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Rivarol n°3593-3594 du 20/12/2023 (Papier)

Editorial

Bergoglio autorise la bénédiction des couples d’invertis, Macron ouvre la voie à l’euthanasie !

A QUELQUES JOURS DE NOËL, les démons se déchaînent. Ce lundi 18 décembre, une semaine jour pour jour avant la Nativité, les intrus du Vatican ont décidé d’autoriser la bénédiction religieuse de « couples du même sexe » et de « couples en situation irrégulière » (concubins, pacsés, divorcés remariés). De sorte que le Figaro, quotidien pourtant officiellement conservateur, peut écrire sans aucune réserve : « Pour la première fois de son histoire, l’Eglise catholique donne son feu vert aux bénédictions de couples homosexuels. Elle l’a annoncé ce lundi 18 décembre via un document officiel, signé par le nouveau préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Mgr Victor Manuel Fernandez. Dans une déclaration intitulée « Fiducia supplicans », « soumise au Saint-Père, qui l’a approuvée  , il est écrit qu’« il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe » mais « sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales ». Et ce, afin « de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage ». On voit là toute l’hypocrisie de Bergoglio — qui a déjà donné son accord pour que l’on baptise des personnes transgenre et que des transsexuels non repentis puissent être témoin de mariage et parrain ou marraine de baptême — car il est dit dans le document officiel qu’il ne s’agit pas d’un mariage, à proprement parler, mais cela y ressemble étrangement. C’est une forme de bénédiction nuptiale, non ritualisée et formalisée. Mais il y aura bien une cérémonie religieuse à l’église, même si les modalités pratiques sont laissés au libre choix du célébrant qui pourra improviser, faire ce que bon lui semble, l’essentiel étant bien sûr de se montrer inclusif.
Voilà le premier résultat concret, tangible du récent synode sur « l’avenir de l’Eglise » qui s’est achevé fin octobre. Beaucoup pensaient que Bergoglio, que l’on dit très affaibli et qui a soufflé péniblement ses 87 bougies le 17 décembre, attendrait la seconde session de ce synode, prévu en octobre 2024, pour statuer. Il a pris tout le monde de court, ou presque, imposant sa décision quelques jours seulement avant la grande fête de Noël. Difficile d’aller plus loin dans le scandale, l’immoralité et l’impiété. Cette décision, malgré les quelques précautions hypocrites prises dans le document “romain” pour ne pas s’aliéner totalement les milieux conservateurs et surtout pour faire passer la pilule (c’est presque toujours ainsi que la révolution avance, par paliers successifs, selon la technique du salami ou du voleur chinois) est dans les faits une légitimation morale et religieuse de l’adultère, de la fornication (pour les « couples irréguliers ») et, bien plus gravement encore, des unions homosexuelles, tant pédérastiques que saphiques.

C’EST UN NOUVEAU CHANGEMENT à 180 degrés dans la ligne des bouleversements inouïs, sur le plan doctrinal, liturgique, disciplinaire, moral, pastoral, que nous connaissons en permanence depuis Jean XXIII et Vatican II. La Bible, tant l’Ancien que le Nouveau Testament, condamne pourtant, de manière explicite, sans aucune ambiguïté, l’homosexualité et n’aborde même pas la question des “mariages” d’invertis tant cette question était jusqu’il y a peu impensable. Tous les catéchismes ont pareillement toujours condamné « le péché contre l’ordre de la nature », ainsi que l’appelle le Catéchisme de Saint Pie X qui le qualifie même de « crime qui crie vengeance de Dieu » au même titre que l’homicide volontaire, l’oppression des pauvres et le refus de salaire aux ouvriers. Au-delà du christianisme, toutes les grandes religions, la plupart des civilisations, des philosophies et des spiritualités ont toujours porté un jugement très sévère sur ce que l’on appelait naguère le vice italien et ont toujours été opposées à la légitimation publique de ces pratiques déviantes.
Ce qui vient de se passer est donc tout sauf anodin. C’est un tremblement de terre, un séisme qui montre à quel point nous vivons des temps véritablement apocalyptiques, antéchristiques et eschatologiques. Qu’un homme en blanc qui se fait passer aux yeux du monde pour le vicaire du Christ puisse donner sa bénédiction à une telle ignominie prouve que notre monde est devenu un chaudron infernal. Comment peut-on bénir le mal, le péché, le désordre ? C’est impossible. C’est tout le contraire du message de Noël. L’infiniment grand s’est fait infiniment petit, Dieu s’est fait homme, le Verbe s’est fait chair, comme on le chante dans le magnifique cantique Minuit chrétiens « pour effacer la tache originelle et de son Père arrêter le courroux ». La Seconde Personne de la Trinité, par son Incarnation, s’est unie à notre nature humaine (tout en gardant pleinement sa nature divine), s’est abaissée jusqu’à nous pour réparer le péché d’Adam et tous ceux commis depuis par les hommes. C’est la preuve de l’extrême gravité du mal aux yeux de Dieu. Le Père a sacrifié son propre Fils tant le péché lui fait horreur. Si le Christ est né dans une étable et est mort sur la Croix de manière ignominieuse au milieu de larrons, c’est, selon la doctrine chrétienne, pour réparer le mal commis par l’homme (et tout particulièrement par Adam qui a commis un péché de nature) en désobéissant à Dieu. L’Incarnation du Verbe témoigne tout à la fois de l’amour infini, inouï, renversant, stupéfiant de Dieu pour l’homme, fût-il pécheur, mais aussi, et on oublie souvent de nos jours cet aspect essentiel, l’exceptionnelle gravité du mal. Seul un Dieu se faisant homme pouvait réparer, effacer le péché adamique. Il fallait que ce fût un homme pleinement homme qui réparât la faute commise par le premier homme. Et il fallait que ce fût un Dieu pleinement Dieu qui effaçât l’offense inouïe faite à Dieu, ce que ne pouvait pas faire un simple humain. Telle est la théologie catholique la plus traditionnelle et la plus fondamentale.
C’est le cœur du mystère de l’Incarnation et de la Rédemption : le Dieu fait homme vient effacer la tache originelle et ouvrir à nouveau le Ciel qui était fermé depuis la chute pourvu que l’on fasse la Volonté divine, que l’on manifeste par sa foi et ses œuvres son incorporation au Christ. Par conséquent, promouvoir le péché, légitimer le mal, vouloir lui donner une forme de bénédiction de nature religieuse, cultuelle dans une église qui est la maison de Dieu est une infamie. C’est un acte proprement satanique. Et il faut avoir perdu tout sens moral pour ne pas le voir et ne pas en être indigné, scandalisé, effrayé. Qu’on ne nous fasse pas croire que Bergoglio et ses acolytes ont la foi et craignent Dieu, la crainte de Dieu étant le commencement de la sagesse dit l’Ecriture et elle est l’un des sept dons du Saint-Esprit. Ce sont des suppôts de l’Enfer qui doivent être désignés et traités comme tels et avec lesquels aucune collaboration n’est possible et auxquels a fortiori il est impossible de se soumettre en quoi que ce soit, si peu que ce soit.

CE MÊME 18 DÉCEMBRE se tenait au ministère de la Santé une réunion avec des soignants pour évoquer le projet de loi pudiquement baptisé « sur la fin de vie ». Ce projet qui dépénalise l’euthanasie et le suicide assisté doit être présenté en Conseil des ministres en février 2024. Rédigé sous la houlette du ministre aux Professions de santé, Madame Agnès Firmin Le Bodo, ce document de 35 pages, qui se décline en 21 articles, propose un texte en trois parties : les soins d’accompagnement, les droits des patients et l’aide à mourir, expression retenue pour qualifier la nouvelle possibilité de mettre un terme à son existence. Ce qui est appelé pudiquement « l’aide à mourir » serait inscrit dans l’article L 110-5 du Code de la Santé. L’aide à mourir serait réservée aux Français majeurs, atteints d’une « affection grave et incurable qui engage son pronostic vital à court ou moyen terme » (avec une fourchette de « 6 à 12 mois » selon ce document) ou présentant une « souffrance physique réfractaire ou insupportable » liée à leur maladie. Ces critères excluent pour le moment (mais n’ayons aucune illusion, ça viendra) les souffrances « exclusivement liées à des troubles psychiques ou psychologiques ». L’adverbe “exclusivement” n’est à cet égard pas particulièrement rassurant.
L’aide à mourir — qui consiste « en l’administration d’une substance létale » — serait « par principe » effectuée « par la personne elle-même ». Mais «  un médecin, un infirmier » pourraient intervenir lorsque le malade « n’est pas en mesure physiquement d’y procéder », indique le document. Une autre possibilité évoquée fait encore davantage froid dans le dos. L’avant-projet suggère en effet que ce rôle puisse être endossé par un proche. Par exemple pour « amener le verre et faire boire à la personne la substance létale...». Le catéchisme enseigne qu’il faut honorer et assister ses parents dans leurs vieux jours. Là, il faut leur apporter la substance létale dans un verre. Peut-on aller plus loin dans l’horreur et la barbarie ordinaires ? Jusque-là on tendait un verre pour qu’une personne se désaltère, se sente mieux, là la boisson servira à la tuer, et c’est un proche, un enfant, un époux, un frère, une sœur, un cousin qui endossera ce rôle et cette responsabilité. Quel cauchemar éveillé !

DE MÊME que Bergoglio se garde bien d’évoquer le mot de mariage pour la bénédiction religieuse des accouplements sodomites et saphiques, l’avant-projet de loi sur l’euthanasie ouvre la porte au suicide assisté et à l’euthanasie, mais sans jamais utiliser ces termes. On tue, mais on le fait de manière hypocrite, déguisée. Le modèle travaillé par Agnès Firmin Le Bodo prévoit que le suicide assisté ait obligatoirement lieu en présence d’un soignant. Une modalité qui se rapproche du modèle belge car le patient serait obligé de programmer à l’avance la date et l’heure de sa mort afin de s’assurer de la présence d’un médecin ou d’une infirmière. Le Figaro explique que « ce déroulé est donc différent de l’assistance au suicide pratiquée dans l’Oregon, “modèle” pourtant vanté par la ministre aux Professions de santé car il laisse une grande part au libre arbitre du patient. Dans cet État américain, les patients qui obtiennent une “kill pill” sur ordonnance peuvent choisir de l’ingérer à tout moment, sans accompagnement médical, et un grand nombre d’entre eux y renoncent. » Pour que les patients ne renoncent pas facilement à se donner la mort, le gouvernement français a tout prévu : un soignant doit être obligatoirement présent. Et le “soignant” (qui ne soigne pas mais tue) décidera tout seul. « Il ne s’agit pas d’une décision collégiale, mais bien d’une décision prise par le médecin », souligne le document. Un médecin ou un infirmier devrait obligatoirement être présent avant le geste final pour préparer le produit létal ou installer la perfusion si besoin. Il ne serait pas tenu « d’être dans la même pièce » aux derniers instants. Mais, attention, ce “soignant” (qui en fait donne la mort, on vit dans un mode orwellien) devrait néanmoins rester sur place pour pouvoir «intervenir en cas d’incident lors de l’administration ». Le gouvernement a tout prévu !
L’avant-projet de loi évoque également un tout nouveau concept, celui du « secourisme à l’envers » (sic !) pour pouvoir « hâter le décès en limitant les souffrances ». Quelle immonde tartuferie ! Une inversion de la mission de soins qui n’étonne guère dans un monde qui repose sur l’inversion dans tous les domaines : moral, sexuel, religieux. Après le décès, le médecin ou l’infirmier devrait enfin enregistrer la procédure dans un système d’information pour qu’elle puisse être tracée par une « commission d’évaluation et de contrôle du dispositif d’aide à mourir ». La technocratie a, on le voit, toute sa place dans ce commerce de la mort volontaire. Et naturellement ce suicide assisté sera pris en charge par l’assurance maladie. Cet acte ferait ainsi son entrée dans le Code de la sécurité sociale pour pouvoir être remboursé. En revanche, le projet de loi ne prévoit pas de modifier le Code Pénal qui définit le meurtre et l’assassinat. On se demande pourquoi car c’est bien d’une forme d’homicide qu’il s’agit.
Les tenants de la culture de mort ont tout prévu : alors que les gériatres et les soignants en Ehpad se sont montrés particulièrement inquiets par la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté, le document gouvernemental prévoit qu’une hospitalisation ou un hébergement dans un Ehpad, « ne peut pas faire obstacle à l’accès d’une personne malade à l’aide à mourir ». Si les professionnels de santé de ces lieux ne souhaitent pas y participer, le responsable de l’établissement serait tenu de permettre une intervention extérieure. Même la situation des malades incarcérés a été anticipée, les pouvoirs publics pensent décidément à tout ! Les détenus devraient pouvoir accéder au suicide assisté « en dehors des établissements pénitentiaires », quitte, tenez-vous bien, à porter un bracelet anti-rapprochement s’ils ont été condamnés pour des infractions de nature conjugale ! Non, on ne rit pas ! Dans quel monde allons-nous devoir vivre (ou survivre) ?

TOUT À SA FRÉNÉSIE mortifère, le gouvernement Borne a par ailleurs présenté le 12 décembre en Conseil des ministres le projet de loi inscrivant « le droit à l’avortement » dans la Constitution. Selon une source parlementaire, ce projet de loi a été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour le mercredi 24 janvier. Après l’examen à l’Assemblée nationale et au Sénat, la formulation devra encore être avalisée par 3/5e des députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles, ce qui ne sera hélas qu’une simple formalité, les opposants à cette initiative monstrueuse se comptant sur les doigts de la main. Rappelons que l’avortement est une boucherie.
Puisqu’il est autorisé en France désormais jusqu’à 14 semaines de grossesse, cela implique de fracasser le crâne du bébé, avant de l’aspirer et de le jeter à la poubelle tel un mouchoir usagé. C’est ce crime abominable qui va être gravé dans le marbre constitutionnel comme s’il s’agissait d’une liberté fondamentale, d’un droit inaliénable, d’une conquête fantastique, d’une avancée considérable. Alors qu’il s’agit en réalité d’une monstruosité sans nom, d’une négation de la civilisation, de la vie, de la morale, de la famille, du bon sens.

SI ON AJOUTE à tout ce tableau déjà apocalyptique les horreurs qui se commettent jour et nuit à Gaza où des civils innocents sont massacrés, affamés, assoiffés, privés de soin, privés de tout, dans l’indifférence générale, par l’armée sioniste, la plus morale du monde selon Meyer Habib, en réalité la plus criminelle et la plus inhumaine, il y a de quoi être effrayé. Jamais le mal n’a peut-être été aussi profond, aussi étendu, aussi intense qu’aujourd’hui. On dit que les derniers temps seront marqués par un grand refroidissement de la charité. Et c’est ce que nous voyons partout actuellement. On en est jusqu’à essayer de déraciner du cœur de l’enfant, dès le plus jeune âge, le sens du bien et du mal. Tout est inversé. C’est Satan qui mène le bal. Et l’année qui va bientôt commencer s’annonce terrible avec la constitutionnalisation de l’avortement, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, le massacre de masse qui continue à Gaza, les horreurs liées à une immigration incontrôlée et favorisée par tous les moyens dans notre pays — malgré les gesticulations parlementaires actuelles entre la fausse droite et la Macronie sur un projet de loi Darmanin qui ne changera strictement rien à la submersion que nous subissons —, et la répression qui ne cesse de s’aggraver avec la multiplication des interdictions, des dissolutions, avec le règne de la guillotine judiciaire, les comparutions immédiates et les jugements expéditifs pour sanctionner de prétendus « crimes de haine ».
Mais, aussi noir que soit le présent, aussi angoissant que soit l’avenir, au milieu des ténèbres actuelles et des ruines qui partout s’accumulent, conservons à la plus fine pointe de l’âme, grâce à la méditation du mystère de Noël, ce Dieu qui s’incarne et nous rouvre le Ciel tant il nous aime, la paix et la joie. Non pas la paix de Pilate qui refuse de combattre les injustices et les ignominies et qui n’est au final que compromission, égoïsme, faiblesse et lâcheté. Mais celle de l’Auteur de la Vie, du Prince de la Paix. Celle du risque pris, du devoir accompli, de la bonne conscience, de la fidélité aux principes, du courage en action, du combat contre toutes les formes de mensonge, d’imposture et d’injustice, de l’amour vécu et partagé, de la vie qui se donne et se sacrifie. Et faisons enfin grandir en nous la joie, pas celle, factice, trompeuse et éphémère du monde, qui débouche toujours sur la tristesse, la dissipation et la désillusion, mais cette joie chrétienne, pleine de confiance et d’abandon, simple et profonde, qui apaise et guérit, comble et irradie, vivifie et fortifie, calme et rassasie, et que rien ni personne ne pourra nous enlever. Joyeuses et saintes fêtes de Noël à tous !  […]

RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

L’épuration ethnique de la Palestine depuis 1948

Le monde semble découvrir aujourd’hui le vrai visage d’Israël à l’occasion du massacre et de l’épuration ethnique qu’il opère à Gaza. Le projet de déplacement de la population gazaouie vers le Sinaï égyptien apparaît comme une nouveauté. C’est la première fois que des autorités officielles, notamment de l’ONU, qualifient les actions d’Israël comme une « épuration ethnique » et un “génocide”. Or, l’État hébreu met en œuvre cette épuration ethnique depuis 1948.

L’ÉPURATION ETHNIQUE : UN FONDEMENT IDÉOLOGIQUE DU SIONISME

L’épuration ethnique en Palestine planifiée, organisée et exécutée par les sionistes n’est pas un projet qui a émergé dans leur esprit en 1947/48. L’épuration ethnique est un fondement du sionisme puisque celui-ci a pour finalité, depuis son origine, l’établissement d’un État exclusivement juif. Et ce projet sioniste n’est pas autre chose que la forme laïcisée du sionisme religieux.
Moïse Maïmonide (1135-1204) — une des plus importantes autorités religieuses de l’histoire juive et auteur du premier code de la loi talmudique, la Mishneh Torah, laquelle demeure d’une importance fondamentale au sein du judaïsme contemporain — écrivait que, le jour venu, il faudrait exterminer tous les habitants de la Terre promise ; le commandement : « Ne laisser survivre aucun Cananéen », dit-il, est « valable en tout temps ».
L’intellectuel israélien, Israel Shahak (1933-2001), rapporte que, selon la loi, « le juif qui tue délibérément un gentil n’est coupable que d’un péché contre les lois du Ciel, non punissable par un tribunal (cf. Maïmonide). Quant à la cause indirecte de la mort d’un gentil, ce n’est pas un péché du tout ».
Ces deux dernières règles s’appliquent même si la victime est ger toshav, c’est-à-dire un « étranger résident » qui s’est engagé, devant trois témoins juifs, à observer les « sept préceptes noachiques » (les commandements donnés à Noé qui, selon le Talmud, concernent les non-juifs).
Ainsi, l’un des plus importants commentateurs du Shulhan ‘Arukh (abrégé de la loi talmudique faisant le plus autorité, qui fut rédigé par Joseph Caro à la fin du XVIe siècle) explique que s’agissant d’un non-juif, « l’on ne doit pas lever la main pour lui nuire, mais on peut lui nuire indirectement, par exemple en enlevant une échelle quand il est tombé dans un trou… il n’y a pas d’interdiction ici, puisque ce n’a pas été fait directement ». Toutefois, ce commentateur insiste sur le fait qu’un acte provoquant indirectement la mort d’un gentil (goy) est interdit, si cela risque de répandre l’hostilité envers les juifs.
Ces lois ont évidemment une influence sur la politique de l’État hébreu. Si le code pénal israélien ne fait aucune distinction entre juif et non-juif, les rabbins orthodoxes la font, et s’inspirent de la Halakhah (loi juive) pour conseiller leurs fidèles, et notamment ceux qui servent dans l’armée. L’interdiction de tuer un non-juif délibérément ne s’applique qu’aux « non-juifs avec qui nous (juifs) ne sommes pas en guerre » ; de nombreux commentateurs rabbiniques du passé sont donc arrivés à la conclusion qu’en temps de guerre, tous les non-juifs appartenant à une population ennemie peuvent, ou même doivent, être tués. Un des principaux commentateurs du Shulhan ‘Arukh, Rabbi Shabbatay Kohen (milieu du XVIIe siècle), explique :
« Mais en temps de guerre la coutume était de les tuer de sa propre main, car il est dit : Le meilleur des goyim (gentils) — tuez-le ! ».
Revenons à l’époque contemporaine. En 1917, l’un des penseurs les plus libéraux du sionisme, Leo Motzkin, écrit : « Nous pensons que la colonisation de la Palestine doit aller dans deux directions : installation des Juifs en Eretz Israël et réinstallation des Arabes d’Eretz Israël en dehors du pays. Le transfert de tant d’Arabes peut paraître, à première vue, économiquement inacceptable. Mais c’est faisable. Réinstaller un village palestinien sur d’autres terres n’est pas si coûteux. »
Le sionisme, dans sa tendance socialiste, n’était qu’un habillage de son essence judaïque. En effet, c’est le mouvement ouvrier qui a conçu et mis en œuvre le nettoyage ethnique de la Palestine.

LE CONTEXTE DES ANNÉES 1920/1930

À la fin des années 1920, les sionistes avaient déjà tué des centaines de Palestiniens. À cette époque, les Palestiniens représentaient 80 à 90 % de la population. La Palestine était alors, jusqu’en 1928, traitée par Londres comme un État dans sa sphère d’influence, et non comme une colonie. Les Britanniques ont essayé de mettre en place une structure politique où les deux communautés seraient représentées sur un pied d’égalité au Parlement et au gouvernement. En pratique, quand l’offre a été faite, elle était moins équitable ; elle était avantageuse pour les colonies sionistes et défavorable à la majorité palestinienne. Au sein du nouveau Conseil législatif proposé, la balance pencherait en faveur de la communauté juive, qui devait s’allier à des membres nommés par l’administration britannique.
Le soulèvement des Palestiniens en 1929 a été « le résultat direct du refus des Britanniques de tenir au moins leur promesse de parité, après la renonciation des Palestiniens au principe démocratique de la majorité », que la Grande-Bretagne avait ardemment préconisé comme base des discussions dans tous les autres États arabes de sa sphère d’influence.
« Après le soulèvement de 1929, le gouvernement travailliste de Londres parut enclin à satisfaire les revendications palestiniennes, mais le lobby sioniste réussit à le remettre sur des rails confortablement balfouriens. Cela rendait une nouvelle insurrection inévitable. Elle éclata en 1936, sous la forme d’une révolte populaire : les rebelles se battirent avec une telle détermination qu’ils obligèrent la Grande-Bretagne à cantonner davantage de troupes en Palestine que dans le sous-continent indien. »
Les Britanniques firent preuve d’une grande brutalité, et brisèrent la révolte au bout de trois ans. La direction palestinienne fut exilée, leurs unités paramilitaires qui combattaient le mandataire dissoutes. Cela a beaucoup facilité la tâche aux forces juives en 1947 dans les campagnes de Palestine.
Les dirigeants sionistes voulaient la création d’un État exclusivement juif, mais acceptèrent tactiquement le partage de la Palestine en deux États que proposait la Commission Peel en 1937. Lorsque les sionistes acceptèrent le partage prévu par la commission Peel de 1937 et celui de l’ONU en 1947, ce n’était pour eux qu’une manœuvre tactique, une étape menant vers le Grand Israël, aux frontières bibliques, du Nil à l’Euphrate (Genèse 15, 18).
Ainsi, en 1937, David Ben Gourion déclara : « Après la formation d’une grande armée suite à la création de l’État, nous abolirons le partage et nous occuperons toute la Palestine ». La même année, il dit à son fils : « Érigeons un Etat juif sur-le-champ, même si ce n’est pas sur tout le territoire. Le reste nous reviendra avec le temps. Il le faut ».
Le 13 mai 1947, un an avant la création de l’État d’Israël, Ben Gourion déclara devant l’Agence juive aux États-Unis : « Nous voulons la terre d’Israël dans sa totalité. C’était l’intention de départ ».
Une semaine plus tard, devant l’Assemblée élue à Jérusalem, il dit : « Y-a-t-il une personne parmi nous qui ne soit pas d’accord avec le fait que l’intention première de la Déclaration Balfour et du mandat sur la Palestine, et l’intention première des espoirs nourris par des générations de Juifs, était de créer un État juif sur la totalité de la Terre d’Israël ? »
Le mandataire britannique avait permis au Foyer national juif de s’octroyer une enclave indépendante en Palestine comme infrastructure d’un futur État, et, à la fin des années 1930, les dirigeants sionistes ont élaboré les plans pour la fondation de leur État exclusivement juif. Parmi leurs préparatifs, dans l’éventualité d’une conquête du pays par la force, s’il n’est pas obtenu par la diplomatie, il y avait la construction d’une organisation militaire efficace — avec l’aide d’officiers britanniques sympathisants — et la recherche de vastes ressources financières (pour lesquelles ils pouvaient solliciter la diaspora juive) ; et la création d’un corps diplomatique embryonnaire dans le but d’obtenir par la force un État juif en Palestine.
Orde Charles Wingate, un officier britannique (muté en Palestine en 1936), sympathisant sioniste ayant reçu une éducation religieuse, va jouer un rôle relativement important dans la planification de l’épuration ethnique en Palestine. Il a contribué à faire comprendre aux dirigeants sionistes que l’idée d’un État juif devait être étroitement liée au militarisme et à une armée, d’abord pour protéger les enclaves et colonies juives qui se multipliaient dans la Palestine intérieure, mais aussi — c’est le point crucial — parce que les actes d’agression armée étaient un moyen de dissuasion efficace contre une possible résistance des Palestiniens locaux. « À partir de là, le cheminement vers le projet de transfert forcé de toute la population indigène allait se révéler très court ».
Orde Charles Wingate enseigna aux milices sionistes des tactiques de combat et des méthodes de représailles plus efficaces contre la population locale. C’est lui qui transforma la Haganah pour en faire « le bras armé de l’Agence juive, l’organisation dirigeante du sionisme en Palestine, qui a fini par élaborer puis mettre en œuvre des plans pour la conquête militaire de l’ensemble de la Palestine et le nettoyage ethnique de sa population indigène ».
La révolte arabe de 1936 a donné l’occasion à la Haganah de mettre en pratique dans les campagnes palestiniennes les tactiques militaires de Wingate. La Haganah est devenue l’auxiliaire des forces britanniques. En juin 1938, une unité de la Haganah et une compagnie britannique ont attaqué ensemble un village sur l’actuelle frontière israélo-libanaise et l’ont tenu pendant quelques heures.
Amatziya Cohen, l’un des membres de cette unité, s’est souvenu du sergent britannique qui leur avait montré comment on utilise une baïonnette pour attaquer des villageois sans défense : « Je crois que vous êtes tous ignares dans votre Ramat Yochanan [la base d’entraînement de la Haganah] ! Vous ignorez même l’usage élémentaire d’une baïonnette quand on attaque les sales Arabes : comment pouvez-vous mettre le pied gauche en avant ! » avait-il hurlé à Amatziya et à ses amis après leur retour à la base.
La Haganah a par la suite acquis une expérience militaire précieuse pendant la Seconde Guerre mondiale, car de nombreux membres ont participé aux combats aux côtés des Britanniques. D’autres sont restés en Palestine à surveiller et infiltrer les 1 200 villages palestiniens qui étaient là depuis des siècles.

LA PLANIFICATION DE L’ÉPURATION ETHNIQUE

La planification systématique de l’épuration ethnique a été suggérée par Ben-Zion Luria, un historien de l’Université hébraïque qui travaillait à l’époque au service pédagogique de l’Agence juive. Il souligna l’utilité d’avoir un registre détaillé de tous les villages arabes, et proposa que la réalisation de cet inventaire fût confiée au Fonds national juif (FNJ), organisme fondé en 1901 et qui fut l’outil principal de la colonisation sioniste. « Cela aiderait beaucoup au rachat de la terre », a-t-il écrit au FNJ.
Les sionistes entreprirent alors de dessiner la carte des villages. Un topographe de l’Université hébraïque qui travaillait au service cartographique du Mandat fut recruté pour l’opération. Il suggéra de recourir à la photographie aérienne, et montra à Ben Gourion deux cartes ainsi réalisées, celles des villages de Sindiyana et Sabbarin (ces cartes, aujourd’hui aux Archives de l’État d’Israël, sont tout ce qui reste de ces villages après 1948).
Les meilleurs photographes professionnels du pays furent alors invités à se joindre à l’entreprise. Yitzhak Shefer de Tel-Aviv et Margot Sadeh, l’épouse de Yitzhak Sadeh, le chef du Palmah (les unités commando de la Haganah), furent également recrutés. Le labo photo se trouvait au domicile de Margot : la “couverture” était une compagnie d’irrigation. Il fallait le dissimuler aux autorités britanniques, car elles auraient pu y voir une action de renseignement illégale dirigée contre elles. Les Britanniques eurent connaissance du projet dès le début, mais ne réussirent jamais à trouver la cache. En 1947, ce service cartographique fut transféré en bloc à la Maison rouge, à Tel-Aviv.
Les résultats de ces efforts, tant topographiques qu’orientalistes, ont été les dossiers détaillés que les experts sionistes ont progressivement constitués sur chaque village de Palestine. À la fin des années 1930, ces archives étaient presque complètes. Elles contenaient des détails précis sur la situation topographique de chaque village, ses voies d’accès, la qualité de ses terres, ses ressources en eau, ses principales sources de revenus, sa composition sociopolitique, ses affiliations religieuses, les noms de ses mukhtars, ses relations avec les autres villages, l’âge de ses habitants de sexe masculin (de seize à cinquante ans), et bien d’autres choses. Une catégorie importante était un indice d’“hostilité” (à l’égard du projet sioniste, évidemment), fonction du degré de participation du village à la révolte de 1936. Il y avait une liste de tous ceux qui s’étaient engagés dans la révolte et des familles qui avaient perdu un de leurs membres dans les combats contre les Britanniques. Quant à ceux dont on disait qu’ils avaient tué des Juifs, ils faisaient l’objet d’une attention particulière. « Ces derniers éléments d’information ont été en 1948 le moteur des pires atrocités dans les villages, dont des exécutions collectives et des tortures. »
L’un des membres de la Haganah, Moshe Pasternak, qui a participé à l’une des premières opérations de reconnaissance dans les villages en 1940, a raconté nombre d’années plus tard que : « Nous devions étudier la structure fondamentale du village arabe. Ce qui veut dire la structure et la meilleure façon de l’attaquer. Dans les écoles militaires, on m’avait appris à attaquer une ville européenne moderne, pas un village primitif du Proche-Orient. Nous ne pouvions pas le comparer à un village polonais ou autrichien. Le village arabe, à la différence des villages européens, était construit topographiquement à flanc de relief. Il fallait donc trouver s’il valait mieux s’en approcher par le haut ou y entrer par le bas. Nous devions apprendre à nos “arabisants” [les orientalistes qui dirigeaient un réseau de collaborateurs] la meilleure façon de travailler avec des informateurs »
À titre d’exemple, en 1944, une enquête a été menée par les sionistes sur le village de Umm al-Zinat. Ils avaient été très impressionnés par la fertilité de sa terre. En 1948, Umm al-Zinat a été détruit et tous ses habitants expulsés, sans la moindre provocation de leur part.
Yigaël Yadin, futur haut gradé de l’armée israélienne a affirmé que c’est cette connaissance minutieuse et détaillée de ce qui se passait dans chaque village palestinien qui a permis au commandement militaire sioniste de conclure, en novembre 1947, « que les Arabes palestiniens n’avaient personne pour les organiser correctement ». Le seul problème sérieux était la présence britannique : « Sans les Britanniques, nous aurions écrasé la révolte arabe [l’opposition à la résolution de partition de l’ONU en 1947] en un mois. »
Après avoir cartographié la Palestine rurale en préparation d’une future conquête, le mouvement sioniste a développé une idée beaucoup plus nette de la meilleure façon de procéder pour bâtir un État après la Seconde Guerre mondiale. Les Britanniques avaient déjà détruit la direction et les moyens de défense des Palestiniens quand ils avaient réprimé la révolte de 1936 ; cela laissait aux sionistes le temps et la latitude nécessaires pour préparer les initiatives suivantes. Une fois le danger d’une invasion nationale-socialiste en Palestine disparu en 1942, les dirigeants sionistes ont pris conscience du fait que le seul obstacle qui entravait leur chemin vers la conquête de la Palestine était la présence du mandataire britannique, et non une résistance palestinienne. C’est pourquoi, par exemple, dans une réunion tenue au Biltmore Hotel à New York en 1942, Ben Gourion met sur la table la revendication d’un « Commonwealth juif » sur l’ensemble de la Palestine du Mandat.
Alors que la Seconde Guerre mondiale touchait à sa fin, les dirigeants juifs sionistes de Palestine ont entrepris une campagne pour chasser les Britanniques hors du pays. Simultanément, ils continuaient à mettre au point leurs plans pour la majorité palestinienne, qui représentait, à cette date, 75 % de la population. Les grandes figures du sionisme n’exprimaient pas leur projet publiquement, ils ne la confiaient qu’à leurs intimes ou ne le couchaient sur papier que dans leurs journaux personnels. L’un d’eux, Yossef Weitz, écrit en 1940 : « C’est notre droit de transférer les Arabes » ; et : « Les Arabes doivent partir ! ». Ben Gourion lui-même, dans une lettre écrite à son fils en 1937, affirme que c’est la seule stratégie possible pour le sionisme : « Les Arabes devront s’en aller ». Mais, pour que cela arrive, il fallait un moment propice, par exemple une guerre. Ce moment s’est présenté en 1948.
Ben Gourion est, à bien des égards, le fondateur de l’État d’Israël, et il a été son premier Premier ministre. Il a aussi été la tête pensante du nettoyage ethnique de la Palestine, ayant un contrôle complet sur toutes les questions de sécurité et de défense du Foyer national juif en Palestine. Nous l’avons dit, Ben Gourion accepta le plan de partage britannique en 1937, car il considérait que ce n’était là qu’une étape vers une expansion du futur État juif sur toute la Palestine.
L’idée d’un transfert de population pour établir l’État d’Israël était admise même par les dirigeants sionistes les plus circonspects, à l’instar de Moshe Sharrett, le « ministre des Affaires étrangères » de la communauté juive dans la Palestine du Mandat, et futur Premier ministre d’Israël. Le 13 décembre 1938, dans un discours adressé aux employés des organisations sionistes de Jérusalem, Sharett annonça l’achat de 2 500 dounoums dans la vallée de Baysan, en Palestine orientale (un dounoum représente 1 000 mètres carrés, 0,1 hectare). Il ajouta un détail révélateur :
« Cet achat s’est accompagné, point intéressant, d’un transfert de population [n’étant pas sûr de la familiarité de son public avec l’expression, il la répéta en anglais]. Il y a une tribu qui habite à l’ouest du Jourdain et le prix d’achat comprend un versement à cette tribu pour qu’elle passe à l’est du fleuve. En faisant cela, nous réduisons le nombre d’Arabes [en Palestine] ».

LA MISE EN PRATIQUE DE L’ÉPURATION ETHNIQUE

En février 1947, la politique du Foyer national juif consistait à conquérir le territoire sous prétexte de représailles contre les attaques des milices palestiniennes. Le projet de nettoyage ethnique de la Palestine au profit d’un futur État d’Israël exclusivement juif naît en mars 1948, quand la politique sioniste entreprit le nettoyage ethnique à l’échelle de toute la Palestine.
Dans une maison de Tel-Aviv, le 10 mars 1948, onze hommes, vieux dirigeants sionistes et jeunes officiers juifs, ont mis la dernière main à un plan de nettoyage ethnique de la Palestine. Le soir même, « des ordres ont été envoyés aux unités sur le terrain pour préparer l’expulsion systématique des Palestiniens de vastes régions du pays. Ces ordres s’accompagnaient d’une description détaillée des méthodes à employer pour évacuer les habitants de force : intimidation massive, siège et pilonnage des villages et des quartiers, incendie des maisons, des biens, des marchandises, expulsion, démolition et pose de mines dans les décombres pour empêcher les expulsés de revenir. Chaque unité a reçu sa propre liste de villages et de quartiers cibles, dans le cadre du plan global. »
L’objectif de la Haganah était la destruction de la Palestine rurale et urbaine. C’est ce que rapporte Simha Flapan, l’un des premiers historiens à avoir saisi l’importance de ce projet appelé « plan D » (en hébreu Daleth). « La campagne militaire contre les Arabes, dont la “conquête et la destruction des zones rurales”, était exposée en détail dans le plan Daleth de la Haganah » […]

Jean TERRIEN.