Rivarol n°3637 du 20/11/2024 (Papier)
Editorial
Marine Le Pen bientôt exclue de la vie politique ?
LE 13 NOVEMBRE, les réquisitions du procureur de la République contre les principaux dirigeants passés et présents du RN dans l’affaire des emplois présumés fictifs des assistants au Parlement européen ont résonné comme un véritable coup de tonnerre. Contre Marine Le Pen d’abord, considérée par le ministère public comme la donneuse d’ordres, ont été requis cinq ans de prison, dont deux ferme (à exécuter sous bracelet électronique) et trois avec sursis, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Contre Bruno Gollnisch ont été requis trois ans de prison, dont deux avec sursis, 200 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Contre Nicolas Bay ont été requis 18 mois dont 12 avec sursis, 30 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité. Contre le maire RN de Perpignan Louis Aliot ont été requis 18 mois de prison dont 12 avec sursis, 30 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité. Contre Thierry Légier, présenté par l’accusation comme le garde du corps de Jean-Marie puis de Marine Le Pen (et non pas comme assistant parlementaire), ont été requis 18 mois avec sursis, 70 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité. Contre Yann Le Pen, sœur cadette de Marine Le Pen, ont été requis 18 mois avec sursis, 50 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité. Contre Julien Odoul ont été requis 10 mois avec sursis, 20 000 euros d’amende et un an d’inéligibilité. Contre Wallerand de Saint-Just, ancien trésorier du FN, ont été requis trois ans de prison dont deux avec sursis, 200 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.
Mais le plus frappant sans doute dans ces réquisitions extrêmement sévères, c’est la demande d’exécution provisoire de la peine pour l’ensemble des prévenus (24 personnes physiques en tout). Autrement dit, si le tribunal qui doit rendre sa décision en principe au printemps 2025 suit l’avis du Parquet, les personnes condamnées devront exécuter leur peine immédiatement, même si elles font appel. Autrement dit, Marine Le Pen et ses proches seraient aussitôt inéligibles et l’ex-présidente du Rassemblement national ne pourrait pas concourir à la prochaine élection présidentielle, qu’elle soit ou non anticipée, sauf si la cour d’appel inversait avant le printemps 2027 la décision des juges de première instance. Ajoutons pour être complet que le Parlement européen, en tant que partie civile, réclame 3,4 millions d’euros, plus 300 000 euros de préjudice moral, soit 3,7 millions d’euros en tout, au Rassemblement national. Contre ce même RN, considéré comme personne morale, le ministère public requiert, quant à lui, une amende de 4,3 millions d’euros dont 2,3 millions avec sursis. Les deux procureurs ont également demandé la confiscation immédiate du million d’euros d’actifs gelés du parti.
Bref, s’il s’agit à ce stade de simples réquisitions que les magistrats de la onzième chambre du tribunal correctionnel de Paris sont naturellement libres de suivre entièrement ou en partie, ou de ne pas suivre du tout, c’est évidemment une bien mauvaise nouvelle pour Marine Le Pen qui accusait manifestement le coup — qu’elle n’avait pas vraiment vu venir, semble-t-il — à la sortie de l’audience où, les yeux rougis, elle a dénoncé le caractère « violent et outrancier » des réquisitions des deux procureurs et stigmatisé une volonté du Parquet de l’ « exclure de la vie politique ». Invitée deux jours plus tard du journal télévisé de TF1, elle dénoncera pareillement « une peine de mort politique ».
QUE PENSER de tout cela si l’on s’essaie à examiner les choses de la manière la plus objective, la plus exhaustive et la plus dépassionnée ? Que les réquisitions du Parquet, au vu des faits reprochés (nous allons y venir), soient très sévères, voire outrancières, ne fait certes guère de doute. Le plus frappant est la volonté du ministère public de voir appliquer à tous les prévenus l’exécution provisoire de la peine à laquelle ils seraient condamnés par le tribunal judiciaire de Paris. Il est en effet relativement rare que l’exécution provisoire, en soi parfaitement légale, soit ordonnée dans ce genre de dossiers, même si cela a été fait récemment contre l’ancien maire LR de Toulon, Hubert Falco qui, du fait de l’exécution provisoire, a perdu d’un coup tous ses mandats électifs. Cette disposition se justifie pleinement lorsqu’il existe un risque sérieux de récidive de commission d’un délit ou d’un crime. Par exemple, quelqu’un qui a été condamné en première instance pour viol, pour meurtre, pour braquage d’un commerce, pour acte terroriste, pour trafic de drogue, pour violences sur des personnes ou atteinte grave à des biens, etc., peut voir sa peine être assortie de l’exécution provisoire pour protéger la société ou des tiers menacés. Le condamné peut bien sûr faire appel mais sa peine est exécutoire immédiatement.
En revanche, pour des délits politico-financiers, aussi avérés soient-ils, l’usage est généralement d’attendre une condamnation définitive (donc après appel et cassation) pour que la sentence soit appliquée. L’exécution provisoire doit rester, nous semble-t-il, une disposition relativement exceptionnelle, limitée aux crimes et délits les plus graves et lorsqu’il existe un risque élevé de récidive. Même l’avocat du Parlement européen, Me Patrick Maisonneuve, pourtant hostile aux prévenus, s’est dit défavorable à l’exécution provisoire dans ce dossier. Pour justifier leur demande en ce sens, les deux procureurs ont développé deux arguments. Le premier concerne précisément le risque élevé de récidive. Mais cette observation ne tient pas la route. Vu en effet comme le RN est désormais surveillé par l’administration du Parlement européen, par l’OLAF (l’Office européen de la lutte antifraude) et par ses adversaires politiques, on voit mal comment il pourrait, même s’il en avait la velléité, sauf à être totalement suicidaire, sourd et aveugle, poursuivre les pratiques qui ont été les siennes de 2004 à 2016 et qui lui sont aujourd’hui pénalement reprochées. Le deuxième argument des procureurs en faveur de l’exécution provisoire, c’est la nécessité de rendre la justice dans des délais raisonnables. Un procès en appel et un pourvoi en cassation ne rendraient exécutoire une condamnation qu’en 2028 au plus tôt, compte tenu des délais habituels de l’institution judiciaire. Or, ce dossier dure depuis près de dix ans (depuis les premiers signalements en mars 2015). Il est temps, selon eux, que la justice soit rendue et les peines exécutées. Cet argument se tient davantage que le premier. Mais, précisément, si cette affaire dure depuis dix ans, on ne voit pas en quoi il serait dramatique qu’elle puisse encore s’étendre sur deux ou trois années, le temps que les décisions soient définitives. Dans ces dossiers politico-financiers, la durée de l’instruction, puis des procès, puis des décisions judiciaires, est toujours très longue. On peut sans doute le regretter pour une bonne administration de la justice, mais c’est ainsi. Dans l’affaire des HLM de Paris, le dossier avait mis près de vingt ans à être définitivement jugé. Les avocats du RN avaient, quant à eux, déposé 45 recours en amont de ce procès. Cela a évidemment retardé l’échéance. Mais on peut difficilement reprocher à la défense d’utiliser toutes les voies légales de recours. De même quelqu’un qui fait appel est présumé innocent. Il serait regrettable de faire fi de tout cela.
POUR AUTANT, peut-on vraiment considérer que, dans ce dossier, les dirigeants du RN sont totalement exempts de reproches et qu’ils sont les innocentes victimes d’une odieuse persécution politico-judiciaire ourdie par des adversaires ? La réalité est certainement plus complexe. Certes, tous les arguments avancés par la défense ne sont pas totalement infondés. Notamment lorsqu’est mise en avant la liberté du parlementaire de choisir ses assistants, de les faire travailler dans un cadre qui est éminemment politique et partisan, surtout pour un parti d’opposition à l’Union européenne. Par ailleurs, il est faux sur le plan strictement arithmétique de dire, comme le fait l’accusation, que le contribuable européen a été lésé par les agissements du RN. L’enveloppe mensuelle de 21 000 euros (une paille !) qui est allouée à chaque eurodéputé aurait de toute façon été intégralement dépensée, que ce soit pour un travail au Parlement européen ou que ce soit au service exclusif du Rassemblement national. Donc, dans cette affaire, contrairement à d’autres, le contribuable n’a objectivement pas été lésé, même si on peut considérer extravagantes les sommes allouées par le Parlement européen à chaque eurodéputé. Là en revanche où le bât blesse, c’est l’extrême légèreté avec laquelle la direction du RN en général, et Marine Le Pen en particulier, ont agi. On répète volontiers dans les milieux nationaux actuellement pour excuser les agissements du RN que tous les partis politiques ont agi de même. C’est exact. Mais outre que ce n’est pas parce que quelqu’un a fauté qu’il faut l’imiter, ces différents partis n’ont en général jusque-là pas agi de manière aussi industrielle, grossière et ostentatoire que ce qui a été fait pendant plus de dix ans par le RN.
Pour bien comprendre ce qui s’est passé, un petit retour en arrière s’impose. Lorsque Marine Le Pen prend les rênes du FN en 2011 et que la même année le Paquebot, l’ancien siège national du FN, est vendu, les dettes du Front sont apurées et le mouvement va connaître un essor politique, électoral et financier. Les législatives de 2012 permettent un fort accroissement du financement public annuel. La défaite de Sarkozy, la guerre fratricide entre Copé et Fillon, la présidence calamiteuse de Hollande servent les desseins du FN. Et plus encore les attentats islamistes, comme ceux de Mohammed Merah, la guerre en Libye puis en Syrie avec les afflux de migrants et de vrais-faux réfugiés. Tout concourt au succès du FN qui voit le nombre de ses adhérents fortement augmenter, ainsi que le nombre de ses élus, et donc de leurs cotisations.
Malgré ces succès — et c’est cela qui est inouï —, les dépenses dérapent, et dérapent même de plus en plus. Sait-on que le FN mariniste a été endetté à hauteur de plus de 24 millions d’euros au milieu des années 2010, et même bien au-delà, ce qui est à peine croyable, alors qu’il disposait de millions d’euros annuels de financement public, d’adhésions, de dons et de cotisations ? Le courriel que le trésorier national, Wallerand de Saint-Just, envoie à Marine Le Pen en 2014, peu avant les élections européennes, et qui a été retrouvé par les enquêteurs, est à cet égard éloquent. Que dit-il en substance ? Les dépenses dérapent de plus en plus, la dette et les déficits du parti sont hors contrôle. Nous ne nous en sortirons, écrit-il fort imprudemment — d’aucuns diront de manière imbécile — que grâce au Parlement européen. Qu’est-ce à dire ? Eh bien c’est simple : puisque nous dépensons beaucoup plus que ce que nous récoltons, il faut faire payer par le Parlement européen des assistants parlementaires qui travailleront en réalité pour le parti et qui ne seront donc pas à sa charge. Et c’est ce qui a été fait de manière systémique, systématique sur ordre personnel de Marine Le Pen, au point par exemple de faire payer par le Parlement européen l’embauche de son garde du corps, Thiery Légier, déguisé en assistant parlementaire. L’ex-eurodéputé Jean-Claude Martinez racontait à la télévision que son assistante parlementaire de l’époque, Huguette Fatna, servait de nounou pour les enfants de Marine Le Pen et qu’elle n’avait jamais été au Parlement européen. Huguette Fatna ne l’a jamais poursuivi pour diffamation à notre connaissance. Ce qu’il a dit doit donc être vrai. N’est-ce pas franchement abuser que de faire payer sa nounou ou son garde du corps, ou même sa secrétaire personnelle, par le contribuable français et européen ?
Lors d’une réunion au Parlement européen, le 4 juin 2014, au lendemain du scrutin européen, Marine Le Pen dit en substance aux 24 eurodéputés FN élus qu’ils pourront, sur les 21 000 euros alloués mensuellement à chacun d’entre eux par le Parlement européen, prendre un seul assistant parlementaire pour leur compte mais que les deux autres, choisis par elle-même, travailleront pour le parti, bien que payés intégralement par Bruxelles. C’est exactement ce que l’on appelle juridiquement un emploi fictif. Les dirigeants du RN disent que ces assistants parlementaires travaillaient bien et que donc leur emploi n’était pas fictif. Certes, ils travaillaient mais pour le parti, pas dans le cadre du Parlement européen. Sur ce plan, c’est exactement la même chose que les emplois fictifs à la mairie de Paris sous l’ère Chirac-Juppé. Les permanents du RPR étaient payés par la mairie de Paris. Ils travaillaient certes réellement, à temps plein, mais seulement pour le RPR, nullement pour la mairie de Paris par laquelle et pour laquelle ils étaient payés officiellement. C’est cela, un emploi fictif. C’est lorsqu’on fait financer de manière illicite et en pleine connaissance de cause par une entité des salaires pour des personnes qui, en réalité, travaillent pour une autre structure. Or, à l’époque, lorsqu’Alain Juppé avait été rendu inéligible pour avoir mis en place avec Chirac (qui était alors protégé par son immunité présidentielle et qui sera donc condamné dans ce dossier plus tard) ce système d’emplois fictifs au profit exclusif du RPR, et donc de l’ambition présidentielle de Chirac, le Front national avait bruyamment applaudi cette condamnation judiciaire. Est notamment ressortie ces jours-ci sur les réseaux sociaux une vidéo de 2004 où Marine Le Pen, à propos de cette affaire d’emplois fictifs, s’en prenait avec virulence à « ces politiques qui piquent dans la caisse », ce qui était, selon elle, scandaleux. C’est l’histoire de l’arroseur arrosé. C’est le train de vie totalement délirant du FN mariniste qui l’a conduit à cette fuite en avant, à utiliser de manière grossière, industrielle et ostentatoire, sans la moindre prudence, la manne du Parlement européen pour continuer à mener un train de vie incompatible avec les recettes, pourtant très importantes, dont il disposait. Si l’on consulte les comptes annuels déposés par le FN lui-même depuis quinze ans à la commission nationale des comptes de campagne, on est stupéfait de constater des millions d’euros de dettes et des centaines de milliers d’euros de déficits pour chaque année comptable. Et cela s’aggrave d’année en année. C’est extravagant. Et ce malgré les millions d’euros annuels de financement public, les dons, les adhésions et les cotisations en grand nombre. On constate une masse salariale pléthorique, des salaires extravagants, des frais de bouche exorbitants, des voyages à des prix extrêmement élevés, etc. Marine Le Pen et sa cage aux folles, ce sont des fontaines à champagne matin, midi et soir, des petits fours à volonté, des soirées mondaines à n’en plus finir. Il faut toujours faire la fête, chanter, danser, s’éclater, remuer le popotin. C’est une gestion non seulement dispendieuse mais ruineuse des deniers du mouvement.
VOILÀ ce qui explique ce qui a été fait pendant des années au Parlement européen et ce dont le RN subit aujourd’hui les conséquences. Il y a certes des affaires politico-financières infiniment plus graves que celle-ci. On songe particulièrement au crime du sang contaminé ou même, dans un autre registre, à l’affaire dite des lycées d’Ile-de-France. En amont de la construction d’établissements scolaires franciliens, les conseillers régionaux des différents groupes et partis politiques du conseil régional d’Ile-de-France s’étaient mis d’accord pour utiliser des matériaux de construction à bas prix, et donc de mauvaise qualité, mais facturés comme des matériaux de qualité, pour pouvoir bénéficier de fructueux dessous de table. Moyennant quoi, lorsqu’une grande tempête a soufflé sur la région parisienne, nombre de ses infrastructures, de piètre qualité, se sont écroulées. Et c’est ainsi que le pot aux roses a été découvert. Par chance, cette tempête avait soufflé à un moment où personne n’était présent dans ces lycées mais on imagine la tragédie si ces événements avaient eu lieu pendant les cours en semaine. La corruption peut donc avoir des conséquences absolument dramatiques.
Du fait de ses dépenses mirobolantes, Marine Le Pen a été conduite, dans une forme de fuite en avant, et avec un total sentiment d’impunité, à mettre en place un système manifestement illicite et frauduleux visant à ponctionner l’essentiel des enveloppes alloués aux eurodéputés RN pour leurs assistants parlementaires au profit exclusif du parti qui n’avait ainsi pas à payer les salaires et les charges afférentes. Il y a certes des délits bien plus graves et bien plus choquants, on est bien d’accord, mais lorsque l’on a imprimé massivement des affiches avec comme slogan « tête haute et mains propres », lorsqu’on a dénoncé des années durant la corruption généralisée et les petits arrangements des autres partis, lorsqu’on demande à la justice d’être impitoyable avec les petits délinquants, de les juger rapidement et d’appliquer des peines planchers, cela est quand même très gênant. Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais. Comment peut-on à la fois dénoncer à juste titre la petite délinquance dans la rue qui empoisonne le quotidien des braves gens et en même temps se scandaliser que la délinquance en col blanc soit elle aussi pénalisée ? Lorsque des journalistes faisaient remarquer à Jean-Marie Le Pen que le PS dans l’affaire Urba-Graco et le RPR avec la mairie de Paris n’avaient au fond rien fait de mal, le Menhir avait vivement répliqué : « Si. Ils ont violé la loi qui interdit de voler et de tricher ». C’était rigoureusement exact.
POUR SE DÉFENDRE, les dirigeants du RN affirment qu’il n’y a eu aucun enrichissement personnel. Cet argument, utilisé par tous les politiciens trempés dans des scandales politico-financiers, et qui fut inventé par François Mitterrand lui-même pour légitimer la crapulerie d’Henri Emmanuelli, alors trésorier du PS et impliqué jusqu’au cou dans l’affaire Urba-Graco, un dossier de financement occulte et illicite du Parti socialiste, est spécieux et hypocrite. Car il est bien évident que le politicien qui bénéficie de mandats électifs, avec les émoluments et tous les avantages qui vont avec, s’enrichit de manière incontestable. Un enrichissement, même très important, n’a rien en soi de condamnable. Il est ridicule voire odieux de flétrir les gens qui ont réussi grâce à leur travail, à leurs mérites, à leur talent, parfois à leur génie, parfois grâce à leur chance (il en faut aussi un peu). Mais encore faut-il qu’il ait été réalisé de manière honnête. A cet égard, on ne dira jamais assez combien la démocratie corrompt même les meilleurs et qu’entrer dans ce système ne peut qu’amener non seulement à se salir les mains, à ne plus avoir le sens du réel mais, pire encore, à perdre son âme.
Que dire à cet égard de la défense consternante de la plupart des accusés ? En dehors de Gollnisch qui fut brillant comme à son habitude et qui connaissait parfaitement son sujet, combien furent affligeantes les réponses des principaux prévenus ? Marie-Christine Arnautu a ainsi déclaré qu’elle ne se souvenait plus de ce qu’avait dit Marine Le Pen lors de cette fameuse réunion du 4 juin 2014 car elle était sortie fumer tant ces réunions la saoulent ! Comme à son habitude, Wallerand de Saint-Just, ex-trésorier du RN, a été grandiose. L’eurodéputé FN, Jean-Luc Schaffhauser, avait écrit un courriel à Saint-Just après la réunion du 4 juin 2014 en lui disant : « Ce que Marine Le Pen nous demande équivaut à signer pour des emplois fictifs. On va se faire allumer. » Honneur à lui qui a eu sur ce point la lucidité et le courage de prévenir des risques encourus ! Naturellement il n’a été ni écouté ni entendu. Marine Le Pen n’en fait qu’à sa guise et si on émet une réserve, une critique ou une objection, non seulement elle vous hurle dessus mais vous pouvez dire adieu à tout nouveau mandat électif et à toute responsabilité au sein du parti. C’est cela, la gestion autocratique d’un mouvement ! Saint-Just avait répondu à Schaffhauser ces simples huit mots : « Je crois bien que Marine sait tout cela. » Fermez le ban ! Eh bien, lors de son interrogatoire devant le tribunal, Wallerand de Saint-Just, qui est un Himalaya d’intelligence, à l’instar de tous les proches de la patronne (Médiocres, venez à moi, je suis votre reine !), a osé dire : « J’ai répondu ça parce qu’il m’emmerdait ». Quelle finesse d’esprit ! Et combien ce genre de propos est convaincant pour le tribunal ! Marine Le Pen a fait fort également dans ce registre. Elle s’est même surpassée. Tout au long du procès, elle a dénoncé « la tonalité de partialité » de la présidente du tribunal. Elle a certes parfaitement le droit de le penser, et même de le dire en petit comité. Mais est-ce habile, est-ce intelligent de s’en plaindre coram populo, de dénoncer l’attitude de celle qui va la juger auprès des journalistes, de tous les grands media ? C’est la meilleure façon de l’indisposer. C’est de la psychologie élémentaire. Mais comprendre cela, c’est beaucoup demander à Marine Le Pen.
RESTE qu’on peut s’interroger sur la sévérité des réquisitions du Parquet. Compte tenu de tous les reniements et de toutes les reptations de Marine Le Pen, elle est bien mal récompensée. Est-ce parce qu’elle porte le nom de Le Pen et que cela reste, malgré tout, un symbole qu’il faut abattre ? Est-ce parce que le Système aurait décidé de dégager la place pour le jeune et ambitieux Jordan Bardella qui se cache à peine de vouloir prendre prochainement la place de la patronne ? Pourtant, sur le papier, au moins sur la forme (nous ne parlons pas du fond qui ne vaut pas mieux), il semble un bien meilleur candidat pour la prochaine présidentielle. Quel intérêt aurait donc l’Etablissement à éliminer Marine Le Pen rapidement et à mettre sur orbite le sémillant Bardella ? A priori on a du mal à comprendre. Sauf peut-être à penser que sur le fond Bardella pourrait s’avérer au final pire encore que Marine Le Pen et aller encore plus loin qu’elle, ce qui semble toutefois difficile, dans les reniements et dans la pleine banalisation du mouvement.
En tout cas, ce procès témoigne précisément de la totale normalisation du Rassemblement national qui, dans ses méthodes, dans ses mœurs, dans sa mentalité, dans ses éléments de langage — « je n’avais pas le sentiment de commettre quelque chose d’illégal » a plaidé Marine Le Pen. Emmanuelli et Juppé disaient exactement la même chose en leur temps —, s’assimile de plus en plus aux autres partis. Comme le PS et le RPR avant lui, il sera, selon toute vraisemblance, condamné pour emplois fictifs et détournement de fonds publics. Même s’il y a d’évidence, en partie au moins, une dimension politique dans cette affaire, le dossier est loin d’être totalement vide, même s’il n’est pas d’une gravité absolue, et il reste de toute façon infamant d’être condamné en justice pour de sordides affaires politico-financières. Tout cela est infiniment triste et c’est un formidable gâchis. Certes, cela n’entraînera pas la disparition pure et simple du Rassemblement national qui bénéficie actuellement de 15 millions d’euros annuels de financement public du fait de ses résultats aux législatives du 30 juin 2024 et de son très grand nombre de députés et le RN pourra sûrement compter par ailleurs sur la générosité de ses militants, adhérents et sympathisants — les fans sont toujours généreux et indulgents, voire aveugles. Ceux de l’UMP avaient ainsi massivement aidé Sarkozy à hauteur de millions d’euros à la suite de ses déboires liés à l’affaire Bygmalion —. Mais l’avenir politique de Marine Le Pen s’inscrit désormais en pointillés. D’autant que les juges, contrairement à ce qu’ils faisaient naguère, n’hésitent plus à se payer des politiques. Il n’est que de voir la façon dont a été jugé un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, conduit de force à l’aube chez un juge d’instruction et lourdement condamné, non seulement à de fortes amendes, mais à de la prison ferme, même si la peine n’est pas encore définitive à ce stade. Et que dire également de François Fillon qui a pris la foudre avec l’emploi fictif de son épouse Pénélope ? On a le droit sans doute de juger ces condamnations très ou trop sévères mais le problème, c’est que tout était vrai hélas dans ce qui leur était reproché. Absolument tout. Ce n’est pas une pure invention des juges. De même faut-il rappeler que ce ne sont pas les magistrats qui ont inventé la peine d’inéligibilité, non plus d’ailleurs que l’exécution provisoire. C’est le législateur. Ce sont les députés et les sénateurs qui font la loi et qui protestent dès qu’on la leur applique. S’ils jugent la loi mauvaise, qu’ils la changent. On remarquera d’ailleurs que la plupart des politiciens, de Darmanin à Mélenchon, en passant par Madelin et Zemmour, ont plutôt défendu Marine Le Pen dans cette affaire. Sans doute parce qu’eux-mêmes n’ont pas la culotte propre. Plus que jamais se vérifie l’adage : « je te tiens par la barbichette, tu me tiens par la reniflette. »
D’aucuns ont ainsi affirmé que c’était au peuple, et au peuple seul, de décider si un politicien est ou non coupable, et non à des magistrats. Ce qui impliquerait de supprimer toutes les peines d’inéligibilité prévues dans le code pénal. Ainsi par exemple que l’a fait la Suisse. L’argument qui consiste à mettre le suffrage universel au-dessus de tout et à faire du peuple le juge de paix peut sans doute, en partie au moins, intellectuellement se défendre. Il a l’avantage d’éviter toute tentative ou suspicion d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques afin d’éliminer un adversaire de la compétition électorale. Mais il a aussi un grave inconvénient. C’est que cela met les hommes politiques, et eux seulement, au-dessus des lois. Un médecin, un chef d’entreprise, un artisan, un salarié qui vole, qui triche, qui détourne des fonds, est impitoyablement condamné. Les politiciens seuls auraient le droit de violer les lois et ne pourraient être sanctionnés que par le suffrage universel, non par la justice. Autrement dit, si l’on est corrompu, il suffit de se présenter à une élection et de dire : « je refuse d’être jugé par des magistrats professionnels pour les délits qui me sont reprochés. Seul le suffrage universel sera mon juge ». Si on avait appliqué ce principe dans toute sa rigueur, Patrick Balkany serait encore maire de Levallois-Perret aujourd’hui car il était très apprécié, malgré toutes ses casseroles tintinnabulantes, par la majorité de ses administrés. Si la justice ne l’avait pas rendu inéligible du fait de sa corruption répétée — et à quel niveau ! —, il serait encore en fonction car le peuple est tout à fait capable dans bien des cas de plébisciter des voyous et des corrompus si par ailleurs il leur trouve un certain nombre de qualités ou qu’il y voit son intérêt.
ENFIN, d’aucuns se demanderont s’il n’y a pas dans cette affaire une forme de justice immanente. Marine Le Pen a dénoncé la violence et l’outrance des réquisitions contre elle et s’est plainte de ce que l’on souhaitait l’exclure de la vie politique, la condamner à la mort politique. Si les magistrats suivent l’avis du Parquet, c’est en effet ce qui se produira. Mais est-elle bien placée pour dénoncer tout cela ? Elle-même n’a-t-elle pas agi avec violence et outrance lorsqu’elle a exclu son père auquel elle devait tout du parti qu’il avait fondé et de la vie politique ? Ne l’a-t-elle pas condamné définitivement, au printemps 2015, de manière violente et injuste, à la mort politique ? Dix ans plus tard, quasiment jour pour jour, au printemps 2025, elle sera peut-être condamnée à son tour à la mort politique. Par un tribunal cette fois. Pour détournement de fonds publics. On finit toujours par payer ses fautes et ses crimes. D’une manière ou d’une autre. N’a-t-elle pas été violente lorsque, cet été encore, elle a exclu de braves, sincères et désintéressés cadres historiques du RN, de Laurent Gnaedig à Marie-Christine Parolin, le premier parce qu’il avait défendu Jean-Marie Le Pen en refusant de le dire antisémite (comme Bardella lui-même huit mois plus tôt, avant que ce dernier mange son chapeau), la seconde parce que, dans une interview, elle avait osé défendre le travail, la famille et la patrie, ce qui l’a fait exclure du parti pour pétainisme ! Marine Le Pen dénonce la répression qui s’exerce contre elle mais la répression impitoyable et injuste qu’elle met en œuvre au sein du mouvement depuis 2011, et même avant avec les purges qui ont précédé sa prise de pouvoir officielle, ne lui pose aucun problème de conscience. Exclure de braves militants honnêtes voulant défendre leur patrie simplement parce qu’ils ont dit un mot de travers ou nui à l’entreprise dite de dédiabolisation ne l’a jamais gênée ni empêché de dormir. Elle a la chance dans son malheur d’être entourée d’avocats, de pouvoir faire appel, d’aller en cassation. Lorsque l’on est convoqué devant la commission de discipline du RN, il n’y a ni avocat pour être défendu, ni appel, ni cassation ni aucun recours possible. La sentence est sans appel, définitive et immédiatement exécutoire. La décision est déjà prise avant même que la commission soit réunie. Tout cela n’est qu’une sinistre farce. Tous les exclus, tous les purgés du RN par charrettes entières peuvent le confirmer.
Oui, il y a certainement de la violence et de l’outrance dans les réquisitions du Parquet contre Marine Le Pen, même si la vérité oblige à dire qu’elle est loin d’être totalement innocente dans cette affaire où son amateurisme, son arrivisme, son despotisme, sa cupidité, son sentiment d’impunité, sa gestion désastreuse tant des deniers que des hommes, son absence de densité politique, humaine et culturelle ont conduit au désastre qui se dessine sous nos yeux. Mais elle-même n’est-elle pas violente lorsqu’elle exclut, non pas de la vie politique, mais de la vie tout court, les enfants à naître, lorsqu’elle fait voter, le 4 mars 2024, c’est-à-dire hier, à ses parlementaires, en exerçant de fortes pressions sur les récalcitrants, la constitutionnalisation du droit à l’avortement, c’est-à-dire le droit de mettre à mort l’innocence même, le fruit de ses entrailles, et de graver ce prétendu droit, qui est un horrible assassinat, dans le marbre du texte fondamental ? Marine Le Pen n’est-elle pas violente quand elle soutient publiquement sans aucune réserve, de crainte d’être taxée d’antisémitisme, l’action meurtrière et génocidaire de l’entité sioniste à Gaza et désormais au Liban ? N’est-elle pas violente lorsqu’elle fait carrière sur le cadavre des enfants avortés et des Palestiniens génocidés ? N’est-elle pas violente lorsque, défendant désormais les lois Pleven et Gayssot, elle approuve l’embastillement des révisionnistes, l’étouffement de la vérité historique, l’oppression des chercheurs de vérité ? N’est-elle pas violente enfin lorsque, renonçant au programme historique du Front national défendant la famille et la vie, elle peuple son parti d’arrivistes sans scrupule et d’invertis notoires au détriment de militants patriotes sincères, bons pères de famille et ayant la France au cœur ? Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse…[…]
RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.
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L’année qui s’achève a été difficile pour l’hebdomadaire de l’opposition nationale et européenne. Nous avons eu beaucoup de procès, eux-mêmes précédés d’éprouvantes gardes à vue. Ces condamnations judiciaires nous ont coûté en tout plus de 50 000 euros, ce qui est considérable pour une modeste entreprise comme la nôtre. Et nous n’en avons pas fini avec les procédures judiciaires. Un nouveau procès, toujours devant la XVIIe chambre du tribunal judiciaire de Paris, aura lieu juste avant Noël. Là, il s’agit d’une vidéo datant du 7 août 2021, donc de plus de trois ans (!), auprès de la chaîne Internet Le Réveil des moutons, où il est reproché au directeur de RIVAROL d’avoir évoqué « le lobby juif », une expression pourtant utilisée tant par François Mitterrand (en 1995) que par Raymond Barre (en 2007). De plus, nous sommes dans l’attente de deux autres procès qui auront lieu courant 2025, l’un pour la grande interview de Dieudonné parue dans notre numéro d’été, le spécial vingt pages du 26 juillet 2023, qui avait suscité des cris d’orfraie, l’autre pour un long éditorial consacré à l’impitoyable répression politico-judiciaire dans notre édition du 13 septembre 2023.
Par ailleurs, la perte de l’agrément de la CPPAP (commission paritaire des publications et agences de presse), le 4 mai 2022, il y a désormais plus de deux ans et demi, à l’issue d’une campagne abjecte de délation contre RIVAROL, continue à produire ses effets très négatifs. Non seulement le nombre de points de vente de la presse refusant d’exposer et de vendre RIVAROL ne cesse d’augmenter, malgré nos efforts incessants pour le faire distribuer par les commerces indépendants, pour trouver de nouveaux points de vente, et bien que nous réussissions ici ou là à le réintroduire discrètement dans des supermarchés où il était interdit de vente, lorsque les outils informatiques nous le permettent — vérifiez toujours, quand vous faites vos courses, si RIVAROL est ou non présent dans les rayons intégrés du magasin et tenez-nous au courant s’il vous plaît —, mais également le triplement des tarifs postaux induit par la perte de l’agrément est une lourde charge supplémentaire. Lorsque, d’une part, les recettes diminuent de 30 % par semaine (du fait de notre absence, indépendante de notre volonté, dans la plupart des supermarchés et dans les relays H depuis la fin de l’été 2022) et que, d’autre part, les charges augmentent (accroissement des tarifs postaux pour les abonnements et du taux de TVA sur les ventes), la situation économique devient fort périlleuse.
De plus, beaucoup de nos lecteurs sont décédés cette année. C’est toute une génération qui s’en va progressivement, celle née avant-guerre ou pendant la guerre. Et ces lecteurs très fidélisés ne sont pas, ou pas suffisamment, remplacés. La perte des habitudes de lecture chez les plus jeunes générations fait là aussi sentir ses effets désastreux. Enfin, le surenchérissement de la vie, pour toutes les denrées, joue aussi son rôle.
C’est pourquoi, à l’approche des fêtes de Noël, nous avons décidé cette année de mettre en place UNE GRANDE CAMPAGNE D’ABONNEMENTS À PRIX RÉDUIT (150 € pour un abonnement papier d’un an au lieu de 190 €) pour nous permettre de faire face à ces difficultés. Ces abonnements de Noël auxquels on peut souscrire à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 31 janvier 2025 inclusivement, tant par chèque (en nous écrivant à Editions des Tuileries, 19 avenue d’Italie, 75013 Paris, chèque à l’ordre des Editions des Tuileries), que par carte ou virement bancaire en réglant sur notre site rivarol.com (il suffit en page accueil de notre site de cliquer sur le lien en rouge intitulé : « Pour Noël, profitez d’un abonnement papier de 1 an à 150 € au lieu de 190 € ») sont réservés soit aux personnes n’ayant jamais été abonnées jusque-là à RIVAROL, soit ne l’étant plus depuis au moins trois mois. Si vous préférez, vous pouvez aussi choisir le prélèvement mensuel à 13 € (au lieu de 16 €) en nous communiquant votre IBAN.
N’hésitez pas à abonner de la famille, des amis, des connaissances, des relations de travail, à offrir un abonnement de Noël à des enfants, à des neveux, à des cousins, à des petits-enfants, à des personnes s’intéressant à la vie des idées.
L’avenir de RIVAROL est plus que jamais entre vos mains. Maintenons en vie cette bouffée d’oxygène hebdomadaire, c’est essentiel. D’avance mille mercis à tous.
L’équipe de RIVAROL.