Rivarol n°3620 du 26/6/2024
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Rivarol n°3620 du 26/6/2024 (Papier)

Editorial

Vers une France totalement ingouvernable ?

LA QUÊTE DE DÉDIABOLISATION et de normalisation conduit décidément très loin. Après qu’il eut été ciblé par Libération qui établit minutieusement des listes de candidats RN supposément « racistes, antisémites ou homophobes », c’est-à-dire des listes de délation et de proscription, un postulant du Rassemblement national a été écarté par le parti, avant finalement d’être réinvesti. Joseph Martin, candidat aux législatives dans le Morbihan sous l’étiquette du Rassemblement national, suspendu après une accusation d’antisémitisme, la pire qui soit en République et donc pour le RN, a été réinvesti par une commission qui devait statuer sur son cas. « Le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah », avait écrit le 22 octobre 2018 le candidat RN de la première circonscription du Morbihan, dans un message sur Twitter (devenu aujourd’hui X) et repéré par le journal Libération. Le Rassemblement national avait indiqué mercredi 19 juin qu’il retirait aussitôt son soutien à son candidat après ce message jugé antisémite, précisant qu’il était “suspendu” et serait « convoqué en vue de son exclusion ». En cas d’élection, ajoutait la direction du parti, qui en fait décidément des tonnes pour complaire à la communauté organisée et obtenir des places au prochain dîner du CRIF, il ne siégerait pas au sein du groupe du Rassemblement national, très probablement dirigé une nouvelle fois par Marine Le Pen.
Manque de chance, Joseph Martin était tout sauf un “infréquentable”. Auprès de l’AFP, il s’était d’ailleurs défendu le jeudi 20 juin de tout antisémitisme, assurant que son tweet était une réaction au décès, survenu la veille au soir, du révisionniste Robert Faurisson. Joseph Martin pensait à l’époque que ce décès était lié à une fuite de gaz, a-t-il expliqué. En fait, ce candidat mariniste se réjouissait ouvertement, et de manière passablement ignoble, de la mort du courageux Professeur. Ce qui est hélas parfaitement conforme aux orientations actuelles du RN. L’homme méritait donc d’être réintégré au RN. Son petit crachat sur le cadavre encore chaud d’un universitaire héroïque et incessamment persécuté les quarante dernières années de sa vie (1978-2018) méritait bien qu’il fût réinvesti par un parti devenu ultra-sioniste, ardent défenseur des lois Pleven et Gayssot et de la législation punissant « l’homophobie et la transphobie ». Le sépharade Louis Aliot, maire de Perpignan, ex-concubin de Marine Le Pen, et que les mauvaises langues appellent peu charitablement le crétin des Pyrénées, a été chargé de la réhabilitation politico-médiatique du sieur Martin, en s’exprimant ainsi sur France Inter le dimanche 23 juin. « On s’est complètement trompé sur ce monsieur. C’est Libération qui a utilisé un tweet polémique sur cette personne (autrement dit la direction du RN croit Libé sur parole et ne procède même pas à des vérifications, n’interroge même pas l’individu mis en cause par le quotidien gauchiste pour connaître sa version des faits avant de le sanctionner, c’est fou et en même temps très révélateur du fonctionnement actuel du Rassemblement national !) En regardant l’ensemble de ces tweets, ce n’est pas du tout ce qu’il a voulu dire. Il a fait des tweets contre la collaboration, contre le maréchal Pétain » — ce qui est parfaitement exact et ce qui est un sujet de gloire désormais au RN alors que Jean-Marie Le Pen a toujours dit, et encore dans nos colonnes le 9 avril 2015, qu’à ses yeux le maréchal Pétain n’a jamais été un traître, les choses ont donc bien changé depuis dans le parti à la flamme !). Et Aliot, dont l’œil ne renvoie jamais la lumière qu’il reçoit, tel un astre depuis longtemps éteint, d’ajouter que Joseph Martin avait été “réhabilité”. « Une commission des conflits s’est réunie vendredi 21 juin et après étude de ce cas, il a été considéré que le propos n’était pas antisémite. Il est bien réinvesti », a expliqué par ailleurs une source au Rassemblement national.
Le candidat investi par Eric Ciotti, dans le cadre d’une alliance entre le RN et LR (ou plus exactement avec le président en titre de LR car seuls deux députés sortants LR sur 61 ont accepté cet accord avec le parti de Jordan Bardella, ce qui est fort peu) en Meurthe-et-Moselle a eu, lui, moins de chance. Eric Ciotti a en effet retiré, ce même mercredi 19 juin, son investiture à Louis-Joseph Pecher, qui se présentait sous ses couleurs pour des « propos antisémites, homophobes et orduriers » sur les réseaux sociaux, a-t-il indiqué dans un communiqué laconique. Il s’agit de Louis-Joseph Gannat, qui se présente sous le nom de son épouse, Pecher. Il est le fils d’une personnalité longtemps notoirement proche de Jean-Marie Le Pen, preuve que Ciotti ne trouve quasiment pas de candidats issus réellement de LR. Dans un communiqué, Ciotti, qui a investi 62 candidats aux législatives (sur 577 circonscriptions) sous le nom de « Républicains à droite » et qui est un intime parmi les intimes de l’infâme Meyer Habib, indique que « l’union des droites que nous appelons de nos vœux doit précisément faire barrage aux torrents de haine, d’antisémitisme et de violence portées par l’extrême gauche. » Blablabla. En cohérence, il retire son « investiture et mobilise tous les moyens légaux pour sanctionner cet individu ». Avec Ciotti, Bardella et Marine Le Pen, on ne badine pas sur la question de l’antisémitisme, du révisionnisme et de “l’homophobie”. Rappelons d’ailleurs que Ciotti, ès qualités de président de LR, a voté et encouragé les sénateurs et députés LR, à voter pour la constitutionnalisation du « droit à l’avortement » et qu’il est notoirement favorable aux revendications du lobby LGBT. Jordan Bardella, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan ne sont pas différents de lui sur tous ces plans. C’est la “droite” sioniste et gay-friendly.

CET AFFADISSEMENT (et le mot est faible !) de mouvements classés à droite, voire à l’extrême droite (tu parles !) de l’échiquier politique, n’empêche pas la gauche de continuer à hurler au « danger fasciste ». Si certains jouent manifestement un jeu et ne croient pas du tout à ce qu’ils disent, il y a toutefois beaucoup d’idiots utiles, à la base, et même au sein des appareils politiques, qui croient sincèrement au péril extrême que représenterait l’arrivée à Matignon, et donc au gouvernement du pays, du Rassemblement national et de ses alliés (qui se résument pour l’heure à Ciotti et à quelques-uns de ses proches, ce qui reste limité, on l’avouera). On peut donc s’attendre à de vastes manifestations dans les rues, qui ont déjà quelque peu commencé, si jamais ce scénario se réalisait au soir du 7 juillet. Pour l’heure, à en croire les enquêtes d’opinion, dont il faut bien sûr juger des résultats avec une grande circonspection, aucun des trois blocs actuels (le Nouveau Front populaire, les macronistes et le Rassemblement national et ses alliés) n’obtiendrait à lui seul la majorité absolue, même dans une hypothèse haute.
Toutefois, le RN semble actuellement de loin le mieux placé pour obtenir une forte majorité relative. Mais s’il ne parvient pas à la majorité absolue, comme le souhaite son président, le juvénile Jordan Bardella, qui a déjà dit qu’il ne briguerait pas Matignon en cas de majorité seulement relative, le pays risque d’être totalement ingouvernable et paralysé. Et ce pendant au moins un an, puisque le président de la République ne peut dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale avant le 9 juin 2025. Et même si Macron démissionnait (ce qui est une hypothèse hautement improbable, le chef d’Etat a d’ailleurs clairement dit dans le Figaro qu’il resterait à son poste jusqu’en mai 2027) et qu’un nouveau président était élu dans la foulée, ce dernier ne pourrait pas non plus procéder à une dissolution avant le 9 juin 2025. Le blocage serait donc total. Sauf à ce que le président fasse appel à l’article 16 de la Constitution qui lui donne temporairement les pleins pouvoirs — c’est ce qu’avait fait De Gaulle en avril 1961 après le putsch des généraux à Alger —. Macron, qui a démenti envisager cette hypothèse, sans doute pour rassurer les électeurs, pourrait toutefois avoir recours à cet article en cas de paralysie totale des institutions après les législatives. Ou alors il pourrait essayer de constituer un gouvernement technique, voire technocratique, gérant les affaires courantes, à l’instar du gouvernement Draghi en Italie en 2021-2022.

RESTE L’HYPOTHÈSE qu’on ne peut totalement exclure d’une victoire du RN qui obtiendrait, fût-ce de justesse, et avec ses seuls alliés ciottistes, la majorité absolue. C’est un scénario possible mais qui n’est pas en l’état le plus probable car si les électeurs du RN vont d’évidence se mobiliser pour essayer de faire échec à la Macronie et au Nouveau Front populaire, les électeurs de gauche font exactement le même raisonnement à l’envers et vont également se mobiliser fortement lors des deux tours du scrutin, les procurations ont d’ailleurs explosé ces derniers jours, particulièrement dans les grandes villes. Par conséquent, la progression des uns peut être freinée ou neutralisée par celle des autres, tout autant mobilisés. Les sondages accordent autour de 30 % désormais au Nouveau Front populaire. Si les chiffres sont exacts, c’est cinq points de plus que la défunte NUPES en 2022. Cette progression est loin d’être négligeable. Le RN et ses alliés seraient, quant à eux, autour de 35-36 % des suffrages, les macronistes autour de 20 %. Si le RN est donc pour l’instant en tête, à en croire ces enquêtes, cela ne suffit pas nécessairement pour obtenir une majorité absolue.
Ajoutons que la gauche, malgré ses divisions fratricides et ses désaccords programmatiques, a su faire l’union et même s’entendre sur des propositions communes, au moins le temps d’une campagne, en respectant l’identité et la spécificité de chacune de ses formations. Ce qui est très enthousiasmant et mobilisateur pour les électeurs de gauche qui commencent à croire à nouveau à une possible victoire, ou en tout cas à une forte progression en voix et en sièges. On n’observe pas une semblable union à “droite” (ou à ce qui en tient lieu) où il s’agit en réalité d’une absorption par le RN, de débauchages individuels, mais non d’une véritable alliance entre formations politiques, toutes respectées dans leur spécificité et dans leur différence, avec un programme de compromis négocié en commun, entre par exemple le RN, LR et Reconquête (et pourquoi pas d’ailleurs avec les Nationalistes de Bonneau et de Benedetti dans un monde idéal, même si cela relève actuellement de la science-fiction puisque Marine Le Pen préfère Serge Klarsfeld aux héritiers de Pierre Sidos ? Mais après tout, la gauche s’est bien alliée, elle, avec le très radical NPA de Poutou et Besancenot !)
Si, malgré tout, le RN arrivait à Matignon, il sera intéressant de voir ce qui va se passer, sachant qu’en cas de blocage il ne pourra pas utiliser l’arme du référendum ni celle de la dissolution, qui dépendent l’une et l’autre exclusivement du bon vouloir du président de la République et qu’il aura de surcroît contre lui le Sénat, le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel, l’essentiel des pays de l’Union européenne, l’administration, et la gauche et l’extrême gauche puissantes et vociférantes dans la rue. Quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse. Le risque est alors grand, comme le prédit le gaulliste inclassable et au franc-parler Henri Guaino que le RN, déjà très affadi, devienne non pas un parti fasciste ou fascisant (il est ridicule de le penser) mais « une sorte d’UMP bis », après l’UMP Chirac-Juppé et « l’UMP Macron », c’est-à-dire un centre mou qui fasse sur l’essentiel la même politique que ses prédécesseurs. Au risque de désespérer à son tour ses électeurs qui croient de manière ingénue mais sincère qu’avec lui l’heure du grand ménage est enfin venue. […]

RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

La guerre en Palestine s’étendra-t-elle bientôt au Liban ?

Le Plan Biden, qui devait tout changer à Gaza, le jeudi 30 mai, il y a désormais un mois, en imposant enfin un cessez-le-feu, voulu durable, paraît de plus en plus comme un échec évident. On n’en parle plus, et c’est tout. C’est d’ailleurs humiliant pour le président des Etats-Unis (si toutefois ce dernier a réellement souhaité son application). Ni l’Entité Sioniste ni le Hamas ne l’ont refusé frontalement, bien au contraire, mais en pratique aucun ne l’appliquera.

LES COMBATS SE POURSUIVENT EN PALESTINE

Tsahal poursuit ses bombardements massifs sur toute la Bande de Gaza, de plus en plus réduite à un champ de ruines, à l’aide des bombes toujours massivement fournies et offertes par Washington (qui pratique donc un double discours), et ses attaques au sol, meurtrières, sur Rafah et Gaza. En parallèle, on l’oublie trop souvent du fait du contexte particulièrement apocalyptique de Gaza, sont menées des opérations de guerre contre les mouvements armés palestiniens, qui ne sont pas que le Hamas ou le Djihad Islamique, dans les villages et villes palestiniens de Cisjordanie, en particulier à Djénine le 19 juin. Des colons armés attaquent en outre régulièrement en toute impunité des paysans palestiniens, afin d’étendre les territoires de leurs colonies. En cas de riposte palestinienne, ils sont couverts par Tsahal, qui réplique massivement. La logique de guerre en Palestine est toujours à l’œuvre. Des centaines de Palestiniens sont encore morts pendant la seule semaine passée, peut-être plus de mille.
Si, en regardant les décisions prises chaque jour les unes à la suite des autres, la politique suivie par Netanyahu peut paraître confuse, improvisée, sans plan d’ensemble, il s’agit dans le fond toujours du projet sioniste fondamental de conquête de la Palestine historique, remontant aux années 1880, visant à chasser les Arabes de Palestine de leurs terres, et à les remplacer par des sionistes venus du monde entier. De grands espoirs sont placés par Netanyahu dans une relance de l’immigration sioniste de masse, en provenance de grandes communautés, fortes de 500 000 personnes au moins, comme l’Argentine, à la situation économique, politique, sociale, toujours instable, ou la France, en particulier en cas de victoire (improbable en l’état) de la coalition du Nouveau Front Populaire.
De même, Netanyahu vise-t-il à rendre la vie absolument impossible aux Palestiniens, en commençant par ceux de Gaza, puis ceux de Cisjordanie, enfin ceux, nombreux, présents dans l’entité sioniste — tout en prétendant hypocritement le contraire à leur sujet —. Le but est qu’ils s’en aillent, “volontairement”. Ainsi, Netanyahu, les provocations verbales en moins, ne serait pas loin du projet déclaré de l’extrême droite sioniste.

LES MENACES SUR LE LIBAN

Pire encore, le Liban fait face à des menaces de guerre très explicites, de la part du gouvernement sioniste : Netanyahu exige le retrait du Hezbollah, la puissante organisation paramilitaire chiite, au-delà du fleuve Litani. Pour la forme, ces exigences s’adressent au gouvernement libanais. En pratique, c’est au Hezbollah de répondre, ce qu’il a fait, le jeudi 20 juin, en la personne de son chef Nasrallah lui-même, en menaçant à son tour l’entité sioniste d’une guerre totale destructrice, dont il a les moyens, tout comme Chypre, ce qui a créé un sentiment de surprise et de panique sur cette île membre de l’Union Européenne, neutre par principe.
Le gouvernement libanais peine pour le moins à se faire obéir dans un Etat toujours faible, en faillite, et complètement effondré, depuis 2018. Il n’a plus de président depuis octobre 2022. L’armée libanaise, en voie de décomposition avancée, car beaucoup de salaires de soldats, comme de fonctionnaires en général, ne sont plus payés, tient au mieux de la force de la police, tandis que la véritable armée est le Hezbollah. Le gouvernement libanais peut inviter le Hezbollah à agir dans un sens ou dans un autre, certainement pas lui imposer une conduite ; il a du reste refusé, par principe, de céder à des exigences de l’entité sioniste, Etat de fait qu’il ne reconnaît pas, comme la Syrie, contrairement à l’Egypte ou à la Jordanie.
Le Hezbollah tient au respect formel des institutions libanaises. Il ne veut pas paraître les mépriser ostensiblement, et encore passer pour un fauteur de nouvelle guerre civile, scénario catastrophique redouté de tous les Libanais depuis la fin de la précédente (1975-1990). Les communautés religieuses libanaises, chiites, sunnites, druzes, chrétiennes, ont toujours des rapports tendus les unes avec les autres. Le jeu politique libanais est compliqué encore par la présence massive de réfugiés palestiniens, de l’ordre de 500 000, descendants de ceux de 1948-1949, qui disposent toujours de leurs propres milices, et de deux millions de réfugiés syriens, massivement sunnites, des familles des perdants de la guerre civile syrienne, islamistes sunnites, et qui détestent particulièrement le Hezbollah.
Un grand remplacement s’opère de manière accélérée au Liban. Les Libanais, de toutes les communautés, mais davantage les chrétiens, quittent en nombre, en flux continus, un pays qui apparaît sans avenir, avec 80 % de la population actuellement sous le seuil de pauvreté ; la menace de guerre extérieure n’arrange rien, bien au contraire. Les réfugiés palestiniens et syriens, massivement sunnites, sont peut-être aussi nombreux que les citoyens libanais. Outre la démographie en général, ces réfugiés modifient de fait les équilibres confessionnels : la majorité de la population réelle du Liban est désormais sunnite, ce qui place les chrétiens, ou même le Hezbollah, le bras armé de la communauté chiite, dans une position délicate.
Cette exigence de l’entité sioniste correspondrait à l’accord de cessez-le-feu à la suite de l’invasion sioniste de l’été 2006 du Sud-Liban ; Tsahal devait évacuer rapidement à nouveau ces cantons méridionaux du Liban, frontaliers de l’entité sioniste, ce qui fut fait, et être remplacée par une force internationale de la paix de l’ONU, soit des Casques Bleus, et le Hezbollah ne devait pas réoccuper le terrain, ce qu’il a pourtant fait très rapidement, dans les semaines qui ont suivi l’évacuation sioniste. Les Casques Bleus, toujours sur place, et impuissants, n’ont pas prétendu empêcher le Hezbollah de s’y établir à nouveau ; ils n’en avaient ni la volonté ni les moyens, ni précisément le mandat ; ils ont simplement relevé ces “violations” de l’accord par le Hezbollah, l’entité a protesté verbalement, et les choses en sont restées là depuis l’automne 2006.
Le Hezbollah est une puissance militaire réelle redoutable, avec des dizaines de milliers d’hommes, qui pour beaucoup ont connu le feu lors de la guerre civile en Syrie, dans le camp loyaliste de Bachar el-Assad. Comme le Hezbollah a rejeté l’ultimatum sioniste, frontalement, la guerre paraît à beaucoup d’observateurs probable. Au mieux, si l’on ose dire, il n’y aurait que des bombardements réciproques massifs, bien davantage que ceux qui ont eu lieu régulièrement depuis l’automne 2023 le long de la Ligne Bleue, la frontière délimitée par les Casques Bleus. Des analystes états-uniens ont annoncé une invasion terrestre sioniste pour la mi-juillet. Les Etats-Unis, le Canada, le Koweït, l’Arabie Saoudite, ont pris cette menace très au sérieux et ont chaudement recommandé à leurs ressortissants d’évacuer en urgence le Liban.
Certains observateurs ont fait remarquer que se lancer à l’assaut du Hezbollah, alors qu’il n’arrive déjà pas à vaincre complètement le Hamas à Gaza, pourtant moins puissant, serait un pari suicidaire pour Netanyahu. C’est possible, sauf s’il compte sur des alliances de revers au sein même du Liban, en s’appuyant sur des milices sunnites qui attaqueraient à revers le Hezbollah. Un ultimatum relativement raisonnable, demandant un recul d’une dizaine de kilomètres du Hezbollah, pas des conditions délirantes, comme un désarmement ou une exclusion du jeu politique libanais, relève de la manœuvre politique habile ; plus de 80 à 90 % des Libanais ne veulent en aucun cas d’une guerre de soutien aux Palestiniens, qu’ils n’apprécient pas — à cause de leur rôle dans le déclenchement de la guerre civile en 1975 —, et beaucoup rejetteraient la faute sur le Hezbollah. La détestation entre sunnites et chiites est telle, surtout parmi les réfugiés syriens, que ce ne serait pas impossible.
Enfin, il faut espérer que, même si un nouveau front s’ouvrait au Liban, cela ne dégénérerait pas en guerre régionale, avec une implication de l’Iran, parrain international du Hezbollah, et qui ne pourrait faire autrement que de le soutenir en cas de guerre. L’axe américano-sioniste aurait-il alors la folie d’en tirer prétexte pour attaquer l’Iran ? On a déjà eu très peur lors des échanges réciproques de drones et de missiles en avril 2024 entre l’entité sioniste et l’Iran. Sans prophétiser l’apocalypse générale, le Proche-Orient reste, plus que jamais, une poudrière au bord de l’explosion. […]

Scipion de SALM.