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Rivarol n°3626 du 4/09/2024 (Papier)

Editorial

Il nous faut, nous dit-on, un nouveau gouvernement. Mais pour quoi faire ?

A L’HEURE OÙ nous bouclons ce numéro de rentrée, près de deux mois après les élections législatives qu’il avait lui-même organisées en dissolvant à la surprise générale l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, le soir même du résultat des européennes, le président de la République n’a pas encore nommé un nouveau Premier ministre même si les gazetiers pensent que c’est désormais une question d’heures ou de jours.
C’est la première fois dans son histoire que la France reste aussi longtemps sans gouvernement, ou plus exactement avec un gouvernement démissionnaire, contrairement à la Belgique qui est restée 541 jours consécutifs sans gouvernement en 2010-2011 et au Liban qui est sans président depuis le départ de Michel Aoun le 31 octobre 2022. Même à la Libération il y a eu une vacance du pouvoir exécutif de seulement cinq jours entre le départ forcé (par les Allemands) du maréchal Pétain le 20 août 1944 et l’arrivée du général De Gaulle le 25 août. Cette absence de gouvernement non démissionnaire est donc le signe manifeste d’une grave crise politique, et même d’une crise de régime. Alors que la Ve République était vantée pour sa stabilité, les institutions ne fonctionnent plus désormais. Non plus que le scrutin majoritaire uninominal à deux tours dont on nous certifiait pourtant qu’il assurait automatiquement des majorités à l’Assemblée nationale, contrairement à la proportionnelle. Tout cela a volé en éclat, la gauche et la droite dites de gouvernement ayant montré leur nocivité une fois aux responsabilités ces dernières décennies et le pays étant divisé entre différents blocs dont aucun ne peut à lui seul obtenir la majorité des suffrages et des sièges. Plusieurs France se font face et n’ont plus rien à se dire. D’où la situation de paralysie, au moins relative, que nous connaissons actuellement.
Il est assurément paradoxal que le chef de l’Etat qui s’est empressé de dissoudre l’Assemblée nationale, alors que personne ou presque ne le lui réclamait, à la notable exception des dirigeants du Rassemblement national, ne semble pas avoir hâte de nommer un Premier ministre et de constituer un nouveau gouvernement. De plus, en diabolisant artificiellement sur sa droite le Rassemblement national et sur sa gauche la France insoumise — alors même que les députés de ces deux formations, quoi qu’on pense d’elles par ailleurs, ont été régulièrement élus au suffrage universel —, toujours, on l’aura noté, au nom de la lutte contre l’antisémitisme supposé présent chez LFI et passé ou résiduel au RN, le locataire de l’Elysée replace au centre du jeu politique ce qu’il appelle «  le bloc central », c’est-à-dire la Macronie. Son camp a perdu les élections législatives, certes moins sévèrement que prévu, du fait de l’efficacité renouvelée du fameux « cordon sanitaire », mais en excluant le RN et LFI, et même d’une certaine manière tout le Nouveau Front populaire dont il refuse l’accession de sa candidate, la lesbienne Lucie Castets, à Matignon, il refuse dans les faits d’enregistrer, d’entériner la défaite des siens aux législatives des 30 juin et 7 juillet. Ce qui est inouï quand on se donne la peine d’y réfléchir. En précipitant des législatives anticipées, avant même la fin de l’été et les Jeux Olympiques de Paris, Macron prétendait vouloir redonner la parole au peuple dans un souci de “clarification”. Or, il ne tient aucun compte jusque-là des résultats, ni de ceux du premier tour qui ont vu la victoire du RN, ni de ceux du second marqués par la victoire surprise (et toute relative) en sièges du Nouveau Front populaire. A la vérité, il ne veut pas d’un gouvernement qui remette en question la retraite à 64 ans et qui augmente le SMIC et les bas salaires. En revanche, il veut nommer un Premier ministre qui puisse réaliser un relatif consensus en se contentant pour l’essentiel de faire du sociétal, c’est-à-dire en réalisant les réformes les plus détestables, mais de nature à rassembler un grand nombre de parlementaires de gauche, du centre et de “droite” (ou plutôt de prétendue droite).

ET C’EST LÀ qu’apparaît depuis peu avec insistance, après ceux du socialiste Bernard Cazeneuve et du franc-maçon LR Xavier Bertrand,  le nom du sexagénaire Thierry Beaudet qui semble favori à l’heure où nous rédigeons ces lignes pour occuper le poste de Premier ministre, même si ce n’est pas encore confirmé officiellement et qu’il convient donc de rester prudent. Président depuis mai 2021 (et pour un mandat de cinq ans) du Conseil économique, social et environnemental, troisième chambre constitutionnelle de la République avec l’Assemblée nationale et le Sénat, Thierry Beaudet est directement à l’origine de la prétendue Convention citoyenne sur la fin de vie. Bref, il est un militant acharné de l’euthanasie et du suicide assisté. Dès 2020, dans une tribune auprès du Journal du dimanche, il estimait que « l’aide active à mourir » était « un débat nécessaire » et il enjoignait au Parlement de se saisir de la question. Autrement dit, avec lui à Matignon, nul doute que la dépénalisation de l’euthanasie ne tarderait pas et pourrait même être votée, promulguée et appliquée avant la fin de l’année. Partisan de la mort des vieux et de tous ceux jugés inutiles ou encombrants, il l’est également de l’assassinat de masse des enfants à naître. En mars dernier, il avait ainsi partagé sa “fierté” et son “émotion” (sic !) sur les réseaux sociaux lors de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Toujours dans la même logique gauchiste, wokiste et luciférienne, il s’est par ailleurs exprimé à maintes reprises en faveur de la défense et de la promotion des “droits” LGBT, « un combat qui doit continuer d’être mené avec détermination (sic) dans toutes les sphères de la société », a-t-il pu écrire. On peut donc craindre le pire avec lui. D’ailleurs,  au sujet de l’éducation, Thierry Beaudet déclarait à la rentrée scolaire 2023 : « Notre école doit permettre la réussite de tous et toutes et favoriser toutes les mixités ». On sait ce que cela veut dire. D’ailleurs, en janvier dernier, il confiait sur X (anciennement Twitter) avoir participé à la manifestation parisienne contre « la loi immigration pour rappeler (son) attachement aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité ».
Thierry Beaudet coche donc toutes les cases pour être nommé à Matignon par Macron. Avec lui, la politique d’invasion migratoire de notre pays, de culture de mort, de destruction de la morale naturelle et de la famille traditionnelle va encore s’aggraver, s’amplifier. Ainsi que la persécution des opposants à ces réformes détestables. C’est une technique de la gauche depuis déjà plusieurs décennies : puisque les gouvernements successifs sont au service de la finance internationale, anonyme et vagabonde, et qu’ils ne sont donc pas là pour améliorer les conditions de vie et de travail du peuple, leur rôle est d’œuvrer activement à la mise en œuvre de la révolution arc-en-ciel promouvant un homme et un monde nouveaux, LGBtistes, écologistes, immigrationnistes, antiracistes (sauf quand il s’agit de l’entité sioniste), wokistes, gravant dans le marbre constitutionnel le droit à l’avortement, à l’euthanasie, à la transsexualité et à toutes les déviances.

C’EST POURQUOI il ne faut surtout pas souhaiter la constitution rapide d’un nouveau gouvernement qui, quel qu’il soit et quelle qu’en soit la figure de proue, ne peut que conduire une politique désastreuse et mortifère dans tous les domaines, y compris et d’abord les plus essentiels. Lorsqu’un pouvoir ne défend plus le bien commun, l’intérêt général, ne promeut pas le bien, le beau, le vrai, mieux vaut qu’il soit faible, temporaire et instable. Ainsi sa nuisance est quelque peu limitée, freinée, gênée, ralentie. La IVème République, qui était relativement faible, avec des gouvernements de courte durée et des majorités aléatoires et peu solides, a finalement été beaucoup moins nocive que la Ve gaullienne. La IVe n’a pas réussi, contrairement à la Ve, à liquider notre empire colonial, non plus qu’à nous imposer une immigration massive ou la totale sujétion à l’Europe de Bruxelles et au mondialisme, non plus qu’à détruire la famille traditionnelle. Ce que n’est pas parvenu à réaliser un pouvoir faible, une République forte, comme la Vème, l’a fait. En moins de quatre ans, De Gaulle a ainsi bradé l’Algérie et même le Sahara qui, grâce à son gaz et à son pétrole que nous avions découverts, nous aurait assuré une indépendance énergétique absolument vitale, surtout dans le monde d’aujourd’hui, tandis que les populations autochtones auraient été fixées là-bas au lieu de venir massivement en métropole. En l’espace de quelques décennies seulement, grâce à des institutions stables et fortes, et la passivité d’un peuple anesthésié, la Ve a réussi à liquider notre souveraineté, notre monnaie, nos frontières, notre intégrité territoriale, notre homogénéité corporelle et spirituelle, notre morale traditionnelle, nos modes de vie et de pensée. Ce n’est pas rien. On le voit, un pouvoir fort et stable est nécessaire et salutaire quand il va dans le bon sens, comme ce fut le cas globalement sous l’Ancien Régime. Mais lorsque nous avons des gouvernements de gredins, de coquins et de faquins, de bandits, de traîtres et d’assassins, comme c’est le cas notoirement en République, mieux vaut qu’ils soient les plus fragiles et les plus faibles possibles. Et donc les moins nuisibles.  […]

RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

Alain Delon, l’Angleterre, l’arc-en-ciel, les Jeux Olympiques et nous

Il s’est passé deux choses cet été. A Paris, les Jeux Olympiques, en Angleterre des émeutes. Ces deux événements posent les deux mêmes questions : qui sommes-nous ? Que veut-on que nous soyons ?
Le Nous est une affaire importante. Le slogan principal d’Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2022 était simplement : « Nous tous ». Mais qui, nous ? C’est toute la question, et c’est l’objet d’une révolution, celle de l’identité. En stimulant la joie des Français, en réprimant la colère des Anglais, les élites ont entrepris de transformer les deux peuples.
A Paris, nous avons vu un nous permis, encouragé, applaudi. Du départ de la flamme du Pirée à son envol en montgolfière, un énorme battage s’est employé à provoquer chez les Français une joie qu’ils ont tardé à manifester. Le patron des jeux, Tony Estanguet, s’est réjoui de cette « ferveur incroyable » si longtemps attendue : « Cette ferveur incroyable. Du jour au lendemain, Paris est redevenue une fête, et la France s’est retrouvée. On se voyait comme un peuple d’irréductibles râleurs, on s’est réveillés dans un pays de supporteurs déchaînés qui ne veulent plus s’arrêter de chanter ! » Pour le président Macron, les JO ont montré « le vrai visage de la France ». Ils ont été « un succès de sécurité, d’organisation, un succès sportif et populaire […] Cet esprit des Jeux nous montre une chose très simple, c’est que quand on est tous ensemble, on est imbattable ». En somme, nous avons été remarquables.

Les Anglais, en revanche, bof. Ils se sont très mal comportés. La populace a été odieusement populiste. Après le meurtre au couteau de trois fillettes à Southport, croyant par la rumeur des réseaux sociaux que l’assassin était un immigré musulman, elle s’est lancée dans des émeutes. Des terribles violences, des mosquées attaquées, un centre de demandeurs d’asile, partout le racisme, la haine et l’islamophobie. La classe politique a condamné heureusement ces violences inacceptables, le Premier ministre a dénoncé les brutalités d’extrême droite, et le ministre de l’Intérieur a fait de la place dans les prisons pour y coller les factieux. La justice a sévi illico. Sur 700 personnes arrêtées, 300 ont été inculpées. Les premières condamnations sont tombées, dont trois ans ferme pour un homme qui « avait répandu la haine » sur Internet.
Pourtant les faits ne sont pas à la hauteur du récit. Il n’y a pas eu de “migrants”, ni de « contre-manifestants antifascistes » touchés, et les forces de l’ordre n’ont eu que des blessés légers. Beaucoup de photos montrent la police matraquant des manifestants en tenue de ville, mains nues. Les dégâts sont minimes. Rien à voir avec les émeutes de l’été 2023 en France. 672 communes avaient été atteintes, pour 2 morts et un millier de blessés souvent graves, dont 782 dans les forces de l’ordre, des casseurs et des incendies partout. Quant aux biens, le dommage estimé se monte à un milliard d’euros, plusieurs villes sont ruinées. 2508 bâtiments ont été touchés : mairies, commissariats, écoles, gymnases, et 12 031 véhicules brûlés.
Cependant, ces émeutes gigantesques, au bilan “colossal” selon le Sénat, n’ont pas été réprouvées comme les anglaises. On s’est même efforcé de comprendre leurs auteurs. Dans son livre Faites mieux ! Vers la Révolution citoyenne, publié deux mois après les émeutes de juin 2023, Jean-Luc Mélenchon diagnostique ce qu’il estime être une juste colère contre la France : « Comment ne pas voir la colère contre l’État quand les mairies et les commissariats sont incendiés ? L’injustice sociale quand les écoles et agences Pôle emploi sont saccagées ? La vie chère subie quand les rayons alimentaires des supermarchés sont vidés ? L’ampleur des inégalités quand les boutiques de luxe sont pillées ? » Et de justifier en conclusion les combats des “insurgés” contre « un occupant ». C’est clair, là où les Français colonialistes, nous, la « France rance », voyons une invasion, lui et la Nouvelle France voient une libération de “territoires” occupés par une juste guerre contre “l’occupant” ! Il y a donc de bonnes et de mauvaises violences. Cela dépend du “nous” qui les commet.

En Angleterre, ce qui a été condamné, ce n’est pas la violence mais ceux qui l’ont commise ! Ils ont eu le culot de mettre sur leurs pancartes : « Enough is enough », trop c’est trop ! Ou : « Stop à l’invasion ». Et même « Sauvez nos enfants ». Ils voulaient rester des Anglais tranquilles. C’est inacceptable, haineux, raciste, islamophobe, j’oubliais, colonialiste. Leur “Nous” n’est en fait qu’un “ils”. La troisième personne du pluriel désigne l’adversaire. C’est un Nous interdit. Il doit être sévèrement réprimé. Le Nous petit blanc, européen et chrétien doit disparaître, il est contraire au nouveau Bien. Au nouveau Nous. Celui que Paris a célébré. Tout événement sportif revendique un objectif moral et politique. Rappelez-vous Berlin en 1936. En mai 2014, l’ONU rassemblait à son siège New-Yorkais jeunes et athlètes renommés afin de « mettre en avant les valeurs que le monde du sport veut promouvoir », à savoir « la diversité, l’inclusion, la paix et le développement ». Quatre ans plus tard, lors du match d’ouverture du mondial de foot à Rio, avant d’échanger leurs fanions, les capitaines de France et d’Allemagne ont récité chacun dans sa langue un speech contre le racisme et pour le vivre ensemble. Nos JO de 2024 n’ont pas fait exception à la règle.
Dès sa nomination en 2022, le metteur en scène Thomas Jolly déclarait : « En ouvrant les Jeux au plus grand nombre, Paris 2024 porte des valeurs dans lesquelles je me reconnais pleinement. […] Les Cérémonies seront une formidable opportunité de partager un récit collectif, d’affirmer la possibilité d’un nous devant les nations du monde entier. » Au fil de sa réflexion, il a voulu « une fête… en conscience. Important qu’on soit en conscience. Nous sommes tous interrogés, en ce moment, sur notre vivre-ensemble et notre futur commun […] Il s’agit de faire les choix importants pour nous tous, notre avenir commun en réalité, qu’ils soient politiques, écologiques, bref, ce qui peut menacer ». Avec ses collaborateurs historiens et scénaristes, ils ont voulu faire “l’inverse” du Puy du Fou, pour célébrer « une France inclusive, joyeuse, pétrie d’humanité partagée. Notre diversité était le reflet des messages de liberté, de tolérance qu’on souhaitait envoyer autour de notre relecture de l’histoire française ».
Le ministre responsable des sports s’est félicité de la réussite des jeux dont « la cérémonie d’ouverture » fut à son gré le premier élément. Hidalgo a renchéri : « Quand il y a un ressenti partagé de fraternité, de sororité, d’humanisme, qui fait qu’on se sent bien, nous les Parisiens, nous les Français, on est fiers ! Il se produit quelque chose d’incroyablement positif, et même de bonnes nouvelles, je trouve, pour l’humanité, parce qu’il y a une connexion qui se fait entre les gens, sur quelque chose, où ils disent : c’est pas complètement foutu, on peut être ensemble et être heureux ensemble, on peut prendre plaisir à rencontrer des gens tellement différents de soi. » Or cette joie de vivre ensemble est politique : « Paris, c’est la ville de toutes les libertés, la ville refuge des LGBTQI+, la ville où on vit ensemble, une ville où il y a une femme maire, de gauche, en plus d’origine étrangère et binationale, en plus féministe et écologiste ». Ainsi se trouve dessiné le nouveau Nous français. Jean-Luc Mélenchon en fait de son côté un slogan, « La Nouvelle France ». « La Nouvelle France est celle qui refuse d’être la France réactionnaire et colonialiste. Ce sont les populations racisées, féminines et de la jeunesse ». […]

HANNIBAL.