Rivarol n°3537 du 19/10/2022
Version papier

Rivarol n°3537 du 19/10/2022 (Papier)

Editorial

Voici l’ère du crime, du vide et du chaos

AUX PORTES des stations-services, les files d’attente n’en finissent pas de s’allonger. Et nul ne voit vraiment la fin de ce calvaire républicain : le droit de grève n’est-il pas un « droit sacré » inscrit dans la Constitution ? Compatissons donc pour ces Français (dont nous sommes !) qui ne finissent pas de languir des heures durant pour quelques litres de carburant surtaxé mais indispensables au maintien d’un strict minimum vital de vie économique. Lesquels, citoyens lambda, en viennent parfois à retourner leur colère contre eux-mêmes (fréquentes rixes aux abords des pompes, un Suisse poignardé six fois en Savoie devant ses deux jeunes enfants…) tandis que, dans certaines banlieues et autres poétiques « territoires perdus de la République », des bandes de jeunes gouapes s’approprient, vendent et distribuent l’essence au gré de leurs caprices tant que celle-ci bénéficie d’un abattement de trente centimes. Quelle aumône !
Dans le même temps, à grand tapage, battent les tambours tonitruants de la laïcité, deux ans après la décapitation, le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, du malheureux Samuel Paty, promoteur déboussolé — c’est-à-dire très inconscient de la portée de son pédagogisme dévoyé — des obscénités politiquement correctes du magazine excrémentiel et blasphématoire Charlie Hebdo. Au même moment, une gamine de douze ans était “égorgée” dans le XIXe arrondissement de Paris. Son corps sans vie était découvert le soir-même dans une valise, dans la cour intérieure de sa résidence. Le Parisien nous dit que quatre individus placés en garde à vue dans cette affaire seraient « d’origine algérienne ». Honni soit qui mal y pense. Observons qu’il est assez souvent commode d’imputer certains crimes à des coupables tout désignés. Les suspects ont d’ailleurs été relâchés depuis. L’assassin serait finalement une femme, qu’on présente bien sûr comme déséquilibrée. C’est tellement facile ! À Marseille, dans les quartiers nord, ici sans équivoque, les règlements de comptes entre trafiquants de drogue se règlent, eux, comme d’habitude à l’arme de guerre. Nous en sommes, à l’heure actuelle, au vingt-huitième cadavre depuis janvier dernier…

CONTINUONS d’égrener ensemble le chapelet des joyeusetés émaillant le quotidien de la Démocratie plurielle… À Nantes, cette « ancre de miséricorde » pour la crapulerie déchaînée, trois semaines après le viol le 24 septembre d’une femme de quarante ans par trois clandestins soudanais, l’éventration en pleine rue d’une femme au petit matin ce dimanche 16 octobre n’est, tout bien pesé, qu’un fait divers parmi mille autres (dont il serait inconvenant de souligner le caractère sordide)… « N’ayant pu être réanimée par les secours arrivés sur les lieux, elle a été déclarée décédée », nous dit la bonne presse ! Une concision stylistique admirable dont eût pu s’inspirer Stendhal, fervent admirateur du phrasé épuré du Code civil. Un drame au demeurant d’une atroce banalité quoi qu’en disent dans les médias les préposés “sachants”, ceux qui serinent à perpétuité sur les plateaux télévisuels qu’il y a toujours eu autant de crimes mais « que l’on en parlait moins » : « cela n’a pas varié d’un iota depuis trente ans » disent-ils ! La faute à cette publicité désinformative (à propos de l’augmentation des crimes) revint naguère au petit écran. Maintenant les coupables seraient les réseaux sociaux ! Twitter tue, c’est bien connu, tout comme la police aux dires de M. Mélenchon ! Ne pas oublier d’ailleurs que selon notre très (intellectuellement et moralement) intègre Garde des Sceaux, l’insécurité « est un ressenti »… Ajoutons, de type météorologique. En un mot, une impression, une erreur d’optique, une stupide illusion des sens !
Citons enfin dans ce tableau idyllique d’un pays partant complétement à vau-l’eau (et c’est un euphémisme, parce que la « société liquide » du chef de l’État part plutôt actuellement en eau de boudin !) ce juge pour enfant qui, avant sa révocation en 2020, proposait sur des sites “libertins” des rapports sexuels avec son épouse, également magistrat, mais aussi avec leur propre fille âgée de douze ans. Un effet du confinement sans doute ? Or, par une indulgence plénière, le 3 octobre, la cour d’appel de Besançon ramenait à deux ans de prison avec sursis une première condamnation à un an ferme. Ces choses-là (l’échangisme pédo-porno) doivent en effet se pratiquer dans l’intimité d’une inviolable vie privée et ne faire en aucun cas l’objet d’une quelconque publicité. N’est-ce pas ? Ce ne sont pas les nomenklaturistes de l’État macronien qui diront le contraire, non ?

QUELQUES ESPRITS chagrins parlent encore d’« ensauvagement de la société » ! Qu’est-ce à dire ? La France n’est-elle pas ce pays de cocagne où les personnels syndiqués et grévistes des raffineries sont rémunérés entre 3 500 et 5 000 euros net mensuels ? Un pactole en comparaison de la rémunération mensuelle des Français ordinaires, laquelle tourne autour de 1 400 euros ! Mais ces gens-là en veulent toujours plus ? La CGT, courroie de transmission du Parti communiste (RIVAROL fut autrefois condamné pour avoir énoncé ce lieu commun), supposée être au départ le syndicat des travailleurs de la base, est apparemment devenue le syndicat des salariés haut de gamme. De ceux qui perçoivent — notamment chez Total — de coquettes primes (qui, pour sortir de la crise, se monteraient à 3 000 ou 10 000 euros), tout en étant actionnaires de leur société. Des miséreux à n’en pas douter ! À cet instant, alors que Kief vit une fois de plus dans le hurlement des sirènes d’alerte — sachant que la première vague de 160 missiles la semaine passée après l’attentat contre le pont de Kertch, aura causé dix-huit morts —, le bras de fer entre la CGT et la direction de Total-Energies se poursuivait en dépit d’un accord conclu entre le groupe pétrolier et les deux organisations syndicales majoritaires (CFDT et CFE-CGC, représentant 56 % des syndiqués). La CGT, elle seule, a décidé de poursuivre le mouvement. On ne dit pas qui, au gouvernement, soutient cet entêtement. Gageons qu’il doit y avoir, quelque part, « baleine sous gravillon » !
À telle enseigne qu’une poignée de syndicalistes sur le retour prend sans vergogne la Nation en otage. Au reste, le droit de grève est une chose, le droit de travailler lié à la liberté de circulation en est un autre. Si le droit de grève est légitime — et constitutionnel — pour la défense de la dignité et des conditions d’exercice professionnel des salariés et, bien sûr, de la décence salariale, la défense de droits purement catégoriels est beaucoup plus contestable. En l’occurrence il s’agit d’une atteinte aux libertés fondamentales de tous… et par conséquent intrinsèquement anticonstitutionnelle voire immorale.
Il est extraordinaire — nous touchons là aux contradictions présentes au cœur du système — que personne dans la communauté des ténors médiatiques n’ait relevé que, cette fois encore, ce sont les secteurs les plus protégés — en particulier les services publics, soit tous ceux qui sont quasi intouchables de par leur statut ou en raison d’une position de monopole — qui usent et abusent du droit de grève et développent un pouvoir de nuisance maximum… les cheminots par exemple, la RATP, les aiguilleurs du ciel ou encore les éboueurs. À quand l’instauration d’un service minimum dans le secteur de l’énergie, des transports et de la voirie ? La Liberté de se déplacer n’est-elle pas consubstantielle à l’Etat de droit ? L’État ne doit-il pas en et par principe assurer l’impérieuse continuité du service public ? Que fait-il dans la réalité ? Rien ou très peu. Cela parce que lui-même — l’appareil d’État — émane de l’idéologie étatiste/collectiviste et des forces qui nourrissent l’action syndicale (largement alimentée par nos impôts) dans ce qu’elle a de plus odieux. Le serpent en effet ne peut se dévorer lui-même. Ayons présent à l’esprit le vœu de M. Martinez, patron de la CGT, en 2017 et réitéré mezzo voce en 2022 : « Je souhaite que Macron fasse le score le plus haut possible ». On ne saurait mieux dire ! PCF, Marcheurs, Insoumis, Verts, même combat contre la France et les Français. A-t-on vu d’ailleurs ce grand combattant, le sieur Martinez — à la syntaxe d’une indigence affligeante —, héros de la condition prolétarienne, prendre fait et cause pour les milliers de personnels mis à pied et non réintégrés à ce jour — soignants, pompiers, volontaires ou non, fonctionnaires — pour leur refus d’une vaccination délétère ? Encore une preuve, s’il en était besoin, d’infamie de ce personnage, pilier du système qui bloque l’économie pétrolière à l’instant même où M. Macron vante les mérites frelatés de la voiture électrique au Mondial de l’auto Porte de Versailles, à Paris. Il y a de ces conjonctions de calendrier qui laissent effectivement perplexe !

A L’ISSUE DE cette crise très artificielle, qui s’aventurera finalement à chiffrer le coût des chantiers retardés, des opérations chirurgicales ajournées, des commerces mis à mal, des produits alimentaires détruits, des marchandises avariées ? Pendant que les classes productives s’échinent à trouver un peu d’essence pour se rendre à leur travail, nos compétiteurs européens et internationaux se frottent les mains et s’engouffrent dans les créneaux commerciaux laissés vacants afin de les occuper sans peine et sans frais. Nous importerons encore plus, voilà tout et la CGT continuera d’exister — grasse danseuse de la République — en prétendant défendre le monde du travail qu’en réalité elle s’emploie savamment à torpiller. Ceux qui ne le voient pas sont tout à fait à plaindre.
Il est clair que cette paralysie de notre économie s’inscrit en vérité dans une perspective et une volonté de subversion politique. Car les Insoumis et leurs acolytes du Parti Vert et du PCF rêvent plus que jamais de Grand soir. Un grand chambardement qui ressemblerait à la Grande Réinitialisation (Reset) du Forum économique de Davos de l’Hyperclasse de tous les Frankenstein transhumanistes, les Bill Gates, les Yuval Noah Harari, les Klaus Schwab, les Soros, Minc, Attali et consorts. Sous des dehors différents, tous ces gens sortent du même moule messianiste et travaillent à l’accomplissement d’un monde sans frontières, sans race ni sexe, au sein d’une gouvernance globale où ils imaginent pouvoir exercer leurs talents de grands déconstructeurs à tous les échelons des futurs commissariats politiques et idéologiques. Le bonheur est à portée de mains nous serinent-ils, ne résistez plus, abandonnez-vous parce que, finalement « vous ne posséderez plus rien, et vous serez heureux », dixit Klaus Schwab.
Pour eux, l’Homme nouveau n’a pas de prix et l’Égalité s’acquiert évidemment par l’abolition de toutes les libertés essentielles, sauf celles d’avorter, d’euthanasier, de se droguer, de se prostituer, de pratiquer le vagabondage sexuel, de changer de sexe et de consommer jusqu’à ce que mort s’ensuive. Quelque chose qui ressemblerait à La Grande bouffe, mais universalisé. Projet civilisationnel auquel n’adhère pas l’affreux président Poutine que rebutent les familles à configuration variable « parent un, parent deux, trois, quatre » sans parler des hommes enceints. Or çà, nous le savons que trop bien, M. Poutine est un dangereux maniaque et surtout un épouvantable réactionnaire, un ogre, un croquemitaine… contre lequel nous ne sommes évidemment pas en guerre quoique nous envoyons sur le front pour combattre ses troupes les fleurons de notre artillerie lourde et que nous allons former pour ce faire dans nos camps quelque deux mille servants de première ligne. En même temps nous armons Kief contre la Fédération de Russie et en même temps nous répudions toute idée de cobelligérance… Rien ne change, Tartuffe s’adressant à Dorine : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir, par de pareils objets les âmes sont blessées ».

REVENONS à M. Mélenchon et à son programme convergent avec celui de M. Martinez puisque tous deux voudraient enclencher un processus de grève générale à partir du mardi 18 octobre avec les manifestations et débrayages interprofessionnels prévus ce jour-là. Mélenchon se prévalait au soir de sa mobilisation urbaine, le dimanche 16 octobre à Paris, d’avoir rassemblé le pays tout entier — ou presque — entre la place de la Nation et celle de la Bastille. À ce sujet, il suffit d’écouter ses thuriféraires de l’audiovisuel pour prendre la mesure de la gangrène intellectuelle qui dévore ce pays. Mélenchon prétend avoir testé le potentiel de mobilisation en appelant à manifester « contre la vie chère et l’inaction climatique », avec en sus, des banques saccagées, des poubelles incendiées et des policiers caillassés. L’ordre républicain dans toute sa splendeur puisque les travées du Palais-Bourbon ne suffisent pas aux élus de la Nupes pour se faire entendre et qu’il leur faut en outre battre le pavé !
Notons au passage que M. Mélenchon a défilé en tête de ses troupes, bras-dessus, bras-dessous, avec notre prestigieuse toute neuve Prix Nobel de littérature, une fringante octogénaire, Mme Annie Ernaux. Nous savons tous, puisque le président Mao nous l’a enseigné, que le poisson pourrit par la tête… Ici avec l’agrégée de lettre Ernaux, nous sommes très loin de la vertigineuse Selma Lagerlöf, première femme nobélisée en 1909. Un gouffre sidéral sépare ces deux écrivains. Deux mondes, deux époques. En son temps, Sagan démarra sa carrière littéraire en narrant dans Bonjour tristesse la perte de sa virginité. Annie Ernaux a fondé la sienne sur un avortement. Or la même, la Prix Nobel, dans l’un de ses nobles écrits se gausse d’une fillette de douze ans (il ne s’agit évidemment pas de la jeune Lola qui a été sauvagement étranglée et dont le cadavre vient d’être retrouvé de manière macabre dans une valise), trucidée par un mâle ombrageux racontant que les jeunes voisines de la victime « ricanaient sous cape [en évoquent celle qui] avait préféré mourir plutôt que de faire avec un garçon ce qui leur tardait tant d’avoir le droit de faire » ! À quel genre de féminisme appartient donc Annie Ernaux ? Je vous laisse par vous-même trouver la bonne réponse. Son éditeur, bien avisé, a commandé à deux imprimeurs 900 000 exemplaires des 11 titres commis par Annie Ernaux. Le prix Nobel est une belle affaire sur bien des plans : financier et “moral”, entendons pas là le bourrage de crâne wokiste et sans limites.
 
DÈS LE 7 octobre, le sinistre mégalomane de La France insoumise, trotskiste non repenti, publiait sur Twitter : « Le 5 et le 6 octobre 1789, les femmes marchent sur Versailles contre la vie chère. Elles ramènent le roi, la reine et le dauphin de force à Paris sous contrôle populaire. Faites mieux le 16 octobre ». Une resucée historique toutefois manquée avec ses 39 500 marcheurs — soi-disant cent-cinquante mille — ayant convergé de la France entière dans des bus affrétés pour la circonstance sans souci de carburant. Et puis, le siège du pouvoir n’est plus depuis deux siècles à Versailles (M. Mélenchon retarde mais il s’y croit) et le roi démocratique du jour se prend pour Jupiter tonnant d’opéra bouffe. Or, c’est lui et nul autre qu’il eût fallu aller chercher pour lui faire rendre gorge. Mais pour franchir ce Rubicon politique encore eût-il fallu que M. Mélenchon fût d’une autre étoffe. D’autres tweets de militants mélenchonistes sont également révélateurs des intentions cachées de ces manipulateurs nés et philanthropes de bazar : « Total est un criminel climatique » et « Nous marchons pour la régularisation des sans-papiers, pour le respect de tous les étrangers »… Quel rapport avec le pouvoir d’achat ? Aucun, mais cela a le mérite d’annoncer la couleur, rouge sang ! Ce sang, que ces gens n’hésiteraient pas, si l’occasion s’en présentait, à faire couler pour parvenir à leurs fins. N’oubliez pas cependant que la seule véritable violence est celle de l’extrême droite ! Ah mais…
Ce pourquoi nos bons insoumis soutiennent activement aussi le blocage des dépôts d’essence qui entrave la vie économique et sociale, et harasse un nombre croissant de Français. Comprenons que pour M. Mélenchon, le moyen le plus direct de protéger ses concitoyens contre la vie chère consiste à leur interdire de travailler ! Et pour lutter contre l’inaction climatique, quoi de mieux que l’inaction tout court ? Pour le trotskiste Mélenchon, la grève, la manif et le brandissement de pancartes en vociférant sont apparemment la panacée qui régleront toutes les difficultés de l’heure d’un coup de baguette magique : « Taxons les super-profits ! », « face à la hausse des prix, le SMIC à 1 500 euros net » et « contre le report de l’âge de la retraite ». Les Suédois, hier encore socio-démocrates purs et durs, ont pourtant fait fixer l’âge de la retraite à 67 ans.

A NOUS DE choisir, le confort du canapé, avachis devant les mensonges et les inepties des chaînes publiques ou privées, ou la reprise en main de notre destin après avoir débarqué — manu militari le cas échéant — les politiciens et idéologues qui nous sucent le sang, nous vident la cervelle ou pire, volent notre âme. George Orwell aurait dit qu’un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime, il est complice ! Cela vaut aussi pour les malheureux Ukrainiens qui ont cru aux promesses de paix de l’histrion Zelensky, un clone, façon Trudeau, du squatter de l’Élysée.
Tant qu’à pratiquer le complotisme — mais un complotiste n’est-il pas quelqu’un qui a raison six mois avant les autres ? — ne nous arrêtons pas en si bon chemin et supposons à bon droit que tout ceci soit organisé, programmé, planifié entre la CGT et l’État profond hexagonal avec la bénédiction des Politburo bruxellois. Bien entendu, le Premier ministre Borne se dépatouille comme elle peut, d’atermoiements en inerties calculées afin de faire basculer le pays en douceur (pendant qu’il fait la queue aux stations d’essence) du côté de la guerre européenne contre la Russie masquant une mondialisation à marche forcée. C’est-à-dire la disparition de la France en tant que nation souveraine dans une Union balkanisée démesurément étendue de l’Irlande à la Géorgie, cela pour le plus grand bonheur des oligarchies occidentalistes, à commencer par les judéo-protestants nord-américains dont les ambitions hégémoniques à ce jour restent inentamées.



Léon CAMUS, par intérim. RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>.


_____
(Jérôme Bourbon étant malade, c’est Léon Camus qui a exceptionnellement rédigé l’éditorial cette semaine). […]

6,00 €
TTC
Quantité
6,00 €

Billet hebdomadaire

Les grands nouveaux mensonges historiques

« Malgré la mise en œuvre du New Deal après 1933, en 1938 la production et surtout l’investissement n’ont pas retrouvé leur niveau de 1929. Seule la Seconde Guerre mondiale assurera une véritable sortie de crise. »

Maurice Baslé, Jacques Mazier et Jean-François Vidal, Quand les crises durent, Economica, 1993.

Il existe des faits des plus étranges dont les interprétations sont tellement nombreuses ou simplement écrasées par la répétition du discours officiel qu’elles empêchent de les apprécier pour ce qu’ils sont.
Chaque fait est la conséquence d’un autre qui est lui-même le produit d’un autre fait qui le précède, mais cette simple observation ne démontre pas que l’histoire est régie par un strict fatalisme, un froid déterminisme, un parfait historicisme. Le choix politique, ne serait-ce que celui d’une autorité mondiale qui œuvre en secret, intervient dans cette interminable chaîne de causalité non pour faire appliquer la seule mesure qui s’imposerait à cette autorité mais pour agir en privilégiant toujours un projet plutôt qu’un autre et sa propre survie (le projet choisi contient toujours en lui la survie de la véritable caste dirigeante qui se rit des gouvernements et des régimes) quand bien même elle ferait souffrir ou disparaître une partie de l’humanité. Cependant, le pouvoir a appris à devenir insaisissable aux yeux des masses empêtrées dans ces interminables kermesses électorales dont les rejetons ne servent que de fusibles, de moins en moins recyclables du reste. Planqué derrière, loin derrière cette pseudo-démocratie qui le cache au quotidien, le pouvoir, par l’entremise de ce personnel de laquais et par les commissaires politiques déguisés en demi-intellectuels qu’il rémunère généreusement, ensevelit, sous un nuage de fumée qui ne désépaissit jamais, les esprits qui perdent progressivement toute appétence pour la vérité.
Pour compléter les effets du sempiternel travail électoral qui relève du génie du contrôle social, le pouvoir s’est échiné, ces dernières années, à diaboliser, ringardiser, absolument tout ce qui peut s’apparenter, de près ou de loin, à l’observation et à la dénonciation d’un complot.

COMMENT PEUT-ON ÊTRE “COMPLOTISTE” ?

C’est une réussite systémique majeure. La moindre interrogation, le plus petit questionnement bousculant la version officielle d’un fait, d’une cause, et la brigade de la vérité vraie et obligatoire vous tombe dessus aussi rapidement qu’un essaim de guêpes effleuré.
Le bourrage de crâne a fonctionné très bien, il faut l’admettre. Aussi sûrement que celui concernant l’historiographie sous scellés de la Seconde Guerre mondiale qui a été appliqué sur les cerveaux de trois générations. Non seulement l’utilisation des termes de complot, de conspiration, et de leurs synonymes et métaphores, est désormais réservée à ceux qui dénoncent les “complotistes” mais deviennent également “complotistes” tous ceux ne croyant pas au scénario officiel, quel que soit le sujet discuté. Ainsi, toute thématique non exposée dans les media mainstream mais développée ailleurs devient, de fait, ce qu’“ils” appellent une théorie du complot. Pour qu’une chose, un fait, un phénomène n’existent pas, il suffit que le media conforme n’en parle pas. Et la chose, le fait, le phénomène disparaissent quand le media n’en parle plus s’il en avait parlé auparavant.
De 2018 jusqu’à la fin de l’année 2019 (juste avant l’apparition planétaire du covid en décembre 2019), tous les voyants de l’économie mondiale étaient au rouge.

LA GRANDE DÉPRESSION ÉTAIT ANNONCÉE !

Le 29 novembre 2018, le magazine Capital, première revue économique à destination du grand public, annonçait la catastrophe, le grand effondrement, la crise.
« Le ciel s’obscurcit, l’horizon se rétrécit, les première gouttes arrivent… La prochaine crise qui s’annonce sera probablement “plus proche du typhon dévastateur que de l’averse passagère de printemps”, juge l’économiste et consultant Georges Nurdin, ex-directeur d’une Grande École de Management et écrivain (Les multinationales émergentes, Le temps des turbulences, Wanamatcha !). Elle risque d’être d’envergure car elle devrait être “à la fois financière, économique et sociétale — l’ordre d’occurrence des facteurs étant indifférent”, estime l’expert. […] L’enchaînement des cycles économiques est à l’image des marées : à une marée haute succède toujours une marée basse. “Nous venons de vivre dix ans de cycle haussier : un record. Il faut donc se préparer au retournement de ce Juglar (cycle des affaires, NDLR), entrant en résonance avec la fin d’un Kondratiev (cycle puissant de 50 ans — “grande marée séculaire”). Mécaniquement, en butée de cycle, ça va “percuter” très fort”, met en garde Georges Nurdin. »
En 2018, le poids de la dette — 164 000 milliards de dollars (225 % du PIB mondial !) n’a jamais été aussi élevé : il dépasse celui du début de la dernière crise financière… Vertigineux… et insoutenable, lit-on ailleurs. La croissance est atone. Aux Etats-Unis, un rebond très éphémère est fabriqué en faisant surchauffer la planche à billets. Ce petit rebond artificiellement provoqué (et qui ressemble aujourd’hui à une volonté de gagner du temps) est obtenu au prix de déficits budgétaires abyssaux : 1 000 milliards de dollars, afin de financer les réductions d’impôts de l’administration Trump. Derrière la façade du libéralisme, il s’agissait en réalité d’une accentuation de la politique précédente qui était arrivée au bout du rouleau en période de paix.
Le temps des bulles était de retour, tous les économistes l’affirmaient. D’après Alan Greenspan, l’ancien président de la banque centrale américaine, il y avait deux bulles prêtes à éclater au nez du marché : celles des actions et celles des obligations. Les actions américaines étaient historiquement chères, au même niveau que celui du « jeudi noir », du Krach de 1929…
Autre bulle plus immense encore qui inquiétait tous les observateurs : celle provoquée par la politique dite de Quantitative Easing — la planche à billets à plein régime —, décidée par les banques centrales dans la panique après 2008 pour éviter une crise de liquidité. Les conséquences étaient désastreuses et plus aucune digue ne pouvait désormais les entraver. La conjoncture poussait les entreprises à l’endettement alors que l’inflation apparaissait avant l’apparition des effets d’une surproduction plombant de vastes secteurs d’activités et pas uniquement aux Etats-Unis mais aussi au cœur même de l’Atelier du monde, la Chine, où la croissance n’était plus soutenue que par l’énorme bulle immobilière. Les endettements colossaux des Etats et des ménages (en Chine y compris) ne pouvaient plus être traités sans l’apparition d’un deus ex machina.

UN COVID QUI TOMBE À POINT NOMMÉ

Ce deus ex machina fut la guerre. D’abord, celle qui fut déclarée contre le covid. Un fléau, qui remplaça dans la tête de tous les acteurs socio-économiques les inquiétudes liées à la crise (dont l’avènement était inéluctable), contre lequel il fallait, disait-on, entrer absolument en guerre. Chaque jour qui passait, où les autorités déversaient de la monnaie de singe dans les sociétés du monde entier pour compenser l’inactivité obligatoire, chaque jour de la sorte annonçait l’apparition d’un réajustement qui se fera plus violent encore. Cette guerre toute virtuelle en annonçait une autre, bien réelle.

L’HISTOIRE DÉJÀ RÉÉCRITE

Aujourd’hui, c’est magique, la crise économique mondiale serait le fait, en premier lieu, de la pandémie de covid-19. Plus personne ne parle de l’économie toute viciée que tout le monde observait en 2018. Tous nos malheurs provenaient, devait-on croire, dès 2020 de leur épidémie covidesque. Et quant au krach boursier qui se produit en mars 2020, tous les commentateurs autorisés, tous les analystes bien peignés, toute la journaillerie aux ordres, affirment qu’il n’est que la conséquence de la pandémie ! Wikipédia offre à ses lecteurs des pages interminables sur « la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 ou crise économique de 2020 (qui) est une crise économique mondiale, provoquée par la pandémie de Covid-19 et le confinement sanitaire décrété dans un grand nombre de pays. À la suite des mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19, la crise économique débute par le krach boursier de 2020 et se propage dans le monde ») et sur le krach de 2020 qui n’aurait, doit-on penser, jamais eu lieu sans la crise “sanitaire” (« Le krach boursier de 2020 est un krach boursier qui touche les économies mondiales en mars 2020. Il s’agit d’une crise liée à la pandémie de Covid-19 ainsi qu’au confinement sanitaire décrété dans un grand nombre de pays au printemps 2020 »).
Voilà, l’histoire est déjà écrite, pour la masse en tout cas. La profonde crise économique (qui ne fait que débuter) serait le fruit d’un accident, d’un virus qui se serait développé et propagé par hasard. Voilà, c’est notre malheur, personne n’y peut rien. Personne, ni les grands décideurs, ni la grande banque. Ils sont aussi des victimes de la chienlit, n’est-ce pas, et non des coupables.

LE KEYNÉSIANISME À L’ŒUVRE AVANT, PENDANT, ET APRÈS LA GUERRE


L’histoire covidesque aura donc aussi servi à rendre amnésiques les acteurs socio-économiques, à faire oublier la situation antérieure, à cacher les contradictions internes du capitalisme mondial, mais aussi à servir d’épisode tampon entre cette situation de marasme pré-covidesque, et la guerre d’aujourd’hui qui ne tend que vers sa propagation.
Evidemment, cette guerre fabriquée doit apparaître devant le plus grand nombre comme un conflit n’ayant pas trait à des impératifs économiques spécifiques, encore moins comme un moyen nécessaire pour le système capitaliste mondial de résoudre une nouvelle fois ses contradictions internes. Pour ce faire, on exagère des tensions, on attise le choc des civilisations, on provoque les peuples en exposant des hurluberlus travestis racontant des histoires de vers intestinaux dans une bibliothèque américaine devant quatre enfants appartenant à deux parents cinglés membres de l’église de Satan… Cela suffit pour faire trois photos et les diffuser à travers la terre entière par le biais des réseaux sociaux. L’anti-islamisme complètement caricatural et délirant à la Charlie Hebdo sert le même complot. A quoi peuvent bien servir des caricatures abjectes du sacré si ce n’est à enrager des populations entières dont la majorité vit en dehors des frontières de l’Occident ? En Russie, les sanctions économiques précédant la guerre avaient été ressenties par le peuple comme profondément injustes. Et ne parlons pas de la totale discrimination qui touche depuis des années ses sportifs notamment sous le prétexte d’un dopage généralisé. Toutes ces mesures très symboliques considérées comme injustes par les Russes de la rue ne pouvaient que provoquer leur haine de l’Occident et les rassembler derrière Poutine. N’est-ce pas au final ce qui est recherché depuis de nombreuses années dans le but de légitimer, au moins de rendre acceptable, une guerre d’importance contre l’Ouest ?
Mais il faut le redire. Cette guerre découle d’une volonté partagée par toutes les élites mondiales qui, depuis bien longtemps, jouent avec les nations devenues des coquilles vides depuis des lustres.
L’histoire se répète-t-elle ? Il y a presque un siècle, le New Deal n’avait pas réussi à relancer l’énorme mécanique d’accumulation que constituait le capitalisme américain : seule la guerre 1939-1945 y parviendra. Le chômage avait certes reculé, mais il y avait encore 10 % de chômeurs en 1940. Keynes était un génie en son domaine mais c’est bien pendant la guerre avec l’exécuteur Churchill notamment (pour qui il travailla officiellement) qu’il excella après avoir théorisé son projet. Non seulement l’économie de guerre relança les économies anglaise, américaine et allemande (et tant pis pour les pertes humaines qui sont nécessaires à la relance de la productivité dans une période où la consommation n’est pas désirée) mais elles purent connaître une nouvelle révolution industrielle grâce à elle et suivant les recommandations de Keynes (mort en 1946), en Allemagne y compris. Des idéologies subitement apparues ont disparu encore plus rapidement, les passions se sont adoucies ou sont mortes encore plus vite que l’apparition de certains nationalismes. Il fallait travailler maintenant, puis, enfin, consommer. Mais avant l’ouverture du premier hypermarché, il avait fallu en passer par cette terrible étape de destruction créatrice.
On nous ment continûment sur les origines de la dernière grande guerre. Gageons que le mensonge historique a déjà commencé avec celle qui vient et dont nous pouvons déjà voir les prodromes. […]

François-Xavier ROCHETTE.