Rivarol n°3628 du 18/09/2024 (Papier)
Editorial
Les LR se diluent dans le macronisme : à l’évidence il n’y a plus de droite en France !
LES RÉPUBLICAINS auront donc fait tous allégeance au macronisme, y compris ceux au profil jugé le plus droitier. Laurent Wauquiez, président du groupe de la Droite républicaine (tel est son nom) à l’Assemblée nationale, Bruno Retailleau, chef du groupe LR au Sénat, qui étaient reçus une nouvelle fois ce lundi 16 septembre à Matignon par le Premier ministre, Michel Barnier, avec le président LR du Sénat, Gérard Larcher, ont en effet affirmé qu’ils soutiendraient le nouveau gouvernement et qu’ils souhaitaient même y participer. Barnier a reçu un accueil triomphal, une véritable ovation, lors de sa venue la semaine dernière à Annecy lors des journées parlementaires LR par les députés et sénateurs de la droite dite républicaine. Wauquiez et Retailleau ne font pas mystère de leurs ambitions : le premier guigne l’Intérieur ou Bercy, le second se verrait bien à la Justice.
Alors que l’ex-président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes avait inscrit il y a deux mois son groupe politique dans l’opposition et qu’il excluait alors toute participation de son parti au gouvernement, tout en parlant de manière déjà assez contradictoire et ambiguë de « pacte législatif », voici qu’il s’inscrit désormais résolument dans la majorité présidentielle (qui n’est en réalité qu’une minorité). Alors que la direction de LR avait exclu Edouard Philippe du parti après que ce dernier eut rejoint Macron en 2017, voici que le parti tout entier se dilue, se dissout, s’efface dans le macronisme. L’ancien président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, avait déjà encouragé LR à s’allier avec le chef de l’Etat lors des législatives de 2022. C’est donc bien l’ensemble des élus et des personnalités de LR qui entendent participer à un exécutif macronien. Quant à Eric Ciotti, aujourd’hui dans l’orbite de Marine Le Pen, il ne faut pas oublier qu’il a tenté vainement pendant tout un temps d’être ministre de l’Intérieur de Macron et a même aidé ce dernier en faisant en sorte que son gouvernement ne soit pas censuré au moment de la réforme des retraites que l’essentiel des députés LR (dont Ciotti lui-même) a voté. Et on sait déjà que le RN ne votera pas la censure du gouvernement Barnier, ainsi que l’ont répété Marine Le Pen et Jordan Bardella qui apparaissent comme la béquille du macronisme.
QUAND ON SAIT QUI est Barnier et ce qu’il incarne, l’européisme mondialiste et cosmopolite le plus absolu (l’ami Hannibal l’explique très bien dans sa chronique en dernière page), en totale opposition avec les positions historiques de la droite nationale et nationaliste, que la (prétendue) droite dans toutes ses composantes se compromette à ce point avec cet ancien commissaire européen, dont l’ADN est totalement celui de Macron, montre de manière spectaculaire qu’en réalité il n’y a plus de droite en France. Plus de droite authentique, attachée à la nation, à son histoire, à ses racines, à son âme, à la morale naturelle, à la famille traditionnelle, à la religion, aux vraies libertés. Aujourd’hui la vie politique est devenue un théâtre avec des comédiens de piètre qualité. C’est une mauvaise farce. On fait semblant de s’opposer pour exister mais au fond il n’y a plus de convictions, plus de principes, plus de ligne politique directrice et même plus de différences essentielles entre des partis qui entendent tous rester dans le cadre de l’euro, de l’Union européenne et de l’OTAN et ont abandonné toutes les valeurs traditionnelles, ne combattent ni pour le bien, ni pour le vrai, ni pour le beau.
Et c’est pourquoi on peut voir, sans en être plus surpris que cela, Ambroise de Rancourt, un ancien énarque et militant mélenchoniste de 37 ans qui disait vouloir « battre les fachos » en 2017, devenir le 1er novembre prochain le directeur de cabinet de Marine Le Pen. Ce qui était impensable à l’époque du Front national canal historique de Jean-Marie Le Pen. Mais les positions dirigistes, laïcistes, féministes, homosexualistes, pro-IVG et pro-LGBT du RN rendent possibles de tels transferts autrefois inimaginables. Avant de se rapprocher de Marine Le Pen, Ciotti, on l’a dit, a lui-même failli rejoindre le gouvernement de Macron. Quant à Sébastien Chenu, le bras droit (et rose) de Marine Le Pen, il avait commencé à l’UMP de Juppé — où il avait créé très officiellement un courant LGBtiste appelé Gay-Lib et conduit la première délégation de l’UMP à la Gay Pride — et avait même proposé ses services à la socialiste Anne Hidalgo avant de rejoindre le Rassemblement Bleu Marine puis le FN fin 2014, il y a dix ans, où il est devenu depuis le principal adjoint de Marine Le Pen. Son parcours montre à quel point Chenu est tout sauf un homme de convictions. Sa seule constante est de faire progresser, partout où il milite, la cause LGBTiste. Et il y réussit plutôt bien, il faut le reconnaître.
ON N’EST pas davantage surpris de voir l’ancien Premier ministre chiraquien, Dominique de Villepin, être acclamé à la Fête de l’Huma dans l’Essonne dimanche dernier. S’il faut reconnaître que l’ancien diplomate septuagénaire, dont on ne peut nier la distinction et l’élégance, contrairement à l’essentiel de l’actuelle classe politique terne et avachie, tient dans l’ensemble un discours lucide et courageux sur la guerre à Gaza — ce qui lui vaut des accusations d’antisémitisme de la part d’un lobby judéo-sioniste surexcité et haineux ! —, dans la droite ligne du discours qu’il avait tenu en 2003 à l’ONU contre la deuxième guerre du Golfe, il est en revanche très politiquement correct sur tous les autres sujets et se montre extrêmement complaisant avec le Nouveau Front populaire dont il se sent aujourd’hui manifestement plus proche que de LR et de Macron et évidemment que de Ciotti et du RN. Peut-être en partie parce que les dirigeants de LR ne l’ont pas assez consulté et choyé à son goût, la dimension psychologique n’étant pas à minorer dans la vie politique comme dans la vie tout court. Mais on voit aussi dans cet épisode qu’il n’y a plus de droite véritable en France. Quand un aristocrate étiqueté LR ne trouve rien de mieux et de plus glorieux que de parler à la Fête de l’Huma, et qu’il préfère dans les faits le communisme à tout ce qui, de près ou de loin, est désigné (bien abusivement et à tort) comme fasciste, cela aussi est un signe de la dégénérescence mentale de la droite (ou de ce qui en tient lieu).
Au point où en sont les choses, Villepin semble aujourd’hui plus proche de la direction de LFI que l’ancien Insoumis François Ruffin qui est désormais en rupture totale avec Mélenchon et qui a été pour cela copieusement sifflé à la Fête de l’Huma où il était lui aussi invité à s’exprimer. « Un choix nous sépare de la direction des Insoumis depuis deux ans. C’est un choix de se dire : est-ce qu’on parle au pays en entier, ou au pays à moitié », avait résumé Ruffin, le 11 septembre sur BFMTV. Treize ans se sont écoulés depuis la publication de la note de Terra Nova, ce laboratoire d’idées proche du Parti socialiste, qui préconisait à la gauche d’abandonner les ouvriers au profit « d’autres segments électoraux », à savoir « les diplômés, les jeunes, les minorités des quartiers populaires et les femmes ». Le député de la Somme explique avoir mené une campagne « au faciès » lors des législatives de 2022, malgré sa “honte” de procéder ainsi. « Dans les immeubles d’Amiens nord, quand je tombais sur un Noir ou un Arabe, je sortais la tête de Mélenchon en bien gros sur les tracts. C’était le succès presque assuré », raconte-t-il, « mais dès qu’on tombait sur un Blanc, ça devenait un verrou. ». Une séquence sur BFM illustre bien les divergences entre les deux hommes. On y voit le fondateur de la France insoumise enjoindre à une militante de « mobiliser la jeunesse et les quartiers populaires. ». « Tout le reste, laissez tomber, on perd notre temps », poursuit-il. Réplique de Ruffin aux propos de Mélenchon : « Est-ce que c’est perdre son temps de parler aux éboueurs d’Abbeville qui se lèvent à quatre heures du matin et viennent de perdre leur prime ? Est-ce que c’est perdre son temps de parler à l’aide-soignante qui se prive de vacances et ne pourra pas offrir à sa fille son activité poney ? » Dans Le Nouvel Obs, François Ruffin perçoit dans cette stratégie un “mépris” de Jean-Luc Mélenchon à l’égard de la France périphérique, un mépris de classe, pourrait-on dire. Dans son livre, il assure d’ailleurs que le leader insoumis utilise des mots blessants à l’égard de la population d’Hénin-Beaumont, où il a affronté Marine Le Pen aux législatives de 2012 : « Quand il me racontait Hénin, c’était à la limite du dégoût : “On ne comprenait rien à ce qu’ils disaient”…, “ils transpiraient l’alcool dès le matin”…, “Ils sentaient mauvais”…, “Presque tous obèses”… »
Si en effet la stratégie de la direction de la France insoumise ne manque pas de cynisme mais se révèle électoralement efficace pour obtenir le vote massif des banlieues et des Français récemment naturalisés (que d’aucuns appellent des « Français de papier »), car elle a bien compris qu’elle n’obtiendrait jamais le vote massif des Français de souche, celle de Ruffin voulant rassembler la France « des tours et celle des bourgs », c’est-à-dire les immigrés et les “souchiens” (selon l’expression pour le moins méprisante de la fondatrice des Indigènes de la République, Houria Bouteldja), à supposer qu’elle soit sincère, ce qui est douteux chez un opportuniste de cet acabit, est illusoire car ces deux France n’ont rien à se dire et ne regardent pas dans la même direction, n’ont pas les mêmes intérêts ni les mêmes objectifs. Et c’est pourquoi d’ailleurs, quand elles votent (car une partie non négligeable s’abstient, non sans raison), elles ne s’expriment pas de la même manière dans les urnes. Quand ils votent, les petits Blancs s’expriment massivement pour le RN bien que ce dernier ne mérite pas leurs suffrages, les trahit et les trahira comme les autres. Quand ils votent, les immigrés plébiscitent la France insoumise (malgré ses positions pro-LGBTistes, laïcistes et abortives, a priori peu en phase avec le public mahométan qui ne lui en tient manifestement pas rigueur dans les urnes) qui a compris que son gisement électoral se trouvait de ce côté-là et nulle part ailleurs et qui adapte donc son discours, sa stratégie et ses priorités en fonction, en parlant de “créolisation” et en appelant de ses vœux « une nouvelle France » où de facto les Français de souche n’auront plus leur place, et encore moins leur mot à dire. Mais cela n’empêche pas qu’au niveau des politiciens, on puisse passer tout à coup de LFI au RN, comme Ambroise de Rancourt, ou inversement !
Enfin, pour être complet sur Ruffin, il ne faut pas oublier qu’il brûle de concourir à la prochaine présidentielle et qu’il a donc besoin du soutien, ou à tout le moins, de la neutralité bienveillante du Lobby. Sa prise de distance avec Mélenchon date essentiellement du 7 octobre 2023 quand le chef des Insoumis, contrairement à Ruffin, a refusé de cautionner la guerre génocidaire de l’entité sioniste contre les Palestiniens et qu’il s’est fait traiter pour cela d’antisémite. Malgré les apparences, Ruffin est donc un insoumis très soumis. Mais au final n’est-ce pas le cas de tous — ou de quasiment tous — les actuels politiciens qui sont invariablement sans cœur, sans honneur et sans grandeur ? […]
RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.
Billet hebdomadaire
Mythes et propagande israéliens
La politique expansionniste, d’épuration ethnique et génocidaire, de l’État d’Israël est “légitimée” par des mythes qui servent de justification à ses crimes et à la colonisation ; en somme, aux fondements pratiques de son existence. Nous allons nous attacher ici à déconstruire certains de ces mythes persistant dans l’esprit des gentils…
“UNE TERRE SANS PEUPLE POUR UN PEUPLE SANS TERRE”
Le mythe d’« une terre sans peuple pour un peuple sans terre » a pris une place importante dans le discours sioniste, sous-entendant que la Terre sainte, vide, attendait que les juifs vinssent la repeupler, rejetant l’existence même des Palestiniens en tant que peuple. Ainsi, les Juifs sionistes, dans les années 1930, continuaient à parler de la Palestine comme d’une terre « déserte, négligée, abandonnée, qu’ils étaient appelés à sauver, des Arabes, apparemment. » Alors qu’en réalité « la Palestine a toujours été pleinement cultivée, autant qu’un peuple qui n’a pas de grosses fortunes et use de méthodes primitives peut le faire. Ils n’étaient pas épaulés par des initiatives ou par la finance, ne pouvaient pas entreprendre des travaux d’irrigation, de drainage de marais et autres projets requérant un financement. Mais leur culture de la terre était convenable et suffisante. En ce qui concerne les vergers d’orangers, ils réussissaient extrêmement bien et les Juifs qui leur ont succédé ont souvent appris des cultivateurs du pays plus que de leurs livres », rapporte Béatrice Steuart Erskine en 1935.
LES PALESTINIENS SERAIENT ANTI-JUIFS
Avant l’arrivée en masse d’immigrés juifs d’Europe de l’Est et centrale, vivaient paisiblement en Palestine des juifs. En 1881, en Palestine (dans les limites de ce qu’on nommera plus tard la Palestine mandataire), on comptait environ 470 000 habitants, dont 25 000 juifs. En 1914, le pays comptait un peu plus de 720 000 habitants dont près de 80 000 juifs. Il faut donc distinguer deux communautés juives en Palestine : le vieux Yichouv (la vieille communauté juive) et le nouveau Yichouv (les immigrés juifs européens) qui commencent à émigrer vers la Palestine dans les années 1870. En 1918, les Palestiniens acceptent l’idée d’une nouvelle immigration juive, mais à condition que ce soit dans le cadre d’une égalité des droits avec les autres populations. Mais comme le fait remarquer Henry Laurens, pour les sionistes, cette égalité est inacceptable, du fait qu’ils désirent au minimum une communauté nationale exclusive et au maximum l’appropriation de toute la Palestine.
La même année, les Palestiniens, organisés en comités islamo-chrétiens composés de notables représentant les grandes agglomérations, commencent à organiser des manifestations contre ce qu’ils perçoivent comme une future expropriation. Au début des années 1920, l’Association islamo-chrétienne était devenue la principale organisation politique palestinienne.
Pendant les années 1920, le Foyer national juif reçut, en plus de l’aide britannique, de l’argent de grandes fortunes juives américaines. Un certain nombre de juifs de Russie, à qui la Grande-Bretagne accorda des visas d’immigration, s’installèrent en Palestine.
« Le Yichouv [communauté juive] se fonde en tant que refus absolu de toute collaboration économique et sociale avec la population arabe. L’exclusivisme juif, nécessaire pour la constitution du foyer national, fait que toute interaction avec le secteur arabe est considérée comme une défaillance qu’il faut absolument pallier. L’ambiguïté historique du sionisme en tant que formulation nationale et laïcisante d’une communauté jusqu’alors définie en termes religieux constitue le Yichouv en entité hybride : un ensemble civique ayant le droit de s’appeler “peuple”, mais dont les critères d’appartenance sont définis par une appartenance religieuse. »
L’immigration devait s’intensifier et les frontières s’élargir. « La Palestine du mandat est tronquée, disaient les Juifs ; c’est l’antique Palestine historique qu’il faut voir, avec les districts actuellement libanais, syriens, transjordaniens, car elle devait s’étendre aux terres basses de l’est de la vallée jusqu’aux plateaux orientaux, et inclure, évidemment, au sud-ouest, le désert du Sinaï. »
Les révoltes se multiplient contre les immigrés, dans un pays où les Juifs n’avaient jamais été inquiétés auparavant. Les Juifs palestiniens ne sont jamais visés, car ils sont, tout comme les Palestiniens chrétiens et musulmans, des autochtones.
Les immigrés juifs se plaignent que le Mandat est pro-arabe, et entretiennent une forte immigration illégale parallèlement à celle qui est autorisée. Ils revendiquent même l’ouverture de la Transjordanie (l’ancien nom de la Jordanie) à l’immigration.
Deux événements sont mentionnés par les sionistes pour démontrer à quel point les Palestiniens sont hostiles aux immigrés juifs : les révoltes ou pogroms de 1929 et de 1936. Voici le contexte.
Dès le début des années 1920, des confrontations éclatent entre immigrés juifs et Palestiniens, mais également entre juifs immigrés socialistes et juifs palestiniens communistes : le 1er mai 1921, à Jaffa, des incidents et des heurts entre eux vont durer trois jours. Témoins des affrontements, des Arabes de Jaffa se joignent aux juifs palestiniens et attaquent un foyer d’immigrants juifs.
« La ville entière de Jaffa fut rapidement le théâtre d’une sauvagerie extrême, rapporte le 5 mai 1921 le drogman du consulat de France. Musulmans et chrétiens assommaient à coups de bâton tous les Juifs qu’ils rencontraient sur le chemin. »
En outre, les juifs palestiniens religieux du vieux Yichouv s’opposent aux immigrés juifs — après les avoir accueillis dans les années 1880 — pour deux raisons principales : l’influence sioniste qu’ils exercent sur les juifs palestiniens, et leur absence totale de pratique religieuse. Ils pointent du doigt alors les dangers d’une nouvelle colonisation.[…]
Jean TERRIEN.