Rivarol n°3550 du 23/1/2023
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Rivarol n°3550 du 25/1/2023 (Papier)

Editorial

Réforme des retraites : ce que l’on nous cache

Macron souvent varie, bien fol qui s’y fie. Pendant la campagne présidentielle de 2017, et lors de son premier quinquennat, Emmanuel Macron s’était engagé à ne pas reculer l’âge du départ à la retraite. En témoignent notamment ces propos prononcés lors du Grand débat en avril 2019, peu après la crise des gilets jaunes : « Est-ce qu’il faut reculer l’âge légal qui est aujourd’hui à 62 ans ? Je ne le crois pas pour deux raisons. La première est un peu directe, c’est que je me suis engagé à ne pas le faire. Et c’est quand même mieux sur un sujet important de faire ce qu’on a dit. La deuxième raison, c’est que tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, ça serait assez hypocrite de reculer l’âge légal. » Mais on sait que chez les politiciens mentir est une seconde nature. Par conséquent, toute honte bue, le président de la République a demandé à son gouvernement dirigé par la sinistre (dans tous les sens du terme) Elisabeth Borne née Bornstein d’engager un projet de loi sur la réforme des retraites, repoussant le départ des actifs à l’âge de 64 ans. Dans un premier temps, il avait même été question de le repousser à 65 ans. Le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 23 janvier et sera débattu au Parlement à partir du 6 février. « Franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal de départ en retraite. Quand on est soi-même en difficulté, bon courage déjà pour arriver à 62 ans ! », s’était pourtant exclamé Macron en 2019. Le cynisme de ces gens-là est décidément sans limite.
Et ce qui est vrai du chef de l’Etat l’est également du ministre du Travail, Olivier Dussopt, chargé d’expliquer, de présenter et de défendre l’actuelle réforme de la retraite. Or, dans une vidéo datant de 2010, le même Dussopt, alors député socialiste, fustigeait le « gouvernement et l’Élysée (dont le locataire était alors Nicolas Sarkozy) », qui envisageaient « de reculer l’âge légal de départ à la retraite de manière progressive de 60 à 63 ans d’ici 2030 ». Il dénonçait encore le « mépris fait aux partenaires sociaux reçus sans qu’ils soient écoutés et entendus ». Confronté à ses contradictions, le ministre du Travail a louvoyé, en déclarant sur BFMTV : « La maturité politique fait qu’on évite parfois les solutions simplistes. Il faut assumer parfois de mûrir et de mesurer les contraintes et la complexité des choses. » Le ministricule appelle maturité ce qui n’est ni plus ni moins qu’un mensonge caractérisé. Lorsqu’on est dans l’opposition, on feint de combattre la réforme des retraites avec recul de l’âge légal et augmentation des annuités pour les cotisations mais lorsqu’on est aux responsabilités, tout à coup le discours n’est plus le même.

Alors que nous sommes déjà asphyxiés par les charges, les taxes et les impôts de toutes sortes qui découragent l’effort, l’initiative, la prise de risque et qui s’apparentent à une forme de confiscation tellement ils sont élevés et exorbitants, les pouvoirs publics n’ont d’autre obsession que de rendre la vie des Français encore plus difficile en allongeant la durée de cotisation qui va passer à 43 annuités, dès 2027 (après avoir été fixé pendant longtemps à 37 ans et demi, puis à 40 ans) pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein et en reculant l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, de manière graduelle d’ici 2030, la réforme devant commencer à s’appliquer à partir de l’été 2023. A noter que rien n’est prévu à ce stade pour les actifs étant entrés à 20 ans sur le marché du travail et qui devront donc a priori cotiser pendant 44 ans avant de pouvoir bénéficier d’une pension à taux plein. Or il s’agit souvent de travailleurs manuels, aux revenus généralement modestes, aux métiers usants voire épuisants, mais qu’importe pour le gouvernement qui entend « rester inflexible » sur cette question. On est là à des années-lumière du « quoi qu’il en coûte » macronien pendant la crise covidesque. La colère des Français telle qu’on a pu la mesurer dans la rue le 19 janvier, avant la nouvelle journée de mobilisation le 31 janvier, colère qui dépasse largement les appareils syndicaux qui sont là pour la canaliser, la neutraliser et la conduire dans une impasse, et telle qu’elle peut se lire dans les enquêtes d’opinion où la cote de popularité de Macron et de Borne recule fortement tandis que le soutien à la réforme est extrêmement minoritaire, s’explique donc aisément, et ce d’autant plus dans un contexte de forte inflation, d’augmentation du prix de l’énergie et des matières premières et de recul du pouvoir d’achat. Est-ce raisonnable d’imposer des réformes aussi dures dans un contexte économique et social déjà si dégradé ?
43 années de cotisations, c’est vraiment beaucoup. La loi Touraine de 2014, sous présidence socialiste, avait déjà prévu cet allongement de durée des cotisations, mais la réforme devait se faire de manière relativement lente jusqu’en 2035. Là le gouvernement Borne accélère : tout doit être en place pour 2027, huit ans avant la date prévue. Il semble pourtant que 40 annuités de cotisations était une durée raisonnable. Quarante ans, c’est un chiffre symbolique que l’on trouve souvent dans la Bible notamment et qui correspond à toute une vie. Sachant de surcroît que beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles font aujourd’hui des études plus longues et rentrent donc plus tardivement dans la vie active, aller jusqu’à 43 ans de cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein conduira donc beaucoup d’actifs à devoir travailler jusqu’à près de 70 ans. Et même davantage si d’ici là, comme on peut le craindre, la durée de cotisations est encore augmentée. Or, c’est souvent après 60 ou 65 ans que se déclarent les maladies graves, les cancers, les AVC, les infarctus, que l’usure des ans conduit à toutes sortes de rhumatismes douloureux et handicapants voire à des formes de paralysie. Les actifs qui s’occupent des soins à la personne, du ménage, qui doivent soulever des objets lourds, conduire énormément ont très souvent de gros problème de colonne vertébrale en prenant de l’âge. Reculer pour eux l’âge de la retraite, augmenter la durée de cotisation ne sont vraiment pas des solutions humaines et raisonnables.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas un réel financement des retraites. Mais outre que les pouvoirs publics savent trouver l’argent, quand ils le veulent, il y aurait toute une série d’économies à faire qui permettrait d’éviter ou, à tout le moins, de limiter le sacrifice supplémentaire demandé aux Français. Si l’Etat cessait sa “subventionnite” aiguë en faveur du tissu associatif et de toute une série de secteurs, à commencer par la presse qui ne devrait vivre que de ses lecteurs, si l’on mettait de l’ordre dans les finances publiques, dans les innombrables niches fiscales, si l’on fermait fiscalement les pompes aspirantes de l’immigration, les milliards manquant au financement des pensions seraient assez aisément trouvés. Mais au-delà de cet aspect essentiellement technique et comptable, il est évident que la question des retraites est inséparable de la question démographique et tout particulièrement du taux de renouvellement des générations. Plus la natalité est faible dans un pays, moins le financement des retraites des anciens est assuré sur le long terme. C’est donc la mission des pouvoirs publics, dont la noblesse et l’obligation fonctionnelle sont de prévoir, de voir loin, de favoriser par tous les moyens, moraux et matériels, une politique nataliste ambitieuse, dynamique et conquérante. Or, c’est le contraire qui est fait depuis des décennies. On légalise et on rembourse à 100 % l’avortement, on promeut les mœurs et groupes LGBTistes, on facilite le divorce, on fragilise et on matraque fiscalement les familles, et singulièrement les familles nombreuses, qui sont par exemple fortement pénalisées par le malus écologique (de plusieurs milliers d’euros !) lorsqu’ils doivent acheter une voiture de dimension suffisante pour loger tous les enfants.
Au moment même où l’Exécutif présente sa réforme des retraites, l’INSEE publiait le 17 janvier son bilan démographique annuel, évoquant « un nouveau baby crash ». En effet, en 2022, 723 000 bébés sont nés, soit 19 000 de moins qu’en 2021. C’est un niveau historiquement bas, jamais atteint depuis plus de 70 ans. Le taux de fécondité a baissé et s’établit cette année à 1,80 enfant par femme en 2022, contre 1,84 en 2021. Et encore ce chiffre prend-il en compte les naissances étrangères et d’origine étrangère sur notre sol, sans quoi il serait encore nettement plus bas. De plus, le nombre de femmes de 20 à 40 ans, en âge de procréer, diminue également. Aujourd’hui, les femmes ont 31 ans en moyenne au moment de la naissance de leur premier enfant. Il y a 20 ans, elles étaient âgées de 29,4 ans. Autre indicatif alarmant : le solde naturel de la population, qui correspond à la différence entre le nombre de naissances et de décès, a atteint en 2022, toujours selon l’Institut national de la statistique, son « plus bas niveau depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». Il n’y a eu en effet l’année dernière que 56 000 naissances de plus que les décès qui se sont élevés à 667 000 (5000 de plus qu’en 2021 : est-ce l’effet du covid ou plutôt des vaccins ?). Le vieillissement de la population se poursuit et s’aggrave : au 1er janvier 2023, en France, 21,3 % des habitants avaient 65 ans ou plus. Ils n’étaient que 17,1 % dans cette tranche d’âge en 2012. Les moins de 20 ans représentaient, eux, en début d’année 23,5 % de la population et les 20 à 64 ans 55,2 %. Enfin, l’espérance de vie à la naissance est actuellement de 85,2 ans pour les femmes et de 79,3 ans pour les hommes. On le voit, la relance d’une politique nataliste est d’une urgence absolue, et cela d’autant plus que c’est sur le temps long qu’on peut en mesurer les effets.

Mais ce n’est pas la voie que compte suivre le gouvernement. Plutôt qu’œuvrer à une politique familiale audacieuse, l’Exécutif entend résoudre la question du financement des retraites non seulement, on l’a dit, en augmentant la durée des cotisations et en retardant l’âge légal de départ à la retraite mais aussi en dépénalisant et en promouvant l’euthanasie et le suicide assisté. Ce n’est pas un hasard si Macron met en œuvre sa réforme des retraites en 2023, au moment même où il est question de légiférer dans les mois qui viennent, à l’issue du pseudo-débat sur la fin de vie en mai prochain, sur l’euthanasie, Macron s’étant déjà dit ouvertement favorable à la loi belge, abominable, et ayant publiquement approuvé le combat de la momie Line Renaud en faveur de cette évolution législative et sociétale. Et en effet comme il est difficile politiquement d’alourdir et d’allonger à l’infini les cotisations, comme il est délicat électoralement de réduire sans cesse le montant des pensions, la solution efficace et machiavélique, conforme de surcroît aux desiderata de la maçonnerie, est de réduire massivement le nombre des retraités. Par l’exhortation à la piqûre létale.
Après la seringue prétendument anti-covidesque, voici venu le temps de la seringue pour envoyer ad patres. Le “prophète” Jacques Attali écrivait dès 1981 dans L’Avenir de la Vie (éditions Seghers) ces phrases chocs : « Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société. Je crois que, dans la logique même de la société industrielle, l’objectif ne va plus être d’allonger l’espérance de vie, mais de faire en sorte qu’à l’intérieur même d’une vie déterminée, l’homme vive le mieux possible mais de telle sorte que les dépenses de santé soient les plus réduites possible en termes de coût pour la collectivité. Il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement plutôt qu’elle se détériore progressivement. L’euthanasie sera un instrument essentiel de nos sociétés futures. » Il suffit de déguiser ces positions cyniques et criminelles en pseudo-humanisme en parlant du « droit de mourir dans la dignité », « de choisir sa mort », « de ne pas souffrir inutilement ». Le Diable est habile quand il s’agit de nous vendre sa quincaillerie mortifère. Il sait se déguiser en ange de lumière. A nous de résister de toutes nos forces à ces suggestions et à ces séductions funestes qui ne sont au final que subversion, destruction et perdition.


RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

Leur Grande Guerre patriotique

Par quel hasard ai-je regardé un bout “d’entretien” l’autre soir sur BFMTV ? Un conseiller de Vladimir Poutine s’y faisait interroger, cuisiner, charcuter par la police française de l’information : il y avait là deux permanents de la chaîne et une consultante invitée, venue de RFI, spécialiste aux cheveux gris et à la voix péremptoire. Le Russe parlait un bon français mais n’avait jamais le temps d’exprimer une idée entre deux injonctions à se justifier, qui, de la part des femmes, ne quittaient pas le registre de l’agressivité hystérique. Il avait une drôle de tête, une sorte de Yann Moix en mieux soigné, plus beau et plus intelligent, mais avec ce côté inquiétant dans ses gros yeux à fleur de crâne, une tête de Boxer névrosé. Entre deux questions sur la fourniture éventuelle de chars Leclerc à l’Ukraine par la France et la responsabilité de la guerre en Ukraine revenait, lancinante, la question : cautionnez-vous, reprenez-vous à votre compte la comparaison établie par Serge Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe, entre l’offensive menée contre la Russie par l’Ukraine soutenue par l’Europe et la Shoah ? Le ton montait, l’indignation fusait en geyser, les sommations se répétaient. Le pauvre garçon laissait passer l’orage, revenant à sa propre lubie : l’Europe une nouvelle fois liguée, comme sous Napoléon, comme sous Hitler, contre la pauvre Russie… Mais elles ne lâchaient rien :  six millions, quand même, a-t-on tué six millions de Russes en Ukraine ? Et l’autre boxer, fidèle à sa tactique, mais quand même, des chars Leclerc, le maréchal (Leclerc) doit se retourner dans sa tombe, alors que tant de nos soldats sont morts aux côtés de vos soldats et de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, cette grande guerre patriotique des démocraties contre Hitler. Et cela ronronnait comme ça à quinze mille tours minute depuis des heures, quand la fille de RFI a eu cet aveu grandiose, montée comme une walkyrie furieuse sur les grands chevaux de la mémoire : « Oui, mais c’était pas pareil. C’était l’Union soviétique. Maintenant c’est la Russie. » A ce moment j’ai dû couper pour mettre la Septième compagnie. Mais la pensée RFIste n’était pas ambiguë : le communisme russe était un allié contre la Bête nazie, la Russie nationale, elle, est un danger. Tel quel.
Cet aveu naïf explique que soient condamnés les Ukrainiens, “bandéristes” ou non, qui ont ouvert les bras à la Wehrmacht et se sont alliés à elle contre Staline, en même temps qu’on loue avec émotion la “résilience” de l’Ukraine agressée par un Poutine irrespectueux du droit international. Dans un cas, l’identité ukrainienne s’opposait au communisme, allié préférentiel des démocraties contre le nationalisme, dans le second, elle défend ces mêmes démocraties contre une autre forme de nationalisme. Bien comprendre ce fonctionnement peut nous épargner des luttes fratricides : tous les jours, des amis, des gens intelligents et cultivés, des militants estimables, s’étripent, avec les meilleurs arguments et la meilleure volonté du monde, à propos de la guerre d’Ukraine, de Trump, de Poutine, de Bolsonaro, du Brexit, faute de s’être demandé comment l’arc-en-ciel se sert des nations.
Un bref retour sur le passé permet de le déterminer. Quiconque a suivi l’histoire se souvient que l’idée nationale fut la grande force motrice politique au dix-neuvième siècle en Europe, puis dans le monde lors de la décolonisation, et que c’était un fruit de la Révolution française. De même n’a-t-on pas oublié que cette force fut d’abord dirigée contre l’ordre traditionnel des puissances, contre la Sainte Alliance des couronnes, et qu’on était ainsi en droit de dire, comme le fit François Mitterrand en 1995, que « le nationalisme c’est la guerre », à condition de limiter la portée de cette affirmation dans le temps et les espaces que l’on vient de définir. On rappellera enfin que, par son origine révolutionnaire, l’idée nationale fut d’abord « de gauche », les “patriotes” arborant la cocarde tricolore s’opposant aux “aristocrates” fidèles à la cocarde blanche du roi : Maurras n’inversa cela qu’à la fin du dix-neuvième siècle avec son nationalisme intégral.

Bonaparte avait vite compris qu’avec la démographie française, l’artillerie, et son propre génie, la nation faisait la force de ses armées : il enrôla donc ce sentiment d’identité au service d’une entreprise impériale par nature internationale et uniformisatrice, qu’il revendiquait hautement : jamais souverain ne fut plus universaliste, et les loges maçonniques dont il s’était fait le protecteur, et dont il se servait, répandirent sa façon de voir par toute l’Europe. Impossible n’était pas français aux yeux de son rêve impérial. Cependant la réalité brisa ces chimères : la grande armée internationale se délita. L’armée tsariste, qui était russe, ayant limité la casse jusqu’à l’hiver, il lui suffit de donner ensuite quelques coups de pouce au climat. Tel fut ce qu’on nomme en France la Campagne de Russie et en Russie la Guerre patriotique de 1812. Ce fut la victoire de la nation russe sur l’internationalisme napoléonien.
En 1941, l’URSS, empire communiste multinational et multiracial, qui, après la signature du pacte germano-soviétique, avait annexé l’Est de la Pologne et de la Finlande, les pays baltes, la Bessarabie et la Bucovine du Nord fut envahie par l’armée allemande. Tout indique qu’elle se préparait à attaquer le Troisième Reich quand celui-ci prit les devants et lança, en juin, l’Opération Barbarossa. On sait que Staline n’eut pas la sagesse qu’avaient montré en 1812 Barclay de Tolly et Bagration, les généraux russes qui eurent la chance, l’avance française étant trop rapide pour qu’ils puissent se disposer efficacement au combat, de ne pas livrer de bataille décisive, puis, ayant mesuré l’intérêt de la chose, eurent le difficile courage, inspiré de Clausewitz, de se retirer en appliquant la tactique de la terre brûlée. Staline, lui, prétendit résister sur place et ce fut une catastrophe pour l’armée soviétique qu’il avait au préalable désorganisée par ses purges. La Wehrmacht tailla ses troupes en pièce et fit des millions de prisonniers. Alors, pour sauver ses propres fesses et ce qui subsistait de la révolution bolchevique, le totalitarisme marxiste-léniniste associé à la bureaucratie, Staline enfreignit toutes les lois de la guerre et sacrifia plus de vingt millions de compatriotes, aidé par les ploutocraties anglo-saxonnes, pour vaincre Hitler. Mais bien sûr, les commissaires politiques, leur propagande et leurs mitrailleuses, n’auraient pas suffi à stimuler des soldats dont la pente naturelle les portait à se rendre, si le maître du Kremlin n’avait utilisé pour les galvaniser le mythe de la Sainte Russie : on fit sonner les cloches à la volée après avoir persécuté les chrétiens plus de vingt ans durant, on tira des greniers, avec les icones, les portraits des stratèges de la guerre contre Napoléon, Bagration, Koutouzov et les autres. En somme, on suscita, au secours d’une révolution internationale, un sursaut identitaire de la nation russe que l’on envoya à la boucherie. Et l’on nomma par antiphrase ce dévoiement, cette inversion, grande guerre patriotique, terme trouvé par la Pravda et immédiatement repris par Staline.

Aujourd’hui l’arc-en-ciel nous joue sa grande guerre patriotique. De plusieurs manières et sur plusieurs théâtres d’opérations (jamais le mot théâtre n’aura été mieux approprié). Voyons d’abord l’Ukraine. L’Occident — disons l’OTAN, les Etats-Unis et leurs vassaux — mène là-bas une croisade des démocraties comparable à celle qu’ils ont menée contre Hitler réincarné en Poutine, désigné coupable d’agression. Ils oublient volontairement que la Crimée est russe depuis Catherine II sauf une fantaisie de Khrouchtchev et que les accords de Minsk garantis par la France et l’Allemagne, qui devaient régler le sort de l’Ukraine orientale, n’ont été respectés par personne. Lorsqu’ils exaltent en paroles la nation ukrainienne, ses frontières, ses droits, son courage, son esprit de résistance, ils ne regardent ni à son histoire, ni à sa composition ethnique, ni aux traités internationaux qui l’ont constituée et qu’elle a signés — tout ce qui caractérise ordinairement une nation. En somme, sous couleur d’aider une nation à survivre à une agression, ils contribuent à détruire la notion même de nation, et, comme si cela ne suffisait pas, ils recouvrent du mot nation une réalité purement idéologique, le pays devenant le cheval de Troie des droits arc-en-ciel, à l’euthanasie, à la GPA, à toute la gamme des fantaisies LGBTQ, etc.[…]

HANNIBAL.