Rivarol n°3556 du 8/3/2023
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Rivarol n°3556 du 8/3/2023 (Papier)

Editorial

1963-2023 : soixante ans de mensonges

DANS QUELQUES JOURS, nous commémorerons le soixantième anniversaire de l’exécution du lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, le dernier condamné à mort à avoir été fusillé en France le 11 mars 1963 au fort d’Ivry. Ce brillant et courageux ingénieur de l’armée de l’Air avait 35 ans. Il a été jugé par un tribunal d’exception, sans aucune base légale ou constitutionnelle, pour avoir voulu intenter à la vie du chef de l’Etat de l’époque, Charles de Gaulle, coupable de mensonge, de parjure et de forfaiture dans sa politique de liquidation de l’Algérie française.
A première vue, cet épisode peut paraître daté et révolu, appartenir à l’histoire et non à l’actualité, beaucoup de choses ayant changé en soixante ans. Et pourtant, quand on se donne la peine de relire la déclaration du 2 février 1963 de Bastien-Thiry lors de son procès et qui constitue un réquisitoire implacable contre De Gaulle et sa politique criminelle, on se rend compte de son caractère à bien des égards visionnaire. Sur bien des points en effet, cet exposé limpide n’a pas pris une ride et éclaire le temps présent. Bastien-Thiry rappelait en effet fort opportunément, dans ce texte remarquable, tant sur le fond que sur la forme, que les nations, comme les civilisations, sont mortelles et qu’avoir agi en dehors de toute morale, de tout principe, de tout honneur, en trahissant la parole donnée, en agissant par la ruse, la dissimulation et le mensonge, comme l’a fait De Gaulle pour liquider l’Algérie française après avoir promis solennellement à maintes reprises, en juin 1958, de maintenir ce territoire dans l’ensemble français, était créer un redoutable précédent et conduirait à terme à la destruction de notre nation et des valeurs et principes humains, moraux, spirituels et civilisationnels qui la constituent.
Et en effet le mensonge qui a régné en maître au sommet de l’Etat pendant quatre ans, de 1958 à 1962, a eu des conséquences désastreuses sur la nation tout entière. Beaucoup de Français se sont dénationalisés, devenant matérialistes et hédonistes, ce qu’ils n’étaient pas — ou beaucoup moins — auparavant. Lorsqu’un chef de l’Etat trahit à ce point la parole donnée, ses serments les plus solennels, comment imaginer que cela n’ait pas des incidences incommensurables sur le corps social ? S’il est possible de mentir, de tromper, de dissimuler, de dire tout et son contraire pour arriver à ses fins, alors il n’y a plus rien de sacré, de stable, de solide et de pérenne, alors l’existence même de la France, en tant que nation libre, souveraine et homogène, n’est plus assurée. De Gaulle, dénonçait Bastien-Thiry, a procédé à une « savante entreprise de dénationalisation de l’opinion publique », l’armature morale de la nation a été détruite.
Si les Français, expliquait l’organisateur de l’attentat du Petit-Clamart du 22 août 1962, ne sont plus capables désormais de se battre pour la défense de la nation, de l’honneur, ne sont plus sensibles au malheur et à la détresse d’une partie de leurs compatriotes abandonnés, trahis et sacrifiés, alors comment croire que demain ils sauront résister à un péril mortel les menaçant ? « Le résultat (de la politique gaulliste), c’est aussi que le peuple français n’est plus structuré, qu’il y a une véritable pulvérisation, une véritable atomisation de la société française contemporaine. L’homme français contemporain, qui est isolé, désorienté et désemparé, ne sait plus sur quoi et sur qui s’appuyer, et est prêt à se laisser entraîner aux aventures ; on peut craindre que les préoccupations essentiellement matérialistes de beaucoup de nos concitoyens, qui ont en même temps oublié où se trouve leur dignité d’hommes libres et responsables, ne les conduisent à aliéner leurs droits et leurs libertés d’homme ».

LA PERTE de l’Algérie, et surtout la façon dont tout cela s’est fait, a été le début d’un perpétuel renoncement de la France. Car si des évolutions juridiques et politiques étaient certainement nécessaires, cela ne justifiait en rien l’inhumanité et le cynisme gaulliens, ni non plus la renonciation au pétrole et au gaz du Sahara qui auraient assuré à la France une indépendance énergétique ô combien précieuse. Cette abdication a justifié par avance toutes les politiques de lâche abandon de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale, de la défense du peuple et de la nation. L’abandon sans aucune contrepartie de départements français a été historiquement le prélude à d’autres désertions, à d’autres trahisons, plus dommageables encore : la perte de notre homogénéité corporelle, culturelle et spirituelle avec l’immigration de masse, la submersion migratoire de notre pays et le phénomène dit de Grand Remplacement. Si l’on n’est plus capable de défendre ses possessions, son héritage, ses compatriotes, immanquablement on est conduit soi-même à disparaître. A la mise en danger de l’identité nationale avec l’immigration massive, sorte de colonisation à rebours, se sont ajoutés concomitamment les abandons successifs de souveraineté au nom de l’inféodation à l’Union européenne, de sorte que notre pays a perdu progressivement tous les attributs d’un Etat souverain : le pouvoir de battre monnaie (avec Maastricht), de disposer de véritables frontières (démantelées par Schengen), de mener une politique budgétaire, économique et diplomatique libre et indépendante (ce qu’interdisent la mise en œuvre de la monnaie unique et l’application des divers traités européistes, d’Amsterdam à Lisbonne).
Et de même que l’immense majorité des Français se sont résignés, en moins de quatre ans, à la politique de liquidation de De Gaulle en Algérie, voire l’ont applaudie, ils ont pareillement avalisé depuis, au moins passivement, toutes les réformes de destruction de la famille, de la nation et de la morale, de la loi Neuwirth à la loi Veil en passant par la loi Taubira et bien d’autres législations mortifères. Et aujourd’hui, alors que l’Education nationale s’acharne à pourrir l’âme de nos enfants avec la théorie du genre, la promotion de la transsexualité et de toutes les folies LGBTistes, rares sont ceux qui réagissent avec énergie et combativité. Il n’y a plus de limite désormais dans l’acceptation de la trahison, de l’abjection et de la perversion.
C’est que notre peuple a été anesthésié, dépolitisé, dénationalisé, démobilisé et si la politique gaullienne n’est évidemment pas la seule responsable de cette évolution funeste, il est certain que la façon dont le fondateur de la Ve République s’est comporté, au mépris du souci de la justice, du respect de la vérité et de la parole donnée, a joué historiquement un grand rôle dans le bouleversement des mentalités. Tous ceux qui ont connu cette période tragique peuvent témoigner que la perte de l’Algérie et le lâche soulagement qui s’en est suivi se sont accompagnés d’un profond changement de l’état d’esprit de l’opinion publique. De ce point de vue, il y a un avant et un après 1962, année également marquée par le cataclysmique “concile” Vatican II qui fut lui aussi, et bien plus encore, une catastrophe absolue.

L’ABANDON graduel de l’honneur, de la politesse, de la civilité, de la bienséance, la désinvolture vis-à-vis de la parole donnée, le refus de l’engagement, de l’effort, de la discipline, du dévouement et du sacrifice, le débraillé vestimentaire, les familiarités langagières, le primat donné aux appétits égoïstes, aux individualités et aux intérêts catégoriels au détriment du bien commun, l’affaiblissement du sens moral, de la structure familiale et du sentiment national ont été des conséquences directes et quasiment immédiates du lâchage de l’Algérie compte tenu de la façon machiavélique, cynique et amorale dont le Pouvoir avait agi pour imposer sa politique de liquidation, de renonciation et de dépossession. « Il faut peser toutes les conséquences, sur la vie nationale, des conditions dans lesquelles fut réalisé cet abandon » dénonçait Bastien-Thiry qui ajoutait de manière prophétique : « Une opinion publique que le chef de l’Etat a à ce point dénationalisée, à laquelle il a peu à peu enlevé le sens de l’honneur et de la fierté nationale, le sens de la solidarité et de la conservation nationale, ne pourra plus, à propos de n’importe quel autre problème, à propos de n’importe quel autre péril extérieur ou intérieur, retrouver ce sens national qui n’est que la transposition, sur le plan personnel, de l’instinct de conservation. Ayant participé au suicide du patrimoine français en Algérie, on voit mal comment les Français pourraient ne pas se laisser aller, à propos de la première épreuve venue, au suicide national. »
Des propos pessimistes mais ô combien sensés lorsque l’on constate que nos compatriotes, dans leur écrasante majorité, ne réagissent ni à la submersion ni à la subversion, ni aux agressions extérieures ni à la dilution intérieure. « On (De Gaulle) a constamment poussé les Français dans le sens de l’absence d’effort, de l’absence de risque, dans le sens d’un matérialisme petit-bourgeois et exclusif de tout idéal, de toute notion d’honneur, de solidarité et de conservation nationale. Une nation que son responsable suprême laisse aller, et même oriente volontairement vers la décadence morale et spirituelle, vers le matérialisme dans la vie courante et dans les modes de pensée, à laquelle on ne parle plus que de niveau de vie et de faits économiques, devient une proie facile pour la subversion matérialiste » ajoutait Bastien-Thiry.
Soixante ans après, l’analyse claire et lumineuse de notre dernier héros et martyr mérite plus que jamais d’être méditée par cette petite minorité de Français amoureux de la vérité et de la justice. […]


RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Nous avons bien compris à quoi sert le grand remplacement — la chose : à finir de liquider le destin des Européens et la puissance de l’Europe tout en préfigurant le vivre ensemble de demain, infernale cacophonie de guimauves et de chutneys juxtaposés. Bref, c’est un important détail de la révolution arc-en-ciel. Mais à quoi sert le mot ? Il faut répondre à cette question, l’actualité tunisienne nous l’impose. Pour faire court, il remplit depuis 2010, année où l’écrivain Renaud Camus l’a lancé dans un livre, Abécédaire de l’in-nocence, une double fonction : faire croire que son inventeur a découvert la chose et lui donner ainsi de l’autorité en la matière, tout en discréditant l’analyse de cette chose sous l’étiquette « théorie conspirationniste d’extrême-droite », afin de l’éliminer du champ politique. Par la suite, l’autorité a été étendue à des propagateurs secondaires tels que Zemmour ou Houellebecq, et la constatation de départ d’autant plus facilement exclue du débat. Le tout est une opération menée par le système avec ses médias et la complicité des seconds couteaux ainsi érigés en célébrités, en docteurs et en diables. Or il ne fait aucune espèce de doute, c’est une réalité amplement documentée, que ce qui est aujourd’hui nommé grand remplacement a été pressenti par Cousteau (le bon, Pierre-Antoine) dans RIVAROL dès 1958, esquissé par Raspail, dénoncé par Le Pen et le Front national dès les années soixante-dix. En outre, le lien entre l’exsanguino- transfusion de la population et la rupture de civilisation, causées par l’immigration couplée à la révolution morale dont 1968 fut un symbole, a été décrit avec soin par plusieurs auteurs à « l’extrême-droite » dans les années 1980 et 1990. Renaud Camus et les autres sont donc des visionnaires après-coup, des carabiniers d’Offenbach sacrés faux prophètes par le système pour les besoins de sa cause. Les raisons de cette préférence sont sans mystère. Camus est un homosexuel exhibitionniste sur les réseaux, de gauche, et, il l’a expliqué, il a toujours refusé de soutenir Le Pen bien que lui seul ait dit la vérité parce que le détail l’avait rendu immonde à ses yeux. En somme, Camus est un diable présentable.
Même chose pour Zemmour, protégé par sa kippa et son vote revendiqué à gauche quand l’équilibre des populations et des forces politiques rendait encore possible l’union des droites radicales qu’il préconise, aujourd’hui qu’elle est devenue sans objet ni effet. Le propre des prophètes rétrospectifs est en effet qu’ils sont autorisés (et même promus) par le système une fois que celui-ci estime que la farce est jouée, que le rapport des forces observé est tel qu’il rend vaines leurs vaticinations. Le Pen criait dans le désert français, ils crient dans le trop plein des remplaçants, et cela n’a aucun effet. Qu’il y ait un grand remplacement en cours, que ce ne soit en rien une théorie, conspirationniste ou non, mais un fait, ce n’est pas en effet Houellebecq qui l’a dit en 2022, mais Giscard en 1991 quand il a estimé dans le Figaro magazine que l’on passait de “l’immigration” à “l’invasion” : c’est pourquoi les embarras de Marine Le Pen à ce sujet faisaient sourire : nul, parmi le haut personnel de l’arc-en-ciel, n’ignore la réalité du grand remplacement, puisqu’il a été voulu, programmé, planifié, organisé, depuis les années soixante-dix, et officiellement préconisé par le département populations de l’ONU à la fin des années 1990, comme l’avait fort bien vu le démographe Jacques Dupâquier dans un article du Spectacle du Monde. L’ONU pensait implanter plus de cent cinquante millions de “migrants” en Europe avant 2050 pour “remplacer” les Européens manquants, afin de soutenir l’emploi, le développement et les systèmes de retraites (souhait confirmé par Christine Lagarde, lorsqu’elle dirigeait le FMI) : il est certain que le débat actuel sur les retraites va relancer celui sur la “nécessité” de l’immigration. Et l’annonce d’une limitation du regroupement familial par Darmanin laisse prévoir une relance, sous une forme ou sous une autre, de l’immigration « de travail ». Or l’immigration de travail et l’immigration de peuplement ne se séparent pas dans l’esprit des caciques de l’arc-en-ciel. En 2018 Josep Borrell, l’actuel vice-président de la Commission européenne chargé des affaires étrangères et de la sécurité, faisait explicitement le lien (toujours à propos des retraites) : « L’évolution démographique européenne démontre que si nous ne voulons pas progressivement nous retrouver dans un continent de vieux, nous avons besoin de sang nouveau, et il ne semble pas que ce sang nouveau puisse provenir de notre capacité à procréer ». Le mot grand remplacement sonne donc simplement comme un permis d’inhumer la nation française, et un permis, donné aux faiseurs qui en jouent, de briller à bon compte tout en endormant le populo.

Cependant il y a une actualité tunisienne. Le président de la République Kaïs Saïed a dénoncé le 21 février les « hordes de migrants clandestins » envahissant son pays, cause de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ». Et d’ajouter : « Il existe un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie ». Aussitôt, de nombreux médias et hommes politiques ont dénoncé tant une “chasse” aux migrants africains “apeurés” qu’« une rhétorique proche de la théorie du grand remplacement défendue par l’extrême droite ». L’anthropologue Kenza Ben Azouz, spécialiste du racisme en Tunisie affirme : « En prenant pour bouc émissaire la communauté subsaharienne sans s’attaquer de fond à la question migratoire, il s’ancre dans une logique populiste et opportuniste », notant que « leur présence et leur travail irrégulier sur le territoire étaient jusqu’à maintenant connus et tolérés par l’Etat tunisien »,Saïed se contentant de gesticuler pour faire oublier son incapacité à sortir de la crise économique. C’est d’ailleurs fort probablement la vérité. Kaïs Saïed en fait trop, et trop tard, à la fois pour sauver sa popularité et pour discréditer un discours dont il exagère la forme (« certains individus ont reçu de grosses sommes d’argent pour donner la résidence à des migrants subsahariens ») Cependant Eric Zemmour a tout de suite saisi la balle au bond : « Les pays du Maghreb eux-mêmes commencent à sonner l’alarme face au déferlement migratoire ». C’est de la comédie, car ce n’est pas la première fois que les pays par où passe l’invasion réagissent à celle-ci. D’où qu’elle vienne, Maghreb, Machrek ou Asie mineure, leur réaction traduit des intentions politiques diverses.
Jusqu’à présent, deux politiques existaient. Celle du Maroc et de la Turquie, qui est d’ouvrir le robinet à envahisseurs pour négocier avec l’Europe envahie et en tirer un bénéfice. Grâce au pacte signé en 2016 et périodiquement renouvelé, Erdogan a ainsi touché un bon paquet de milliards et d’avantages annexes de l’UE en retenant le flot qui se déversait par la Grèce et les Balkans depuis 2014. Les protestations d’Athènes, de la Slovaquie, les barrières érigées par la Hongrie avaient poussé l’Union européenne à payer, pour éviter l’éclatement. De même le Maroc, où se trouvent les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ouvre-t-il les vannes plus ou moins grandes pour obtenir des concessions économiques de Madrid, en particulier sur les droits de pêche. A l’opposé se trouvaient l’Algérie et la Libye de Kadhafi, qui interdisaient le transit vers l’Europe, l’Algérie étant soucieuse d’exporter vers la France ses propres ressortissants, et la Libye gardant les esclaves dont elle avait besoin. Quoi qu’il en soit, la coalition otanienne menée par Sarkozy a démoli la barrière Kadhafi, ce qui a provoqué un débordement de subsahariens dont les ONG humanitaires ont fait un grand usage — puis ce qui a poussé l’Italie à utiliser les tribus du sud pour qu’elles reprennent le rôle de filtre. […]


HANNIBAL.