Rivarol n°3562 du 19/4/2023
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Rivarol n°3562 du 19/4/2023 (Papier)

Editorial

Macron l’autocrate droit dans ses bottes !

CIRCULEZ, il n’y rien à voir ! Voilà ce que l’on pourrait dire si l’on devait résumer en quelques mots l’allocution télévisée du président de la République le lundi 17 avril au soir. La réforme des retraites a été adoptée et promulguée. Oui, a-t-il brièvement reconnu, elle a créé beaucoup de colère et de contestation mais qu’importe, passons désormais à autre chose. Et Macron de dresser la liste de trois nouveaux chantiers, celui du travail avec notamment la réforme du lycée professionnel et la planification écologique, celui de la justice et « de l’ordre républicain et démocratique » avec la promesse habituelle de « contrôle de l’immigration illégale » et d’intégration des immigrés présents sur le territoire (bref, rien ne changera, et la France restera une passoire) et celui du progrès grâce au conseil national de la refondation. Il n’est rien de concret dans l’allocution présidentielle ; ce ne sont que des généralités et des mots abstraits, vides et creux. On notera toutefois, en plein débat sur la réforme des retraites désormais entérinée, sa discrète allusion à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté avec la mention des travaux de « la convention citoyenne sur la fin de vie ». Comme on ne peut pas, ainsi que l’a répété Macron dans son intervention, « baisser les pensions ni augmenter les cotisations », reste la solution qui n’est pas explicitement revendiquée mais qui est présente en filigrane de son allocution et qui consiste à diminuer artificiellement le nombre des retraités par l’euthanasie de masse, pudiquement rebaptisée droit de mourir dans la dignité. Il est d’ailleurs paradoxal que ce soient les retraités qui ont voté le plus fortement pour Macron, tant en 2017 qu’en 2022, alors même qu’il milite pour l’élimination du plus grand nombre d’entre eux. C’est sa réponse à ce qu’il appelle « le défi du vieillissement ».
Comme souvent dans ses interventions, Macron n’a pas peur de proférer les mensonges les plus éhontés. Ainsi il a osé vanter l’indépendance de notre pays qui ne veut dépendre « ni des forces de la spéculation, ni des puissances étrangères », lui, l’ancien banquier d’affaires aux ordres de David de Rothschild, lui, le sectateur exalté de l’Union européenne, lui, le zélé serviteur de l’OTAN dont il applique servilement les directives dans l’actuel conflit russo-ukrainien. Cela rappelle les discours de Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012 où il avait osé dire que son ennemi était la finance, alors qu’il a été aux ordres des marchés tout au long de son mandat.
Se faisant plus que jamais le chantre du cercle de la raison cher à Alain Minc, Macron a expliqué qu’il fallait à la fois refuser « l’immobilisme (de la gauche) et l’extrémisme (du Rassemblement national) », façon de délégitimer voire de diaboliser toutes les formes de contestation et d’opposition.

S’AGIT-IL d’une maladresse ou d’une stratégie délibérée ? Toujours est-il qu’Emmanuel Macron, en l’espace de quelques semaines seulement, par son comportement hautain et méprisant, a redonné vie, force et vigueur aux centrales syndicales, qui étaient jusque-là quasiment en état de mort clinique, et à la gauche et à l’extrême gauche qui profitent des manifestations contre la réforme des retraites pour faire reparler d’elles sur le terrain. Car s’il est vrai que le report de l’âge légal du départ à la retraite figurait bien à son programme présidentiel et législatif de 2022 (mais pas à celui de 2017, il disait même à cette époque qu’un report de l’âge de départ à la retraite ne se justifiait pas !), on ne laisse pas de s’étonner devant les maladresses — ou provocations ? — successives que l’Exécutif a multipliées ces derniers temps et qui ont eu pour conséquence d’exciter les antagonismes, d’aviver les tensions et de redynamiser un mouvement social qui avait pourtant tendance à s’essouffler.
En effet, alors que, de semaine en semaine, les cortèges et les grévistes étaient de moins en moins nombreux, il a réussi à doper, au moins temporairement, le courant de contestation en utilisant le 49-3 alors même que le gouvernement s’était publiquement engagé, à maintes reprises, à ne pas l’utiliser sur ce dossier bien que son emploi, rappelons-le, soit parfaitement légal et conforme à la Constitution, puis en manifestant ce qui est apparu comme une forme de mépris et de déni du réel, Macron osant par exemple affirmer, dans son interview télévisée du 22 mars lors des journaux de 13 heures sur TF1 et France 2 qu’on vivait mieux au SMIC sous sa présidence que sous celles de ses prédécesseurs. Puis, à peine le Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius, l’homme du sang contaminé, avait-il sans surprise donné son aval le 14 avril à la réforme des retraites, validant 30 articles sur 36, dont le report de deux ans de l’âge légal et l’augmentation des annuités requises pour bénéficier d’une pension à taux plein — mais qu’attendre d’un aéropage composé de politiciens professionnels nommés pour leur servilité et leur conformité à l’idéologie dominante par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale ? — que le chef de l’Etat s’empressait de promulguer la réforme publiée dans le Journal officiel dans la nuit du vendredi au samedi 15 avril.

ON A vraiment le sentiment que Macron, sachant qu’il ne sera plus jamais soumis au suffrage populaire puisqu’il ne peut légalement briguer un troisième quinquennat (même s’il démissionnait en cours de mandat, il ne pourrait pas se représenter à la magistrature suprême, la Constitution le lui interdisant), se croit tout permis. A l’issue de ses dix ans à l’Elysée, en mai 2027, il héritera certainement d’un poste prestigieux et rémunérateur à l’international, ou au niveau de l’Union européenne. Par conséquent, il n’a plus besoin de chercher à plaire, à conquérir les faveurs de l’opinion. Il applique dans toute sa rigueur, sans état d’âme, et même avec une certaine forme d’insolence et de cynisme, les directives de l’oligarchie mondiale, de la finance internationale. N’oublions pas qu’il avait osé dire publiquement, dans le cadre d’une interview à un grand quotidien national, qu’il avait la ferme volonté « d’emmerder » les Français qui refusaient de se faire vacciner ou qui étaient réticents à se faire injecter un produit expérimental sans qu’on ait le moindre recul sur le sujet. Ce qui soit dit en passant ne l’a nullement empêché d’être brillamment réélu avec plus de 58 % des suffrages le 24 avril 2022 il y a un an.
Qu’un chef de l’Etat ose parler ainsi de ses compatriotes et l’assume complètement (car ce n’était pas un dérapage, il s’agissait de propos délibérés, parfaitement réfléchis et revendiqués) en disait déjà long sur son mépris et sur son cynisme à l’égard du peuple français. Ce n’est certes pas une première, son prédécesseur François Hollande avait parlé méchamment de « sans dents » pour se moquer des Français pauvres, mais au moins l’avait-il fait uniquement en privé, même si c’est extrêmement choquant et très révélateur de ce que sont et de ce que valent les hommes qui nous dirigent. Quand on pense à l’amour, à l’affection, à la tendresse qu’éprouvait le maréchal Pétain à l’égard de ses compatriotes qu’il voulait protéger le mieux qu’il pouvait, un maréchal qui avait fait don de sa personne au pays dans une situation particulièrement tragique de notre histoire nationale et qui en a été récompensé de la façon que l’on sait, on mesure le gouffre qui sépare, à quelque quatre-vingts ans de distance, les chefs qui président à nos destinées.
Si l’attitude autocratique de Macron peut paraître à hauts risques au vu de l’exaspération d’une grande partie du pays à son égard, il n’est pas sûr, tout bien considéré, qu’il risque grand-chose. Les syndicats jouent en effet avec efficacité leur rôle d’opposition contrôlée. Ils aboient mais ne mordent pas, pas même au mollet. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a ainsi déclaré sur BFMTV, dès la fin de l’allocution télévisée du 17 avril, qu’il était prêt à répondre positivement à l’invitation de Macron à l’Elysée pour discuter des chantiers à venir, passé « un délai de décence » qui s’achève le 1er mai. Et on a en effet le sentiment que les syndicats veulent faire de la Fête nationale du travail dans quelques jours une sorte de baroud d’honneur. Ils ont déjà enregistré et intériorisé leur défaite, au moins au niveau des directions des centrales. Quant à la base, il est encore un peu tôt pour le dire. Mais il ne faut pas croire que l’impopularité, même très forte, d’un président l’empêche de rester durablement au pouvoir. Mitterrand était ainsi détesté au moment des manifestations géantes pour l’école libre en 1983-1984. Cela ne l’a pas empêché de rester 14 ans à l’Elysée. Il n’est pas certain que Macron, aussi haï soit-il, ne terminera pas son second quinquennat. De toute façon, si c’est pour avoir Edouard Philippe à sa place, comme c’est probable, on ne gagnera sans doute pas au change. Car Macron et Philippe, c’est bonnet rose et rose bonnet ! […]


RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

La Ligue des Droits de l’Homme est-elle condamnée à mort ?

La réaction du gouvernement était inattendue. Voilà qu’après le ministre de l’Intérieur, Gerald Darmanin, le Premier ministre Elisabeth Borne a épinglé l’association ô combien emblématique La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) quelques jours après l’affaire sanglante de Sainte-Soline. Là où s’était déroulée une manifestation (interdite) de militants écologistes et gauchistes opposés à la construction de seize méga bassines, devant servir de réserves d’eau pour l’agriculture locale (cruciales en cas de sécheresse pour 400 exploitations). Mais, comme souvent, à côté des manifestants plus ou moins radicaux, se trouvaient les agents des fameux Black Blocs, qui attaquèrent d’emblée les forces de l’ordre. Des violences qui engendrèrent une réaction vive des autorités : des policiers sous armure moderne déboulèrent sur des quads aux couleurs sahariennes avec fusils lbd, matraques, grenades de désencerclement, dans une scène apocalyptique digne de Mad Max. Les Black Blocs, eux, se sont vite volatilisés. Curieusement, depuis 20 ans, ils se volatilisent à chaque fois ; ils sont trop forts. En vingt ans, la journaillerie n’a pas été capable de fournir un nom, l’exposé d’un réseau alimentant ces terribles Black Blocs. Ils font le boulot, quoi, et ne sont pas payés pour qu’on s’immisce dans leur vie privée comme on le fait avec les méchants nationalistes et antisémites de l’espace !
Donc, encore une fois, pour la centième fois, les anonymes en noir ont joué avec le feu puis sont rentrés à la maison pour boire une bière devant un match de foot. Plus personne ne semble se poser des questions sur leur sujet. Ce sont des Black Blocs quoi, ils sont comme ça, les Black Blocs. Les naturistes se mettent tout nus, les Black Blocs cassent et brûlent. C’est comme ça, il ne faut pas chercher à comprendre leur dessein.
Toujours est-il qu’après le petite mise en jambes impulsée par les hommes en noir, une minorité de manifestants sincères, aussi agités puissent-ils être, reste sur le terrain des affrontements et essuie les tirs « d’auto-défense » de la police ou de la gendarmerie française. Une véritable démonstration de force qui n’incitera pas monsieur tout le monde à venir une prochaine fois protester contre les grosses bassines, même avec un tournesol en bandoulière. La réplique policière fut si rude qu’elle laissa sur le carreau plusieurs manifestants, dont certains alors grièvement blessés.

SECOURIR L’ENNEMI ?

Certaines personnes jouent avec le feu et se brûlent parfois. Ainsi, quand on prend hardiment parti pour une cause, on reçoit très souvent la monnaie de sa pièce de la part du camp que l’on combat, et quelquefois davantage. C’est la vie. Mais la vie, c’est aussi les principes. Et il me semble que la grande tradition chrétienne nous donne le devoir de secourir l’ennemi à terre, surtout lorsqu’il est très mal en point, à deux doigts de trépasser. Ce qui est surprenant, c’est que ce que l’on doit faire sur un champ de bataille n’a pas été autorisé à l’être sur les prés de Sainte-Soline. Les secours n’ont en effet pas été autorisés à intervenir pour prendre en charge rapidement un manifestant considéré par un médecin sur place comme étant dans un état critique. On doit cette information qu’il est difficile de nier grâce à un enregistrement téléphonique éloquent (un échange entre un médecin sur place sans moyen et le SAMU affirmant n’avoir pas la permission préfectorale pour intervenir) diffusé par la Ligue des Droits de l’Homme, dont 21 membres étaient sur place pendant l’événement, et relayé par le journal Le Monde que l’on ne peut suspecter d’anti-macronisme aigu.

LA DÉLOYAUTÉ DE LA LDH ?

Apparemment, le gouvernement n’a pas apprécié le zèle de la Ligue des Droits de l’Homme qui épingla la dureté d’un Etat terriblement inflexible, apparemment même envers les grands blessés. Cette affaire de Sainte-Soline expliquerait les menaces que font peser dorénavant Gérald Darmanin et Elisabeth Borne sur la LDH.
Le président actuel (depuis 2022) de la Ligue des Droits de l’homme, Patrick Baudouin, se dit révolté par ces menaces et le chantage aux subventions (qui représentent un tiers du budget de l’association) exercé par l’Etat. Selon Patrick Baudouin qui s’est livré dans Le Monde à travers une longue interview, le gouvernement actuel userait de violence pour ne pas être renversé. Cependant le pouvoir ne voudrait pas que cela se voie et souhaiterait donc casser les thermomètres mesurant cette violence, dont la Ligue des droits de l’Homme.
Nous n’avons pourtant pas l’impression, de notre côté, que le gouvernement utilise la violence par une nécessité défensive absolue, mais au contraire pour acclimater le peuple à une nouvelle manière de gouverner, pour l’habituer à une certaine brutalité, pour banaliser le sang, pour relativiser les coups, les injustices découlant d’une guerre ou d’une autre crise de haute intensité.
Disons-le tout net. Le pouvoir, loin de vouloir voiler la violence qu’il déploie, la met en avant, la décore, la rend toujours plus spectaculaire.
Pourquoi avoir interdit une manifestation à Sainte-Soline ? Pour protéger un trou ici ? Un terrain caillouteux plus loin ? Pourquoi avoir intronisé cette espèce de brigade de nouveaux voltigeurs qui tabassent tous azimuts des manifestants, parfois (en se trompant) des familles placides ? Pourquoi cette mise en scène, pourquoi si l’image de la répression gêne tant le pouvoir ? Pourquoi provoquer ce déluge de violences en un lieu où le pouvoir n’a strictement rien à craindre, ni en matière de biens ni en matière de personnes ? N’est-ce pas terriblement maladroit pour un gouvernement qui ferait tout pour cacher aux yeux du peuple (et du monde lit-on ici ou là) son côté répressif ?
Du reste, cette volonté du Système d’imprimer une violence bien sentie à l’encontre de l’opposition (de droite ou de gauche) n’est pas nouvelle. Elle a commencé à apparaître nettement dans sa “gestion” de la Manif pour tous, où les forces de l’ordre avaient visiblement reçu l’ordre d’user et d’abuser de gaz lacrymogène contre des familles françaises marchant placidement contre l’institutionnalisation de l’union des “couples” homosexuels.
Cette violence marquée et marquante n’était pas une parenthèse et ne s’exprimait pas sur la seule mouvance nationale et catholique. Nous l’avons bel et bien vu se déchaîner contre les Gilets jaunes, lors de manifestations plus “populaires” rassemblant des gens issus d’horizons politiques hétéroclites.
Nous pourrions exposer ici des dizaines d’exemples de zèle policier qui paraissent parfaitement incongrus à l’aune de la faible dangerosité ou de l’inexistante dangerosité des groupes neutralisés. Pensons à ces lycéens regroupés, agenouillés, les mains dans le dos, et surtout filmés… Quel message voulait-on faire passer ? Quant aux tirs LBD à la précision millimétrique qui ont provoqué des dizaines d’énucléation, comment les expliquer ?

LA VÉRITABLE RAISON DE L’ATTAQUE CONTRE LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME

Mais alors pour quelle raison la Ligue des Droits de l’Homme est-elle clairement dans le viseur du pouvoir ? Pourquoi est-elle ouvertement menacée si ce n’est à cause de l’exposition de la violence du pouvoir ?
Elisabeth Borne a déclaré à propos de la LDH qu’elle avait « beaucoup de respect pour ce qu’elle a incarné » avant de dire qu’elle ne comprenait plus « certaines de ses positions ». […]

François-Xavier ROCHETTE.