Rivarol n°3639 du 4/12/2024 (Papier)
Editorial
Vers la chute du gouvernement Barnier ?
A L’HEURE où nous bouclons ces lignes, nous ignorons encore si la motion de censure déposée ce lundi 2 décembre par les différents groupes de gauche au Palais-Bourbon contre le gouvernement Barnier après que le Premier ministre eut déclenché l’article 49-3 de la Constitution, permettant l’adoption sans vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, sera votée par une majorité absolue de députés. Il en faut au moins 289, l’Assemblée nationale comptant 577 élus. Sur le papier, et sauf surprise de dernière minute toujours possible dans le cadre de la comédie parlementaire, cette motion de censure devrait en principe être adoptée puisque, contrairement à ce qu’elle avait fait jusque-là, Marine Le Pen a annoncé que les 124 députés RN la voteraient. Dans la mesure où 185 députés insoumis, communistes, socialistes et écologistes ont d’ores et déjà signé une motion de censure ce lundi, l’addition des votes des 124 élus RN (et des 16 députés ciottistes) suffirait amplement à obtenir une majorité absolue qui devrait en théorie se situer autour de 325 voix, sans compter l’adjonction éventuelle de quelques élus non-inscrits ou du groupe centriste et indépendant LIOT.
Les groupes soutenant le gouvernement Barnier se réduiraient alors aux macronistes et aux Républicains, allant de Gabriel Attal à Laurent Wauquiez, ce qui constitue le fameux « bloc central » qui, au fil des années, se réduit comme peau de chagrin. S’il devait y avoir une présidentielle anticipée dans les semaines ou les mois qui viennent, le plus probable en l’état serait un second tour Mélenchon-Le Pen, le « bloc central » macroniste et LR étant à la fois affaibli et divisé, aucune personnalité n’ayant réussi jusque-là à assurer l’unité de ce camp, non plus qu’à affirmer sa domination incontestable sur ce bloc, ni Edouard Philippe, pourtant longtemps placé en tête des enquêtes d’opinion, ni Gabriel Attal, ni Gérald Darmanin, ni Bruno Retailleau, ni Laurent Wauquiez qui sont pour l’heure les cinq présidentiables que l’on peut recenser.
SI, COMME C’EST FORT PLAUSIBLE en l’état, la motion de censure devait être adoptée dans les jours qui viennent, Michel Barnier serait conduit à présenter sa démission, et celle de son gouvernement, au président de la République, lequel se retrouverait alors en première ligne. Dans cette hypothèse, d’aucuns pensent et espèrent que Macron serait alors contraint à la démission, se trouvant dans une impasse politique puisque ne pouvant dissoudre l’Assemblée avant l’été prochain, surtout s’il ne parvient pas à mettre sur pied « un gouvernement technique ». C’est le calcul que semblent faire tant Mélenchon à gauche que Marine Le Pen à “droite” (si tant est qu’on puisse parler de droite à son sujet, cela semble très abusif). Ces deux personnalités ont en effet tout intérêt à une présidentielle anticipée. Marine Le Pen saura le lundi 31 mars 2025 à 10 heures du matin si la onzième chambre du tribunal judiciaire de Paris la condamne à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Si c’est le cas, elle sera immédiatement inéligible et ne pourra donc plus concourir à aucune élection, ni présidentielle, ni législative, ni européenne, ni régionale, ni départementale, ni municipale. Par conséquent, elle a objectivement tout intérêt à précipiter le calendrier électoral en tentant le tout pour le tout. C’est ce qui explique sans doute son brusque changement de ton à l’égard du Premier ministre. Jusque-là, elle l’avait ménagé, étant heureuse, fière et flattée d’être reçue avec tous les honneurs à Matignon, d’être appelée avec déférence au téléphone, d’avoir le sentiment d’être écoutée et respectée. Tout a changé avec les implacables réquisitions des deux procureurs de la République le 13 novembre dernier à son procès pour les emplois supposés fictifs des assistants parlementaires des eurodéputés RN. La foudre lui est alors tombée dessus. Elle ne s’attendait pas à cela. Elle a tout à coup pris conscience que son avenir politique s’inscrivait désormais en pointillés et qu’elle ne maîtrisait plus grand-chose. Elle a donc tout intérêt à une présidentielle organisée avant le 31 mars 2025. C’est pourquoi elle a cette fois jugé insuffisantes les concessions faites à son endroit par Barnier, bien que ce dernier ait accepté de ne pas augmenter les taxes sur l’électricité et bien qu’il ait pris soin de l’appeler très courtoisement ce lundi 2 décembre pour lui dire qu’il était d’accord pour ne pas dérembourser de médicaments en 2025, comme elle le lui avait demandé. Marine Le Pen sait en effet que, si elle gagne l’élection reine de la Ve République, elle bénéficiera alors d’une immunité présidentielle absolue pendant cinq ans, voire pendant dix ans si elle est réélue. Comme ce fut naguère le cas de Chirac qui n’eut à répondre de ses responsabilités dans l’affaire dite des HLM de la mairie de Paris qu’après avoir définitivement quitté l’Elysée, après douze ans de présidence ininterrompue.
Mélenchon fait un calcul similaire. Il est avec Marine Le Pen et Emmanuel Macron (qui, lui, ne peut pas légalement se représenter) la personnalité politique de loin la plus connue des Français. Comme la fille de Jean-Marie Le Pen, il a déjà brigué trois fois la magistrature suprême. Dans le cadre d’une présidentielle anticipée où, par définition, la campagne électorale est brève — quelques semaines tout au plus —, il pense, avec sa forte notoriété, son talent oratoire et son habileté manœuvrière, prendre de vitesse tous ses adversaires putatifs à gauche, de François Ruffin à François Hollande en passant par Fabien Roussel et d’autres encore, et ainsi écraser la concurrence pour s’offrir ce dont il rêve depuis quinze ans : un face-à-face en finale avec Marine Le Pen. Même si actuellement les sondages le donnent largement perdant dans cette configuration — le chef de la France insoumise s’est en effet mis à dos le puissant lobby juif avec ses positions pro-palestiniennes et de surcroît il effraie beaucoup d’électeurs avec ses positions fiscalistes, immigrationnistes voire wokistes —, il pense pouvoir aisément dominer Marine Le Pen dans un débat télévisé, jouer à fond la carte de l’antifascisme pour rassembler largement sur son nom et ainsi renverser la table, fût-ce de justesse.
CES SCÉNARIOS, rationnels sur le papier, ont toutefois une grave faiblesse. C’est qu’ils supposent que Macron démissionne ou soit destitué. Or, selon nous, c’est mal connaître le personnage que de penser qu’il démissionnera, même en pleine crise de régime. Aucun président de la Ve d’ailleurs ne l’a fait à l’exception de De Gaulle. C’est que la place est bonne ! Macron ne l’a pas fait alors qu’il était hué et détesté au moment de la crise aiguë des gilets jaunes. Pourquoi le ferait-il aujourd’hui alors qu’il n’est pas soumis à réélection, qu’il n’a pas la responsabilité directe du gouvernement et que la Constitution de la Ve République lui confère des pouvoirs très importants, même s’il est aujourd’hui incontestablement affaibli ? Quant à une destitution, les conditions pour qu’elle puisse aboutir sont tellement complexes et draconiennes que c’est un leurre de croire ou de faire accroire que cette option est plausible.
Tout laisse plutôt à penser à une crise politique durable jusqu’à la présidentielle de 2027 dans plus de deux ans. Rien ne dit d’ailleurs que cette élection résoudra l’actuelle crise de régime puisque le pays est divisé en trois blocs (et même quatre avec les abstentionnistes), de force relativement égale, et dont aucun des trois ne peut à lui seul en l’état obtenir, ou même approcher, une majorité absolue au Parlement. Ni le « bloc central », ni la gauche sous domination mélenchoniste, ni le Rassemblement national et son allié ciottiste. Et ce quel que soit le mode de scrutin. Qu’il soit majoritaire à un tour (comme au Royaume-Uni) ou à deux tours comme sous la Vème (sauf en 1986). Qu’il s’agisse d’un scrutin à la proportionnelle intégrale ou avec seuil, ou mixte, l’impasse est fondamentalement la même.
Cela peut paraître inouï et c’est pourtant la situation politique actuelle dont rien ne permet de dire ou de prédire qu’elle évoluera de manière considérable dans les deux ou trois ans qui viennent. Le système est donc complètement bloqué et la crise structurelle. D’autant qu’à la crise politique s’ajoute la crise économique, avec 250 000 emplois menacés et un chômage qui remonte, des faillites d’entreprises, des suppressions d’emploi en grand nombre, une désindustralisation accélérée de la France qui se superpose à une grave crise du secteur agricole avec le Mercosur. Sans oublier la crise financière avec une dette et des déficits qui ne cessent d’augmenter et qui ne sont plus sous contrôle, non plus que les intérêts, de plus en plus exorbitants, de la dette. Les agences de notation n’ont pas été jusque-là trop sévères avec la France mais cela pourrait changer, surtout en cas d’instabilité politique accrue et durable. Et que dire de la crise morale quand on voit que tout est fait pour détruire la famille, la morale naturelle et tout ce qui enracine l’homme dans une terre, dans une lignée, donne un sens à sa vie ?
CETTE CRISE n’est pas seulement française. Elle touche l’Europe et même tout l’Occident. L’Allemagne, pourtant jusque-là le bon élève de l’Union européenne et la première économie de la zone euro, connaît une grave crise politique et économique. Ce pays qui était habitué aux grandes coalitions et aux compromis entre différentes formations politiques n’est plus à même de disposer d’un gouvernement stable et durable. Des élections législatives anticipées auront lieu le 23 février 2025. Son économie souffre de la guerre en Ukraine car nos voisions d’outre-Rhin ne peuvent plus bénéficier, du fait des positions de Berlin dans ce conflit, du gaz russe qui leur était livré à bon marché. Quant à l’industrie automobile allemande, naguère si puissante et si florissante, elle fait face désormais à une grave crise systémique. Et que dire de la question fondamentale de l’immigration massive qui cause à l’Allemagne, comme à presque tous les pays européens et occidentaux, des problèmes gravissimes et qui met même en cause son avenir, comme c’est également le cas chez nous ? L’élection de Trump aux Etats-Unis est aussi le symptôme d’une société américaine malade, fracturée, fragmentée, divisée, avec un appauvrissement d’une grande partie de la population due notamment à une inflation galopante.
Nous vivons l’ère du désenchantement et, disons-le, l’ère du chaos. On a menti aux peuples depuis des décennies en leur faisant croire que les démocraties modernes étaient à même de leur assurer la paix, la stabilité et la prospérité. C’est tout le contraire qui se produit. Il y a la guerre en Europe et au Levant. Et la France n’est même plus capable d’adopter des positions claires et courageuses dans ces conflits. Elle est alignée sur Kiev et Tel-Aviv au point d’avoir déclaré que si le boucher Netanyahu foulait notre sol, elle lui octroierait l’immunité et ne le ferait pas arrêter, contrairement aux demandes de la cour pénale de la Haye. Nous ne sommes pas des partisans de la justice internationale, trop souvent partiale, mais cette veulerie de l’Exécutif français face à un chef de gouvernement sanguinaire et génocidaire en dit long sur la bassesse des dirigeants et politiciens français qui nous font honte.
Tant que l’on restera dans ce cadre démocratique, qui est celui de l’impuissance et de la décadence, de l’inversion et de la destruction — « la démocratie, c’est le mal, la démocratie, c’est la mort » disait le maître de Martigues —, alors notre beau pays continuera à descendre, une à une, les marches de son tombeau. Aux armes de destruction massive de leur République, il faut plus que jamais opposer les armes de régénération massive que sont la foi, la nation, la morale, la vérité et la vie.[…]
RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.
Billet hebdomadaire
Apologie de terrorisme et censure judiciaire
Pourquoi est-il devenu urgent de dégager Barnier et sa clique et de rebattre les cartes ? Puis de placer le chef de l’État au pied du mur, à savoir une inéluctable démission. Et il ne s’agit pas à ce propos de simples questions de budget national ou d’âge de départ à la retraite, mais de péril imminent, à savoir de guerre, celle qui gronde à l’est de l’Europe et dans laquelle une classe dirigeante névropathique, droite et gauche confondues, veut nous entraîner sans retour.
Nous parlons aussi, bien sûr et d’abord, des membres du cabinet Barnier parce que qui se ressemble s’assemble et que tel maître tel valet. Commençons par M. Retailleau qui, le 24 novembre dernier, lors de la 14e Convention nationale du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) a jugé “innommable” la proposition de loi des Insoumis visant à supprimer du code pénal le délit d’apologie du terrorisme créé par une loi de 2014. Ceux-ci estiment en effet qu’en la matière suffit la loi du 29 juillet 1881 relative à la presse « traitant des faits relevant des délits d’apologie de crime, d’apologie de crime de guerre, d’apologie de crime contre l’humanité ».
Or les gens de LFI, détestables ou pas, et au-delà des invectives politico-médiatiques, n’ont-ils pas en l’occurrence quelque peu raison ? Bien sûr chacun sait ce qu’est un acte de terrorisme ordinaire pouvant souvent/parfois prêter à confusion avec un acte de résistance tout aussi ordinaire… Exemple : Pierre Georges, dit Colonel Fabien, alias “Frédo”, militant communiste, fervent zélateur du Petit Père des peuples, sera, après la rupture du Pacte Molotov-Ribbentrop, l’auteur du premier attentat meurtrier, le 21 août 1941, à la station Barbès-Rochechouart, perpétré contre un militaire allemand, l’aspirant de marine Alfonse Moser abattu sur le quai de la station d’une balle dans le dos. Résistance quelque peu aux allures d’acte terroriste, non ?
Dans le même ordre d’idée, les chefs terroristes du FLN algérien sont aujourd’hui officiellement honorés par la République en tant que résistants comme en témoigne ce dépôt d’une couronne rouge et blanche le 19 novembre, à la demande du président Macron, par M. Stéphane Romatet, ambassadeur français en Algérie — dans le contexte des commémorations de la Toussaint rouge, tueries qui marquèrent le début de l’insurrection algérienne le 1er novembre 1954 — sur la tombe de Larbi Ben M’hidi dans le carré des martyrs du cimetière d’El Alia. Notons au passage que les cimetières français d’Alger sont au mieux laissés dans le plus total abandon et au pire servent de latrines publiques… En fait ce « héros martyr » s’était distingué pour avoir organisé des attentats particulièrement sanglants dont le premier, et l’un des plus spectaculaires, fut celui d’un glacier, le Milk Bar, à l’heure de la sortie des écoles, le 30 septembre 1956.
Fleurir le cénotaphe d’un tel humaniste relève assurément d’un masochisme diplomatique de la plus belle eau. Un geste salué à sa juste valeur par le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, qui honore grandement par ses mots l’hospitalité que nous lui accordons : « Bravo pour ce geste de reconnaissance hautement historique de l’assassinat du héros chahid [martyr] Larbi Ben M’hidi ». Apparemment lâché par ses complices, Ben M’hidi passa de vie à trépas en 1957. Alors, héros, résistant ou terroriste aux mains couvertes de sang ? Dans son cas, de quoi doit-on parler, d’assassinat ou d’exécution extra-judiciaire ? À l’instar des centaines du même type ordonnées par des gouvernements étiquetés démocratiques tels que l’État hébreu ou les États-Unis du président prix Nobel de la Paix, Obama, ou encore la France de M. Hollande ?
Franchement la confusion la plus totale règne en ce domaine ce qui ainsi ne rend pas totalement impertinente la proposition de révision juridique de LFI d’autant qu’à y regarder de plus près, juridiquement parlant, il existe sur le fond — quant au chiasme terrorisme/résistance — un vrai problème lorsqu’il s’agit, entre autres, des formations politiques et militaires du Levant — Hezbollah et Hamas — aujourd’hui confrontées à l’impitoyable vindicte de l’État juif. Il ne nous appartient évidemment pas de trancher entre les appellations — terroristes vrais et résistants authentiques — encore que les jugements de la Cour de justice internationale (verdict du 26 janvier 2024 relatif aux possibles violations par Israël de la Convention sur le Génocide), puis, dernièrement, les mandats d’arrêt lancés le 21 novembre 2024 par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre du Premier ministre israélien, M. Netanyahou, et son ex-ministre de la Défense, M. Gallant (mandats d’arrêt contre lesquels Israël a fait appel le 27 novembre, Netanyahu évoquant « un nouveau procès Dreyfus » et qualifiant la cour pénale d’“antisémite”, ce qui est un classique), puissent fournir des indications à ce propos.
Il serait néanmoins déplacé, nous dit-on, de porter une quelconque appréciation morale ou juridique sur les massacres en cours dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et au Liban. S’y ajoutent à présent, en Syrie, les 20 000 chrétiens d’Alep qui sont menacés, d’après Sergueï Lavrov (ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie), par une « offensive terroriste de groupes armés », soit les djihadistes d’Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ex-branche syrienne d’Al-Qaïda complétée par des éléments de l’Armée syrienne libre et du Jabhat al-Nosra dont M. Fabius jugeait naguère qu’il faisait « du bon boulot » ! Djihadistes aujourd’hui armés et équipés par la Turquie, pilier oriental de l’Otan, ce qui ouvre ainsi un nouveau front contre la Russie sur son flanc sud au moment où le front ukrainien commence à s’écrouler. Rappelons que, depuis le 30 septembre 2015 et son déploiement de forces armées en Syrie, Moscou épaule Damas dans sa lutte contre les proxys israélo-américains de l’État islamique.
Pour revenir à notre sujet initial, le “terrorisme” — personne ne songeant au terrorisme d’État qui se donne actuellement libre court, sans frein et sans vergogne, au Levant —, lequel a fort agité le palais Bourbon le jour de la niche parlementaire des Insoumis, notons que, de la même façon que l’on est toujours l’imbécile de quelqu’un, l’on peut être également et très facilement devenir le terroriste de service, celui désigné par une malveillance perpétuellement vigilante et perverse. Rappeler par exemple que le Hamas a remporté les élections de 2006 dans la bande de Gaza avec la bénédiction de Tel-Aviv et de Washington, puis qu’il a ensuite été régulièrement et jusqu’à 2007 abondé par les américano-sionistes, via le Qatar wahhabite, pourrait aisément tomber sous le coup de la loi selon les interprétations en vigueur… pour apologie de terrorisme.
Car la vertu vénéneuse des désignations juridiques trop vagues, trop générales et trop floues permettent tous les arbitraires et toutes les dérives, ainsi meurent la libre parole, la libre information et la libre pensée, mais n’est-ce pas le signe de temps modernes qui sont résolument marqués par la dérive totalitaire de nos démocraties wokistes, diversitaires et gauchistes ?
Entré en vigueur le 15 novembre 2014 et modifié par Décision n°2020-845 QPC du 19 juin 2020, le fait « de provoquer directement à des actes de terrorisme ou d’en faire publiquement l’apologie est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ». Un seul bémol, si l’on sait assez nettement ce qu’est un acte terroriste, il est plus difficile de déterminer qui est terroriste et qui ne l’est pas : les surineurs et autres saigneurs de trottoirs sont en effet assez rarement désignés comme tels ! Suivant le code pénal, « les infractions commises intentionnellement, en relation avec une entreprise individuelle ou collective, ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, constituent des actes de terrorisme », selon l’article 421-1.
Hélas, l’arbre cache mal la forêt pour reprendre la question épineuse exposée en tête de cette réflexion parce que si l’Assemblée générale des Nations unies (janvier 2006 Résolution 60/43), a défini les actes de terrorisme comme des « actes criminels conçus ou calculés pour terroriser l’ensemble d’une population, un groupe de population ou certaines personnes à des fins politiques » — renvoyant explicitement à la Terreur des Conventionnels entre 1793 et 1794 —, aujourd’hui tous, Nations Unies et CPI, se déclarent incapables de donner une définition précise et acceptée du terrorisme. S’il existe donc d’indéniables « actes de terrorisme », le terrorisme, notion abstraite, reste à la porte du champ juridique. Le terrorisme n’étant pas une idéologie mais un mode d’action, en conséquence, celui-ci peut être mis au service d’idéologies ou d’engagements les plus divers. Résistance, dissidence ou intention de nuire, c’est selon ! Maintenant peut-on poursuivre — actes, paroles, images ou écrits — sans qu’existât au préalable une définition précise et concrète du corps du délit ? Peut-on finalement faire objet de jugement d’une intention fréquemment supposée mais dont le caractère dépend de la nature des auteurs ? Peut-on dans ce cas être à la fois juge et partie ? Avoir fait de l’apologie de terrorisme qui était un délit de presse selon la loi de 1881 (apologie de crimes), ce qui garantissait, au moins en partie, des droits aussi élémentaires que fondamentaux pour ce qui est de la liberté d’expression, un délit relevant des dispositions pénales, revient à criminaliser la pensée sur le mode orwellien de « crime contre la pensée » en laissant place à tout l’arbitraire interprétatif auquel une certaine justice fait de nos jours un abondant recours. Chacun sera juge de la validité, ou non, de ce point de vue !
Une mention spéciale revient à MM. Barrot et Hadad, respectivement ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et ministre délégué chargé de l’Europe, pour leurs prises de positions en faveur de l’Ukraine c’est-à-dire marquant une hostilité ouverte à l’égard de la Russie. C’est à l’occasion de la dernière réunion du G7, le 26 novembre 2024, que M. Barrot a rappelé la détermination de la France — mais pas d’une majorité de Français — « à soutenir militairement l’Ukraine aussi longtemps et intensément que nécessaire face à l’agression russe. » Là également, il conviendrait de redéfinir autrement que de façon politiquement atlantico-correcte qui est le véritable agresseur et qui ne l’est pas. M. Barrot s’est enfin impliqué personnellement dans la mise en œuvre des dispositions adoptées en juin par le G7, lesquelles doivent se concrétiser par la disposition d’un prêt de 50 milliards de dollars à l’Ukraine, montant prélevé sur les fonds russes gelés par l’UE. Un généreux moyen de prolonger un peu plus l’actuel carnage et un nouveau brigandage légitimé au nom du droit et de la morale occidentalistes. Calcul à court terme sur l’échelle des temps géopolitiques parce que le reste du vaste monde observe et juge sévèrement ces turpitudes à l’aune d’un sens de l’équité plus aiguisé, autrement dit moins partial. Au reste, le voyons-nous ?[…]
Léon CAMUS.