national jugeant son histoire “partagée” avec celle du Front national.
Cette campagne, qui doit durer un mois, diffusera plusieurs slogans et images d’archives avec le hashtag « #50AnsdeHaine ». Nul doute que les déclarations de Jean-Marie Le Pen sur le point de détail (en 1987), sur Durafour crématoire (en 1988), sur l’internationale juive (en 1989) ou sur l’inégalité des races (en 1996) passeront en boucle. Les dirigeants du RN ont beau avoir tout renié, tout liquidé, tout jeté aux orties, on ne se débarrasse pas aisément de la tunique de Nessus !

RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>. 

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Billet hebdomadaire

Les États-Unis détruisent Nord Stream 1 et 2 et l’économie allemande

Nul besoin d’enquête pour arriver à la conclusion que ce sont les États-Unis qui ont saboté Nord Stream 1 et 2. Cela fait plusieurs années que l’Oncle Sam s’oppose à la construction de ce gazoduc alimentant l’économie allemande. L’occasion pour nous de revenir sur la place de l’Allemagne dans la stratégie géopolitique américaine.

RAPPEL DES FAITS ET DES DOCUMENTS

À la suite d’un vote du Congrès d’août 2017, Countering American Adversaries Through Sanctions Act (« Loi sur la lutte contre les adversaires de l’Amérique par les sanctions »), les États-Unis menaçaient de mettre en œuvre des sanctions visant à bloquer le projet Nord Stream 2.
En novembre 2021 — trois mois avant l’intervention russe en Ukraine — un document classifié qui a été rendu public a révélé des négociations entre Washington et Berlin pour éviter les sanctions américaines concernant le gazoduc russe Nord Stream 2 qui allait fournir principalement l’Allemagne.
Ce document indique que Berlin a exhorté les membres du Congrès américain à ne pas sanctionner le gazoduc Nord Stream 2, ce qui reviendrait, nous le constatons aujourd’hui, à sanctionner l’économie allemande.
L’on peut également lire dans ce document classifié que « depuis l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et les actions de la Russie dans l’est de l’Ukraine, qui ont marqué un tournant dans les relations avec la Russie, l’Allemagne a amené l’Union européenne à s’aligner sur les États-Unis en matière de sanctions contre la Russie et a été le fer de lance de la création de plusieurs régimes de sanctions liés à la Russie dans l’Union européenne et au niveau national. L’Allemagne a envoyé des signaux forts à Moscou lorsqu’elle a constaté que la Russie enfreignait le droit international, même au prix de l’acceptation d’une tension sur les relations germano-russes, mais elle a maintenu les canaux de dialogue ouverts. »
Les Allemands se sont aussi engagés envers les Américains « à ce que le transit de gaz via l’Ukraine se poursuive à un niveau suffisant pour maintenir l’itinéraire d’approvisionnement via le réseau de transit ukrainien, ce qui est également l’interprétation sous-jacente de l’évaluation de la sécurité de l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne et de l’UE par le ministère fédéral de l’Economie et de l’Energie dans le processus de certification du gestionnaire indépendant des réseaux de transport. Un envoyé spécial soutient la poursuite des négociations sur le transit de gaz via l’Ukraine au-delà de 2024. »
En somme, l’Allemagne promettait que le Nord Stream 2 ne réduirait pas ni n’empêcherait le transit du gaz russe par l’Ukraine qui rapporte des milliards de dollars par an au régime de Kiev (3,9 milliards de dollars en 2017). L’on peut aussi se demander si une partie de ses bénéfices gaziers ne sont pas empochés par des personnes et des entités privées états-uniennes, les Américains ayant fait de l’Ukraine une colonie.
Les vassaux allemands mirent en garde leur maître américain contre les conséquences néfastes de telles sanctions : « Les sanctions américaines visant Nord Stream 2 saperaient l’engagement pris envers l’Allemagne dans la déclaration conjointe, affaibliraient la crédibilité du gouvernement américain et mettraient en péril les réalisations de la déclaration conjointe, notamment les dispositions en faveur de l’Ukraine. Elles porteraient finalement atteinte à l’unité transatlantique. »
Un article de EURACTIV, publié le 29 novembre 2021, rapporte que « l’Allemagne a déclaré dimanche (28 novembre 2021) qu’elle continuait à travailler en étroite collaboration avec les États-Unis pour conclure un accord sur le gazoduc Nord Stream 2, dont la construction vient d’être achevée et qui acheminera du gaz de la Russie vers l’Allemagne sous la mer Baltique.
Les États-Unis et certains pays européens s’opposent à ce gazoduc qui contourne l’Ukraine dont le coût s’élève à 11 milliards de dollars. Ils affirment qu’il rendrait l’Europe trop dépendante du gaz russe. D’autres gouvernements européens estiment au contraire que cette liaison est essentielle pour sécuriser les approvisionnements énergétiques. »
L’administration Biden a, dans un premier temps, renoncé aux sanctions à l’encontre de l’opérateur du gazoduc et a conclu un accord avec l’Allemagne en juillet 2021, mais en novembre de la même année les Américains ont imposé de nouvelles sanctions à l’encontre de la société russe Transadria Ltd et de son navire.
Le 8 novembre 2021, un groupe de républicains du Sénat américain a déclaré qu’il avait introduit une législation qui imposerait des sanctions obligatoires au Nord Stream 2.
En décembre 2021, le nouveau gouvernement allemand de coalition SPD/Les Verts/Parti libéral-démocrate, prend les rênes du pouvoir et accompagne le sabotage américain de l’économie allemande.
Le 7 février 2022, Joe Biden a publiquement annoncé que les États-Unis mettraient un terme à Nord Stream 2 si la Russie envahissait l’Ukraine :
« Si la Russie envahit (l’Ukraine), cela veut dire des chars et des troupes qui traversent la frontière de l’Ukraine, encore une fois. Alors il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin. Nous vous promettons que nous pourrons le faire. »
Résultat des sanctions sur le gaz russe et du sabotage de Nord Stream 1 et 2, « de plus en plus d’industriels allemands envisagent de délocaliser une partie de leur production. Les États-Unis espèrent profiter d’une partie de ces investissements et démarchent activement en Allemagne, à la recherche d’industriels désabusés et prêts à franchir l’Atlantique. »
Soixante entreprises allemandes prévoient déjà de s’installer dans l’État de l’Okhlahoma, parmi elles Lufthansa, Aldi, Fresenius et Siemens. « L’Allemagne risque de perdre des pans entiers de son industrie », s’inquiète le ministère de l’Économie, citant l’industrie du verre, la chimie, le ciment ou l’acier, qui pourraient s’installer aux États-Unis. Selon les fédérations patronales allemandes, des centaines de milliers d’emplois seraient menacés si Berlin ne plafonne pas au plus vite le prix du gaz et de l’électricité.

LA STRATÉGIE ANTI-ALLEMANDE DES ÉTATS-UNIS

Outre la Russie, l’Allemagne est considérée par les États-Unis depuis un siècle comme un pays dangereux. Dangereux par sa puissance en capacité de mettre en question la suprématie américaine. Nicholas J. Spykman (1893-1943), l’un des architectes de l’impérialisme américain à partir des années 1940, pointait du doigt le danger germanique. Il expliquait en 1942 que depuis le retrait de la Grande-Bretagne du nouveau monde, l’Allemagne devenait le pays à surveiller, en tant que seule puissance capable, à l’époque, de remettre en question la doctrine Monroe et de mettre en danger la sécurité de l’hémisphère. La Première Guerre mondiale s’est conclue notamment par la destruction de la puissance navale allemande qui faisait si peur aux États-Unis.
Spykman établit, toujours en 1942, un parallèle entre les ambitions géopolitiques du IIIe Reich en Europe et la situation des États-Unis en Amérique, à savoir la « possession du nord du continent, de la masse terrestre européenne, le contrôle de la mer centrale entre l’Europe et l’Afrique, et l’hégémonie sur le sud du continent. Que le continent sud soit un monde colonial et que l’hégémonie soit donc synonyme de possession n’est pour beaucoup d’Allemands qu’une différence mineure. La masse terrestre européenne, de la mer du Nord aux montagnes de l’Oural, sera organisée sur une base continentale comme le cœur économique du grand “espace vital” et la base du potentiel de guerre pour la lutte intercontinentale pour le pouvoir. Le Proche-Orient, qui contrôle les routes vers l’océan Indien et contient le pétrole dont dépend la vie industrielle européenne, sera intégré, économiquement et politiquement, sous la forme d’États semi-indépendants contrôlés depuis Berlin. »
L’obstacle majeur de l’Allemagne pour l’accomplissement de cette vaste géopolitique continentale était la Russie, l’autre puissance terrestre contre laquelle Adolf Hitler est entré en guerre. La défaite allemande signifiait, du point de vue américain, la domination de tout le continent eurasiatique par l’URSS. Ce qui était inacceptable compte tenu du projet hégémonique mondial des États-Unis. Dès lors, l’on comprend pourquoi ils débarquent en Europe en juin 1944.
La stratégie géopolitique et géo-économique américaine vise à empêcher l’émergence d’une puissance continentale hégémonique en Europe ou l’alliance de deux puissances continentales : l’Allemagne et la Russie.
C’est pour cette raison que les États-Unis ont cofondé l’Union européenne et qu’ils ont soumis l’Allemagne en échange de l’autorisation de dominer l’UE et de tirer un maximum de bénéfice avec l’euro. Une monnaie qui n’est rien d’autre qu’un Deutsche Mark continental qui a profité à l’industrie allemande et qui a détruit celle des voisins français et italiens. En 1997, le stratège américain Brzezinski expliquait que les États-Unis avaient choisi l’Allemagne pour être le pion stratégique des États-Unis en Europe.
« L’Europe ne doit pas se faire contre les Etats-Unis mais avec elle, ainsi que l’indique déjà l’extension de l’OTAN à trois pays qui furent naguère membres du Pacte de Varsovie : la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. Quant au leaderhip de l’Europe, Washington préfère qu’il soit exercé par l’Allemagne plutôt que par la France. »
Et il poursuit directement son propos avec la Russie qui, « malgré sa puissance nucléaire, subit un recul catastrophique. Les Etats-Unis s’emploient à détacher de l’empire russe ce qu’on dénomme aujourd’hui à Moscou ‘‘l’étranger proche’’, c’est-à-dire les États qui, autour de la Fédération de Russie, constituaient l’Union soviétique. A cet égard, l’effort américain porte vers trois régions clefs : l’Ukraine, essentielle avec ses cinquante-deux millions d’habitants et dont le renforcement de l’indépendance rejette la Russie à l’extrême est de l’Europe et la condamne à n’être plus, dans l’avenir, qu’une puissance régionale. L’Azerbaïdjan, riche en hydrocarbures, où les investissements pétroliers américains (entre autres, Amoco) sont considérables depuis l’été 1991, ouverture sur la mer Caspienne et chaînon entre l’Asie centrale et la mer Noire (par la Géorgie) et entre la Turquie et le Caucase nord. Enfin l’Asie centrale musulmane qu’il s’agit de désenclaver afin de véhiculer vers l’ouest ou vers le sud (via l’Iran) le gaz et le pétrole du Turkménistan et du Kazakhstan sans passer par la Russie. L’Etat clef de la région, sur le plan politique, étant l’Ouzbékistan. »
Mais pour revenir à l’Allemagne, Brzezinski avait conscience que celle-ci n’avait pas perdu sa volonté de puissance : « Etat européen le plus important, locomotive économique régionale et chef de file en puissance de l’Union européenne, elle se sent investie, à l’égard des pays de la nouvelle Europe centrale, d’une responsabilité particulière qui n’est pas sans rappeler la vieille notion de Mitteleuropa placée sous égide allemande. De plus, la France et l’Allemagne s’estiment autorisées à négocier au nom de l’Europe avec la Russie et, du fait de sa situation géographique, l’Allemagne n’exclut pas la possibilité, au moins en théorie, d’accords bilatéraux avec la Russie. »
Là est la limite de l’autonomie allemande selon les États-Unis. Leur crainte d’un rapprochement Allemagne/Russie, sur une base de complémentarité économique, les a finalement conduits à détruire, avec des explosifs, le Nord Stream 2. C’est là le comportement d’une puissance très fébrile qui craint de perdre son leadership.
Quoi qu’il en soit, l’Amérique a réussi à séparer l’Europe de la Russie et à détruire l’économie européenne.
Beau travail ![…]

Jean TERRIEN.