Rivarol n°3608 du 3/4/2024
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Rivarol n°3608 du 3/4/2024 (Papier)

Editorial

Répression tous azimuts contre les hommes libres !

DANS SON DISCOURS prononcé à l’Elysée le 18 mars dernier à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) qu’il recevait avec tous les égards, trois mois seulement après avoir célébré dans la salle des fêtes du même palais la fête juive d’Hanoucca avec le grand rabbin de France et d’autres personnalités de la communauté, le président de la République, se voulant décidément très proche de la synagogue, a déclaré, martial : « À chaque fois que réapparaîtra la moindre trace d’antisémitisme, nous serons intraitables comme nous l’avons toujours été, et avant moi mes prédécesseurs. » Et pour être sûr d’être bien compris, il a ajouté : « Et en la matière, je le dis avec la plus grande force, il n’y a aucune place pour l’antisémitisme quel qu’il soit. Il n’y a et n’y aura jamais de oui mais ». Quand on sait que le révisionnisme historique, et désormais l’antisionisme, et même toute critique de l’Etat d’Israël, sont assimilés à de l’antisémitisme, au point que des personnalités modérées comme Dominique de Villepin, Hubert Védrine, Edgar Morin (un juif de 102 ans) et même des institutions comme l’ONU sont ouvertement accusées d’antisémitisme par des Likoudniks fanatisés, il y a de quoi être inquiet. D’ailleurs, une proposition de loi punissant dmême les propos privés et permettant aux tribunaux de délivrer des mandats de dépôt dès les jugements de première instance a été votée en première lecture par l’Assemblée nationale le 7 mars et va être examinée par le Sénat.
De plus, le Palais du Luxembourg étudie actuellement un projet de loi, déjà voté par le Palais Bourbon, « visant à sécuriser et réguler l’espace numérique ». Si l’objectif affiché du texte semble d’abord de « protéger les mineurs de l’exposition précoce aux contenus pornographiques », ce qui est une intention louable — même si c’est l’ensemble de la population, et pas seulement les mineurs, qui ne devrait pas pouvoir accès à l’immondice qu’est la pornographie car si l’on dénonce les porcs (« balance ton porc »), on se garde bien de dénoncer la porcherie que constituent tous ces sites ignobles —, le projet de loi prévoit, dans son article 222-33-1-2 de punir d’un an d’emprisonnement ferme et de 3 750 euros d’amende « le fait de diffuser en ligne tout contenu qui, soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Avec un énoncé aussi vague et aussi général, n’importe qui peut être condamné pour tout et n’importe quoi. Il suffit qu’une personne qui lise ce qui est diffusé en ligne sur un blog ou un site ou simplement dans un commentaire sous un article se sente offensée, intimidée, outragée, mal à l’aise ou ressente une quelconque hostilité, même diffuse et purement subjective, pour qu’elle puisse procéder à un signalement via Pharos ou d’autres plates-formes de délation citoyenne afin que l’internaute ayant diffusé le message soit poursuivi et condamné pénalement à une amende voire à de la prison ferme. La folie répressive atteint des niveaux inouïs car, même en Union soviétique, les gens étaient moins traqués dans la mesure où n’existaient pas à l’époque tous ces réseaux sociaux qui fonctionnent de plus en plus comme de gigantesques machines infernales de surveillance, de flicage, de harcèlement et de délation.
Ce même projet de loi prévoit, dans son article 5, une peine complémentaire de bannissement (de six mois, et jusqu’à un an en cas de récidive) se traduisant à l’occasion d’une condamnation pénale pour négationnisme ou apologie de terrorisme par l’obligation faite aux fournisseurs de plateforme en ligne de bloquer le compte ayant servi à commettre l’infraction et tous les autres comptes détenus par la personne condamnée. Dans les délits visés par le texte, il y a également la pédopornographie, le proxénétisme et le harcèlement sexuel mais il est significatif que l’on place ce qu’ils appellent « le négationnisme » et « l’apologie de terrorisme » (par exemple ne pas être Charlie, ou ne pas condamner sans nuance l’action du Hamas du 7 octobre dernier en Palestine occupée) au même niveau que ces délits infamants.

DANS CE contexte ultra-répressif, il n’est pas étonnant que RIVAROL qui est une publication libre et indépendante, tonique et anti-conformiste, ne mâchant pas ses mots et n’étant soumis à aucun groupe de pression ni à aucune puissance d’argent soit particulièrement dans le viseur du pouvoir et des lobbies. Comme nous vous l’indiquions dans notre dernière édition, ont été requis le 20 mars contre votre serviteur 15 000 euros d’amende et dix-huit mois de prison ferme, sans possibilité d’aménagement de peine, par Madame le procureur de la République tandis que les deux parties civiles, l’Observatoire juif de France (OJF) et le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) réclamaient respectivement 14 000 et 8000 euros de dommages et intérêts et trois publications judiciaires aux frais du condamné, à hauteur de 5000 euros chacune au minimum, dans Le Figaro, Le Monde et le Parisien.
Par ailleurs, le vice-président du RN et de l’Assemblée nationale, Sébastien Chenu, fondateur de Gay-Lib, organisateur de Gay Pride et militant homosexualiste bien connu, réclame 15 000 euros de dommages et intérêts car il se serait senti insulté dans son « orientation sexuelle » par cette courte incise de l’article de Jean-Philippe Robiquet paru dans notre édition du 6 septembre 2023 et où notre collaborateur évoquait brièvement le « combat politique que Monsieur (ou Madame, on ne sait trop) Chenu mène depuis de nombreuses années » ! Un autre procès devait avoir lieu le 27 mars mais il a finalement été repoussé au 12 juin, certains avocats de la défense (car je ne suis pas le seul prévenu dans cette affaire) n’ayant toujours pas reçu les vidéos incriminées, preuve, soit dit en passant, de l’incurie des services du Parquet.

MAIS LA persécution contre RIVAROL et son directeur ne s’arrête pas là puisque le tribunal administratif de Paris, statuant sur le fond, a confirmé le 22 mars 2024 la décision de la CPPAP (commission paritaire des publications et agences de presse) du 4 mai 2022 nous retirant son agrément, nous expulsant de ses registres — où nous figurions pourtant sans discontinuité depuis 1951, notre certificat ayant été renouvelé tous les cinq ans sans difficulté, la dernière fois le 15 février 2018 ! —, considérant que le journal « ne présentait pas un caractère d’intérêt général ». Le tribunal administratif, se gardant de développer une argumentation juridique, fait de la (basse) politique pour justifier sa décision : « En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le journal RIVAROL diffuse des propos infamants contre les personnes de confession juive et tourne en dérision la Shoah et sa mémoire. Ces écrits, outre leur nature infamante, sont susceptibles de donner lieu à des condamnations pénales en application des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. A cet égard, il n’est pas contesté que le directeur de la publication a été condamné à plusieurs reprises, définitivement, au titre de ces articles, dont trois fois en qualité de directeur de la publication, pour provocation à la discrimination nationale, raciale et religieuse entre 2012 et 2020. Dans ces conditions, le journal RIVAROL ne peut être regardé comme ayant un caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée. Ainsi, c’est sans commettre d’erreurs de fait […], ni commettre d’erreur d’appréciation que la CPPAP a retiré le certificat d’inscription du journal RIVAROL. »
Nous allons bien sûr porter l’affaire, mais sans grande illusion, devant la cour administrative d’appel de Paris qui devrait statuer d’ici deux ans, selon les délais habituellement en vigueur dans ce genre de dossiers. Mais d’ores et déjà on peut constater une nouvelle fois que la répression nourrit la répression. C’est parce que nous sommes traqués, poursuivis en justice et condamnés qu’on nous retire l’inscription à la commission paritaire, donc qu’on triple nos frais postaux, qu’on décuple le taux de TVA et qu’on nous chasse progressivement d’un grand nombre de points de vente de la presse, à commencer par les rayons des supermarchés puisque des officines font pression sur les enseignes de distribution pour qu’elles nous retirent définitivement de leurs étals au motif qu’il ne faut ni exposer ni vendre un journal jugé antisémite, négationniste, raciste et homophobe, ayant perdu le certificat de la CPPAP et dont le directeur a plusieurs fois été condamné pénalement. Et la justice administrative s’appuie sur les décisions du tribunal judiciaire pour confirmer l’expulsion des registres de la commission paritaire. Ainsi la boucle est bouclée. Il n’y a pas moyen d’échapper à leurs filets. Tout est verrouillé, cadenassé, fermé à double ou triple tour.

NOUS avions obtenu une petite victoire, le 7 décembre 2022, lorsque — à notre surprise tant nous sommes habitués à perdre ! —, le tribunal de commerce de Paris — composé, il faut le préciser, d’entrepreneurs, de professions libérales, de commerçants et artisans, donc de catégories socio-professionnelles a priori moins idéologisées et politisées que des magistrats de métier — avait exigé de la société PayPal qu’elle rétablît notre compte qu’elle avait supprimé unilatéralement le 23 mai 2022. Las, les magistrats professionnels de la cour d’appel de Paris, le 16 novembre 2023, ont annulé cette décision — en nous condamnant au passage à verser près de 10 000 euros à PayPal alors même que nous avions gagné en première instance, pourquoi se gêner ? — en arguant, contrairement à ce qu’avait statué le tribunal de commerce, que les juridictions françaises ne sont pas habilitées à arbitrer ce différend, le siège social de la société PayPal Europe étant au Luxembourg !
On le voit, on nage en plein arbitraire. La justice, c’est vraiment la roulette russe. En première instance, le tribunal de commerce certifie que la France est compétente pour juger d’un conflit entre PayPal Europe et un de ses clients. En appel, les juges, de manière aussi péremptoire, disent exactement l’inverse. Selon eux, seul le Luxembourg serait compétent pour juger de ce dossier. Mais qui peut sérieusement faire confiance à la justice des hommes, surtout à une époque où tout, absolument tout, est inversé, où l’on marche sur la tête dans tous les domaines et où l’on glisse jusqu’à l’abysse ?

 […]

RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

L’horreur sans fin à Gaza !

Depuis fin janvier 2024, on attend toujours, ou l’assaut final sioniste sur Rafah, dernière ville palestinienne importante tenue par le Hamas à la frontière avec l’Egypte, ou un cessez-le-feu. Netanyahu a peut-être, durant un temps, reculé devant le coup humain annoncé d’un assaut sur une ville peuplée par 1,5 à 1,7 million de civils palestiniens, très majoritairement des déplacés intérieurs chassés par Tsahal ; un carnage à grande échelle donnerait une image internationale tellement calamiteuse de l’entité sioniste que même lui serait peut-être obligé d’en tenir un peu compte, même si ce monstre cynique se moque complètement des vies humaines palestiniennes. Quant au cessez-le-feu, ni le Hamas ni le gouvernement sioniste ne semblent prêt à s’accorder sur ses modalités, tout en proclamant des deux côtés un accord de principe.

UNE LOGIQUE PERSISTANTE DE GUERRE

Le Hamas a présenté le dimanche 31 mars, jour de Pâques, ses excuses aux Palestiniens pour les souffrances causées par la guerre, tout en affirmant sa volonté de poursuivre le combat. A Ramallah, a été présenté un nouveau gouvernement palestinien, dans l’indifférence générale. Le nouveau Premier ministre palestinien, depuis le 14 mars 2024, Mohamed Mustafa, âgé de 67 ans — ce qui est jeune dans le contexte politique local de l’OLP, avec un président Mahmoud Abbas âgé de 88 ans ! —, est un ancien haut fonctionnaire de la banque mondiale ; il a été choisi manifestement pour satisfaire la prétendue communauté internationale, tout en offrant une véritable expérience gouvernementale palestinienne (2013-2015) : il a affirmé son ambition de gouverner tous les territoires palestiniens dans les frontières dites de 1967, soit la Cisjordanie et Gaza. Or, le Hamas n’entend nullement quitter Gaza, ou se soumettre à tout gouvernement palestinien où il ne participerait pas — chose interdite par Netanyahu —, et la Cisjordanie est chaque jour davantage rongée par la colonisation sioniste, dont le rythme s’est accéléré durant la guerre en cours à Gaza. Mohamed Mustafa incarne certainement le scénario de sortie de crise souhaité à Washington, Riyad, Ramallah, mais qui a, a priori, peu de chances de devenir réalité. Le scénario de Tsahal se retirant de Gaza et remettant le pouvoir à l’Autorité palestinienne est toujours refusé en outre par la droite sioniste, dont Netanyahu.
En face, le gouvernement Netanyahu a reconnu le 30 mars la mort de 600 soldats sionistes, pour la plupart le 7 octobre et durant les jours suivants ; ce bilan est probablement sous-estimé. Netanyahu a réaffirmé aussi sa volonté de poursuivre les combats ; en cas de défection de la gauche de son gouvernement d’union nationale, scénario à tort ou à raison considéré comme crédible, il a affirmé qu’un tel passage à l’opposition active interne à l’entité sioniste créerait une nouvelle crise politique d’au moins six mois, ce qui affaiblirait son effort de guerre, voire le paralyserait ; ce n’est pas forcément faux, encore que Netanyahu soit très capable de poursuivre les opérations militaires majeures même avec un gouvernement minoritaire et en sursis, et cela tient du chantage évident ; néanmoins, pour l’instant, ce chantage fonctionne, car la grande majorité de la gauche ne veut pas passer, du point de vue de l’entité, pour des traîtres défaitistes.
Aussi, les plus de 2,3 millions de Palestiniens souffrent chaque jour davantage de la faim (beaucoup sont déjà morts de famine), et de la pénurie de médicaments. 33 000 d’entre eux au moins sont déjà morts (un chiffre certainement très inférieur à la réalité), et probablement 10 000 combattants du Hamas. L’aide humanitaire qui parvient dans cette zone de guerre, principalement par camions via la frontière égyptienne, couvre, au mieux, 5 % des besoins. D’après l’ONU, une vraie famine, massive, avec une très forte mortalité, devrait sévir à partir du mois de mai. Il est à craindre que ce siège dur, consciemment voulu par Netanyahu, ne se poursuive jusqu’à ce drame dont le seul responsable est l’homme et non une catastrophe naturelle ; il est probable que les autorités sionistes comptent dessus pour forcer le Hamas à capituler à Gaza, afin de sauver des centaines de milliers de vies de ses compatriotes, si toutefois il n’est pas humainement trop tard.

LA DUPLICITÉ ET LE CYNISME DE L’ADMINISTRATION BIDEN

Le président Biden a encore une fois menacé de se fâcher très fort si Netanyahu poursuivait, et de cette manière inhumaine, les opérations militaires contre la Bande de Gaza, et a fortiori lançait cet assaut tant annoncé et différé sur Rafah, même tout cela est parfaitement hypocrite de la part du président américain puisque les Etats-Unis continuent à aider massivement sur le plan militaire l’entité sioniste qui continue ainsi à bombarder dans la durée et à exterminer la population palestinienne, les femmes et les enfants étant les victimes de loin les plus nombreuses. Symboliquement, Biden a permis, par l’abstention officielle des Etats-Unis, le vote d’une résolution à l’ONU pour un cessez-le-feu à Gaza, le lundi 25 mars. Dans un complotisme, lui parfaitement autorisé, la droite sioniste y a vu la manifestation d’une conspiration antisémite mondiale, qui comprendrait désormais l’ONU en tant que telle que la droite sioniste traite carrément d’organisation antisémite, il faut le faire ! Ces Likoudniks ne reculent décidément devant rien, devant aucune outrance, aucun mensonge, aucune calomnie pour parvenir à leurs fins !
Netanyahu s’est officiellement contenté de protester et d’affirmer qu’il n’en tiendrait aucun compte, à moins que le Hamas ne libère immédiatement tous les otages sionistes capturés le 7 octobre, qui seraient encore 100 à 130 survivants ; le Hamas l’embarrasserait probablement s’il le prenait au mot, mais il ne le fera probablement pas.
On verra bien si Netanyahu se pliera à cette menace de Biden, qui pourrait encore sauver beaucoup de vies palestiniennes ; mais il a néanmoins déjà assuré qu’il n’en ferait rien, pour le principe, aucun Etat ne pouvant dicter, selon lui, la conduite de l’entité sioniste qui se croit et se sait tout permis ; il a été applaudi à ce sujet à la Knesset par toute la droite, avec une gauche gênée et partagée. Les appels de plus en plus explicites des dirigeants démocrates aux Congrès à la gauche sioniste dans l’Entité, pour qu’elle rompe avec Netanyahu, ont eu plutôt l’effet inverse, dans un pays au souverainisme sourcilleux, y compris dans la majorité de la gauche. Pendant ce temps, en dépit de ces déplorations, de ces menaces, purement verbales, du gouvernement Biden, l’aide militaire et financière massive des Etats-Unis pour l’entité se poursuit à un rythme soutenu ; de grosses cargaisons de bombes, plusieurs milliers, viennent d’être livrées fin mars, renouvelant les stocks tendus de Tsahal, et juste avant cet assaut redouté sur Rafah, officiellement plus ou moins interdit par Biden. On mesure là tout le cynisme et la duplicité des Etats-Unis en général, et de l’administration Biden en particulier. Le pire, c’est que cela serait exactement la même chose, et peut-être même pire encore, si c’était une administration républicaine et non démocrate aux responsabilités à Washington tant le lobby sioniste est puissant et influent outre-Atlantique, bien plus encore que sur le Vieux Continent, ce qui n’est pas peu dire.

LE PIRE RESTE-T-IL ENCORE A VENIR ?

Sur ce sujet de l’aide à l’entité sioniste, les républicains, majoritaires à la chambre des représentants, ne manifestent en effet aucune opposition au gouvernement démocrate, contrairement à l’Ukraine, et rivalisent même de zèle. L’ancien président Trump et nouveau candidat républicain pour la présidentielle du 5 novembre 2024, a donné le 25 mars un conseil à son ami Netanyahu : en substance, dans son américain familier, il lui a indiqué que « cette situation [avait] trop duré ». Le contresens courant en France, dans la presse de gauche, a été d’y voir un lâchage de Netanyahu par un ex-grand ami, constituant pour les plus critiques une forme de vengeance après le manque total de soutien de Netanyahu à Trump lors de sa contestation électorale de novembre 2020 à janvier 2021. Non, il fallait au contraire comprendre que Donald Trump recommandait à Netanyahu de lancer enfin cet assaut, tant promis depuis janvier 2024, sur Rafah. Faire traîner les opérations nuirait en effet selon lui à l’entité sioniste. C’est un conseil amical de la part d’un ultra-sioniste engagé, certainement pas une pensée d’humanité pour les Palestiniens en souffrance. D’ailleurs, si cette question des souffrances des Palestiniens préoccupait réellement Trump, on l’aurait su, et il a d’ailleurs tendance à se répéter pour être bien compris quand un sujet lui tient un cœur. Il a été mal compris à l’étranger ; soit, il s’en moque, chose bien possible, soit, pour une fois, il a écouté ses conseillers lui recommandant de ne pas insister, pour son image internationale et ses futures relations avec le monde arabo-musulman.
Le représentant républicain, Tim Walberg, a fait pire le 30 mars, produisant une déclaration confuse où l’on pouvait comprendre qu’il conseillait à l’entité sioniste de larguer une bombe atomique sur Gaza [probablement Rafah] pour « en finir rapidement »; il a été obligé d’expliquer qu’il avait été mal compris, qu’il pensait à une métaphore de l’efficacité militaire états-unienne… Sans surinterpréter tous ces propos, ils témoignent d’une ambiance inquiétante dans le camp républicain, ce qui, au sujet de Gaza, ne présagerait rien de bon pour les Palestiniens en cas de victoire de Trump, et de majorité républicaine aux deux assemblées, le 5 novembre 2024, ce qui est aujourd’hui sur le papier l’hypothèse la plus probable. Cette guerre déjà interminable sera-t-elle enfin achevée dans un peu plus de six mois ? On voudrait l’espérer, il est rationnel d’envisager un épuisement des belligérants d’ici-là, mais ce n’est même plus certain.

UN GÉNOCIDE SCIEMMENT ORGANISÉ

En attendant un des deux événements majeurs, ou un cessez-le-feu, ou, hélas, le plus probable, cet assaut sioniste sur Rafah qui causera nécessairement un carnage dans les rangs de la population civile palestinienne (c’est certainement là le but recherché, mais non avoué explicitement, des dirigeants de l’entité sioniste), Tsahal continue ses bombardements intensifs de Rafah, ou des quartiers des autres villes de la Bande de Gaza, qui ont été évacués par les forces sionistes. Sans le dire officiellement, surtout sans aucune précision sur les effectifs concernés, Tsahal aurait démobilisé des centaines de milliers de réservistes, renvoyés à l’activité économique civile, où ils sont indispensables. La chose s’est vérifiée avec leur absence forcée de plusieurs mois d’octobre 2023 à janvier ou février 2024. Ainsi, Tsahal mène régulièrement, faute de pouvoir les occuper intégralement en permanence, des raids dans les quartiers qui ne sont plus occupés, afin d’empêcher les civils palestiniens, et, objectif affiché, le Hamas, de s’y réinstaller. Les conditions de vie de ses 300 000 à 400 000 Palestiniens qui survivent hors de Rafah et de ses environs immédiats — dont la plage déclarée « zone humanitaire protégée » par Netanyahu — sont absolument dantesques, sans eau potable ni nourriture. Les hôpitaux, qui manquent de tout, grâce à un dévouement exceptionnel des médecins et des infirmiers, tentent obstinément de fonctionner. En effet, les cancéreux ou les diabétiques ont toujours besoin des soins les plus réguliers, et il en va de leur vie, tout comme les femmes qui accouchent. Or, l’armée sioniste pénètre, régulièrement, en armes dans les hôpitaux, à la recherche de combattants du Hamas, ou des otages sionistes qui y seraient dissimulés. Le cas de l’hôpital al-Shifa à Gaza, exemple parmi d’autres, a été, lui, médiatisé, avec deux occupations armées de l’établissement par Tsahal, du 15 au 22 novembre 2023, puis, à nouveau, du 22 mars au 1er avril 2024. Les troupes sionistes commettent en toute impunité des violences contre le personnel soignant et contre les patients, c’est inouï et le monde laisse faire, détourne le regard. Que ne dirait-on pas si des soldats russes se comportaient ainsi dans les hôpitaux d’une ville occupée d’Ukraine ! On les dénoncerait à raison mais là, comme il s’agit d’une armée sioniste, tout est permis.
Ainsi, tout en espérant que le scénario, très optimiste, mais pas totalement impossible, d’un cessez-le-feu durable se mettra en place dans les jours ou dans les semaines à venir, il y a tout lieu hélas de toujours craindre le pire pour les Palestiniens de Gaza, avec une détérioration continue des conditions de vie, déjà dantesques et dramatiques, dans lesquelles ils essaient de survivre, avec la famine, les épidémies (notamment l’hépatite A), l’absence quasi-totale de médicaments, d’appareils respiratoires, de groupes électrogènes, d’anesthésiants et d’analgésiques, l’armée sioniste empêchant l’entrée de la plupart des convois humanitaires, dûment fouillés et contrôlés, dans la bande de Gaza qui n’est plus seulement un camp de concentration à ciel ouvert mais qui devient chaque jour davantage un camp d’extermination à ciel ouvert dans l’indifférence générale et un silence sépulcral. Même s’il n’a toujours pas eu lieu, le scénario, évoqué depuis octobre 2023, d’un embrasement de toute la région, à commencer par le Liban — et le Hezbollah à la frontière septentrionale de l’entité sioniste —, n’est toujours pas à exclure non plus. Et pendant ce temps les Palestiniens continuent à souffrir et à mourir par milliers, par dizaines de milliers. A cause des bombardements, de la famine, des épidémies. Mais, on nous le répète sans cesse, ce n’est pas un génocide. Cette notion, on l’a compris, est une chasse gardée, un domaine réservé.

[…]

Scipion de SALM.