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Rivarol n°3565 du 10/5/2023 (Papier)

Editorial

Darmanin qui donne des leçons sur l’immigration,
c’est l’hôpital qui se moque de la charité !

A SA MANIÈRE, Gérald Moussa Darmanin n’y a pas été de main morte. Invité de l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC le 4 mai, le ministre de l’Intérieur a déclaré sans ménagement que le Premier ministre italien, Giorgia Meloni, est « incapable de gérer les problèmes migratoires ». Une formule évidemment blessante pour notre voisin qui a provoqué aussitôt une crise diplomatique entre l’Italie et la France, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, annulant dans la foulée sa visite prévue dans notre pays et déclarant que « les paroles prononcées par le ministre français de l’Intérieur sont inacceptables ». De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, manifestement embarrassé par la sortie de son collègue, a tenté d’apaiser la situation le jour même. « Le gouvernement français souhaite travailler avec l’Italie pour faire face au défi commun que représente la hausse rapide des flux migratoires », a annoncé le quai d’Orsay, en rappelant que la relation bilatérale était « fondée sur le respect mutuel, entre nos deux pays et entre leurs dirigeants », façon de prendre ses distances avec la Place Beauvau.
Il n’est pas inutile de préciser que Gérald Darmanin a lancé cette brouille diplomatique en réagissant à des propos du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, concernant la situation à la frontière franco-italienne et mettant ouvertement en cause la gestion des flux migratoires par les autorités françaises. « Madame Meloni, gouvernement d’extrême droite choisi par les amis de madame Le Pen, est incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue », a alors cinglé le ministre de l’Intérieur. « Oui, il y a un afflux de personnes migrantes et notamment de mineurs » dans le sud de la France, a certes reconnu Gérald Darmanin, qui en rejette la faute exclusive sur le voisin italien, façon facile mais peu honnête de se dédouaner : « La vérité, c’est qu’il y a en Tunisie une situation politique qui fait que beaucoup d’enfants, notamment, remontent par l’Italie et que l’Italie est incapable [...] de gérer cette pression migratoire », a-t-il insisté. Et d’ajouter : « Meloni, c’est comme Le Pen, elle se fait élire sur “vous allez voir ce que vous allez voir” et puis ce qu’on voit, c’est que ça [l’immigration] ne s’arrête pas et que ça s’amplifie ». Selon le ministère de l’Intérieur italien, plus de 36 000 personnes sont en effet arrivées par la Méditerranée en Italie cette année, contre environ 9 000 durant la même période en 2022. La situation est donc très alarmante.

DARMANIN est particulièrement mal placé pour dresser une telle accusation envers le gouvernement italien car notre pays est depuis fort longtemps en état d’invasion libre et la situation s’est encore considérablement aggravé ces dernières années. Qu’a fait Darmanin depuis qu’il est ministre de l’Intérieur (il l’est depuis le 6 juillet 2020, ce qui fait bientôt trois ans) et qu’a fait, qu’a tenté, qu’a mis en place Macron depuis son élection à l’Elysée en 2017, il y a désormais six ans, pour inverser, arrêter ou même simplement ralentir, freiner le courant de l’immigration ? Rien, absolument rien. C’est donc l’hôpital qui se moque de la charité. Cependant, même s’il est d’une singulière audace, qui est d’ailleurs typique du personnage qui se croit tout permis et ne recule devant rien pour se faire valoir et rejeter sur les autres ses propres turpitudes, et qu’il ferait évidemment mieux de balayer d’abord devant sa porte au vu de la situation de notre pays — l’humilité n’est pas son fort —, Darmanin n’a toutefois hélas pas complètement tort dans son analyse concernant le gouvernement italien en général et le Premier ministre Giorgia Meloni en particulier.
On ne peut en effet passer sous silence les récentes déclarations du ministre de l’Agriculture italien, Francesco Lollobrigida, qui a affirmé, en mars dernier, que le gouvernement de Meloni comptait faire entrer 500 000 migrants légaux en 2023 en Italie. Vous avez bien lu : 500 immigrés légaux supplémentaires en un an, sans bien sûr compter les clandestins. Aux ordres de la Commission de Bruxelles, le ministre italien a même expliqué, à l’occasion d’une conférence de presse au Parlement européen, que le gouvernement italien n’était pas « opposé à l’immigration » mais qu’il aspirait seulement à en gérer plus efficacement les flux, ce qui ne mange pas de pain. Pour Francesco Lollobrigida, il faut organiser de manière plus satisfaisante l’immigration légale « pour donner la possibilité à ceux qui viennent en Italie d’avoir une offre de travail décent ». C’est faire bien peu de cas de ses compatriotes victimes d’un chômage massif et d’une forte diminution de leur pouvoir d’achat. Le ministre italien est même allé plus loin en annonçant : « Cette année, nous travaillerons pour faire entrer légalement près de 500 000 immigrés, notamment en mettant en place des mécanismes bilatéraux ou multilatéraux avec d’autres nations. Nous avons accueilli plus que tout autre pays, nous continuerons à le faire. » Il a même osé ajouter que cette politique migratoire digne des pires gouvernements de gauche allait contraindre au silence ceux qui affirmaient que le nouveau gouvernement italien était opposé à toute forme d’immigration alors qu’il n’est en réalité opposé qu’aux flux illégaux.  On croirait entendre un dirigeant du parti socialiste ou de je ne sais quel parti social-démocrate européen !

A L’ANNONCE de la victoire de la coalition dirigée par Giorgia Meloni aux élections législatives italiennes, RIVAROL, contrairement à beaucoup d’autres publications et personnalités de la mouvance nationale, s’était montré extrêmement prudent et réservé, ne se faisant aucune illusion. Car l’expérience nous a appris que l’arrivée aux responsabilités de mouvements et de personnalités affublés de l’étiquette d’extrême droite n’était nullement une garantie de changement dans le bon sens, encore moins le prélude à un redressement ou à une renaissance nationale. Car les gouvernements nouvellement élus cherchent toujours à se respectabiliser, à se légitimer, à montrer à l’Union européenne et aux diverses instances internationales qu’ils sont responsables et pondérés, qu’ils n’entendent nullement apparaître comme des extrémistes et renverser la table. Moyennant quoi, ils trahissent sans vergogne leurs promesses et leur électorat, essentiellement populaire, qu’ils déçoivent et dont ils ne défendent nullement les intérêts et les aspirations. Et ce qui est vrai de l’immigration est également vrai de beaucoup d’autres domaines, comme la défense de la famille et de la vie ou l’abrogation des législations liberticides restreignant et brimant la liberté de recherche et d’expression.  
Disons-le franchement, il y a hélas fort à parier que si un gouvernement Le Pen ou Bardella se constituait demain ou après-demain en France, il ferait pour l’essentiel du Meloni. Voire peut-être pire encore, la police de la pensée étant plus redoutable encore de ce côté des Alpes et Marine Le Pen ayant donné encore plus de gages que Meloni depuis une vingtaine d’années qu’elle occupe le terrain politiquement et médiatiquement. C’est pourquoi, plutôt que d’attendre une nette amélioration de la situation d’élections générales (Maurras s’est assez moqué à son époque, et avec raison, du mythe de la « bonne élection » qui va tout arranger et sauver le pays !), il convient de ne pas être dupe et de réanimer d’abord, en nous et autour de nous, le sentiment national et de ne faire aucune concession au système qui nous détruit. En lui résistant en face.  Et en disant à temps et à contretemps la vérité, fût-elle risquée, sur tous les sujets. […]


RIVAROL, <jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

Le couronnement de Charles III

Le samedi 6 mai a eu lieu dans l’abbaye de Westminster, de 11 heures à 14 heures, le couronnement du roi Charles III. Il était déjà roi, de plein exercice, depuis la mort de sa mère Elisabeth II le 8 septembre 2022. Westminster, autrefois petite ville à l’Ouest de Londres, aujourd’hui un quartier central de la métropole britannique très étendue, est l’exact équivalent de Reims pour les rois d’Angleterre, avec un cérémonial copié dès le Moyen Age sur le cérémonial des rois de France. L’anglicanisme, la branche anglaise du protestantisme, imposé au XVIe siècle, a conservé un grand nombre de rites empruntés au catholicisme ; pour beaucoup, ils ont été en fait plutôt restaurés au XIXe siècle. Cette cérémonie s’avère rare, la précédente remontant à la reine Elisabeth, la défunte mère de Charles III, en 1953.
Le terme de “couronnement”, que nous reprenons, a été préféré par les Britanniques eux-mêmes, à celui de “sacre” ; la première action est avant tout politique, une succession institutionnelle accompagnée d’une bénédiction du clergé anglican, le second aurait des consonnances très religieuses. Charles III, chef de l’Eglise anglicane, croirait en Dieu, ce qui n’est plus si évident à notre époque, mais un Dieu qui accueillerait les fidèles de tous les cultes, absolument tous, et d’ailleurs également ceux d’aucun culte, sans aucune “discrimination”, en son paradis. C’est prêter à la Divinité des idées humaines à la mode et ne correspondant pas à l’enseignement explicite des Evangiles, ni aux traditions catholiques ou même anglicanes d’avant 1970 et un demi-siècle de naufrage progressiste toujours plus avancé de la communion anglicane. Le haut-clergé qui a officié a respecté dans l’ensemble une certaine allure, rappelant quelque peu les plus belles heures du Moyen-Age chrétien européen ; certes, parmi les assistants, on a retrouvé l’inévitable présence de prêtresses de couleur, de crainte de ne pas respecter les quotas de rigueur ; mais il ne s’est agi que d’un deuxième plan, ce qui a d’ailleurs suffi à faire hurler les indignés gauchistes permanents à la « dictature oppressive blanche » et autres billevesées…
En apparence, cette cérémonie est restée dans l’ensemble fidèle à l’original, ou du moins à sa reconstitution au XIXe siècle. Le sacre de la reine Victoria (1837-1901), le modèle direct, avait, en son temps, le 28 juin 1838, particulièrement marqué les esprits. Elle a été empreinte de dignité, de majesté, on remarquera la beauté des chants liturgiques anglais, souvent en latin. On déplorera seulement une “modernisation” souhaitée explicitement par Charles III, heureusement superficielle, quelques minutes sur les 2 heures 15. Il n’était pas opportun d’emprunter aux registres des chants gospels, typiques des temples protestants noirs du Sud des Etats-Unis, donc sans aucun lien avec l’Histoire, même coloniale, du Royaume-Uni, ou, beaucoup plus grave dans le fond, d’ajouter des prières interreligieuses dans la liturgie et qui faussent le sens même de cette cérémonie. Des invocations hindouistes ou musulmanes n’avaient rien à y faire. Les grands dignitaires du royaume devaient défiler traditionnellement pour prêter hommage, comme au XIIe siècle, au nouveau roi ; il est regrettable que l’esprit démocratique du temps, allergique à toute forme de haute noblesse héréditaire, ou à ce qui pourrait en tenir lieu, ait réduit cette partie de la cérémonie à la prestation de serment d’un seul personnage, certes le premier après le roi Charles III, son fils aîné et héritier, le prince Guillaume (William).
La cérémonie du couronnement de Charles III a connu une diffusion mondiale en direct, en Grande-Bretagne comme dans la plupart des pays du monde. 14 à 19 millions de téléspectateurs de la BBC ont suivi la retransmission. La différence de mesure s’explique par le fait que tous n’ont pas regardé la totalité de la cérémonie. C’est beaucoup en soi, mais deux fois moins que les 28 millions pour l’enterrement de la reine Elizabeth II ; cela se conçoit pourtant facilement, car la reine, morte nonagénaire, dotée d’un bon sens du contact, avait été pour ses sujets comme une mère et une grand-mère pour tous. Le couronnement d’Elizabeth II en 1953 avait été un événement pionnier de la télévision, mais regardé encore par peu de monde, faute de téléviseurs, encore un objet nouveau et de luxe au début des années 1950 en Europe.
Le Premier ministre britannique Sunak, évidemment présent, bien qu’hindouiste pratiquant, a lu l’épître. Les médias français ont surexposé les rares républicains britanniques, et leur argumentaire faux sur le coût de la monarchie : elle rapporte au pays bien plus qu’elle ne coûte au contribuable, non seulement sur le plan strictement financier, avec un tourisme lié à cette monarchie vivante, mais aussi en terme d’image de marque sur le plan international. Pour des pays très comparables, pour le meilleur et pour le pire, de la désindustrialisation au Grand Remplacement, la monarchie britannique reste objectivement un atout pour nos voisins.
Le carrosse royal, d’ailleurs une œuvre exceptionnelle commandée par Georges III (1760-1820), a été acclamé par des foules considérables tout au long du trajet, à l’aller comme au retour. La famille royale, avec le roi Charles et la reine Camilla au centre, et, en évidence à leur droite, place d’honneur, le prince et la princesse de Galles, ont salué le public sur le célèbre grand balcon de la façade de Buckingham Palace. Dans la soirée, et les jours suivants, ont eu lieu des réjouissances populaires organisées, mais dont il n’y a pas à douter de la sincérité, avec des concerts et des banquets collectifs.

UNE CÉRÉMONIE TRÈS SUIVIE

En France, ce couronnement de Charles III a été suivi par 9 millions de téléspectateurs, un excellent score pour une cérémonie étrangère.  Les chaînes de télévision française, privées, comme publiques, ont fait preuve d’une schizophrénie formidable sur le sujet, alternant belles images, commentaires didactiques précis et justes, le plus souvent, et bouffées délirantes d’imprécations hostiles républicaines, pour le moins hors de saison. Beaucoup ont diffusé la cérémonie en intégralité, répondant pour une fois à une demande indiscutable d’une part du public français. Beaucoup de gens très simples apprécient vraiment les cérémonies de la monarchie britannique, les mariages, les enterrements, ou, événement rare, et à ce titre historique, le couronnement. Il y a manifestement un vrai manque en France. La prétendue « monarchie républicaine » a été incapable de se substituer aux fastes naturels à la monarchie, et les personnages qui l’incarnent ne suscitent aucune sympathie des foules. Le roi Charles III bénéficierait d’un taux de popularité de 60 %, soit certes moins que sa mère, mais un sommet inespéré après les déceptions populaires de son divorce et son remariage dans les années 1990, et dans le cadre de feuilletons lamentables bien connus.
La monarchie britannique a permis de conserver un lien fort avec les anciennes colonies blanches, devenues “dominions” entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe siècle, soit le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. Charles III est toujours roi de ces territoires, et est représenté sur place par un gouverneur ; ce règne est encore plus réduit à des symboles qu’au Royaume-Uni, mais enfin ces symboles définissent une forme de rayonnement. Tous les Premiers ministres des dominions sont présents dans les premiers rangs au couronnement de leur monarque.
Figurent aussi en bonne place les pays du “Commonwealth”, qu’ils aient conservé le roi de Grande-Bretagne comme chef de l’Etat, ou qu’ils soient devenus des républiques, tout en demeurant en son sein, comme à peu près toutes les anciennes colonies britanniques des Antilles, d’Afrique, de l’Océan Pacifique. Le “Commonwealth” est une réalité unique, impossible à traduire au sens strict ; un des sens du mot est “république”, et il y a eu en ce sens un “commonwealth” ou république de Cromwell en 1650 ; mais il s’agit ici d’une dimension plus étymologique, soit la « recherche du bien commun ». […]

Scipion de SALM.