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Rivarol n°3640 du 11/12/2024 (Papier)

Editorial

Le chaos de Paris à Damas

A L’INSTAR DE ce que fut sous la défunte Quatrième République la Troisième Force qui réunissait les forces régimistes (centristes, radicaux et SFIO), à l’exception des communistes sur la gauche et des gaullistes sur la droite, le chef de l’Etat semble se diriger vers la mise en place d’une coalition, ou à tout le moins d’un accord de non-censure, entre les différentes formations politiques représentées au Parlement à l’exception de la France insoumise sur la gauche et du Rassemblement national sur la droite. Mathématiquement cet accord, fût-il réalisé sur une base minimaliste, peut permettre d’atteindre une majorité absolue de députés à l’Assemblée nationale puisque le RN (123) et son allié ciottiste (16) comptent en tout 139 élus et la France insoumise 71, donc en-deçà de la majorité absolue située à 289 députés. Sur le papier cette coalition à forte dominante centriste pourrait même se passer des élus écologistes et communistes — lesquels ont été reçus ce lundi 9 décembre à l’Elysée dans le cadre des consultations précédant la nomination d’un nouveau Premier ministre, après que Macron eut reçu vendredi dernier le bloc central et les LR, les Insoumis ayant refusé de se rendre à son invitation et le RN n’étant pour l’heure pas convié à échanger avec le chef de l’Etat —  si elle réunit à faire le plein des députés socialistes, macronistes, LR et divers droite.
A l’heure où nous bouclons ce numéro, le nom qui revient le plus souvent comme nouveau Premier ministre est celui du Béarnais François Bayrou. Même si une surprise de dernière minute n’est pas totalement à exclure — on parle aussi entre autres de l’ex-LR Catherine Vautrin —, il semble que le président du Modem soit celui qui a le plus de chances de succéder à Michel Barnier tant il coche de nombreuses cases. Il a toujours souhaité une alliance de gouvernement entre le centre droit et le centre gauche et rêverait assurément d’être le chef d’un gouvernement réunissant en son sein des socialistes, des centristes et des Républicains, autant de partis qui sont à la fois européistes et mondialistes. Tout au long de sa carrière politique, le Béarnais s’est régulièrement dit proche d’un Delors, d’un Rocard, d’un DSK. De plus, Bayrou a 73 ans révolus. Une accession à Matignon pour, l’espère-t-il, un mandat de vingt-neuf mois — jusqu’au terme du second quinquennat de Macron qui s’achèvera au plus tard le 13 mai 2017 au soir, serait son bâton de maréchal avant de quitter la scène politique. Il n’a en effet jamais rempli jusque-là une fonction aussi prestigieuse et capitale, même s’il a déjà occupé des portefeuilles ministériels importants. En 2017, après la première élection de Macron, il n’avait pu rester longtemps place Vendôme à cause de l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés du Modem, le pendant du dossier dans lequel est impliquée Marine Le Pen pour le RN. Précisément, tout en étant centriste et européiste, tout en ayant toujours pris soin de se dire hostile aux extrêmes, Bayrou cultive, à titre personnel, de bonnes relations avec la chef de file des députés RN. Il lui avait accordé son parrainage lors de la dernière présidentielle et avait incité des maires centristes à faire de même pour que la candidate du RN obtînt les 500 précieux paraphes. Plus encore, il a dénoncé, lors du tout récent procès de Marine Le Pen, les réquisitions des deux procureurs, se scandalisant publiquement qu’elle puisse être condamne à une peine d’inéligibilité, qui plus est avec exécution provisoire. Son indulgence n’est certes pas désintéressée puisque lui-même n’est pas définitivement sorti d’affaire, le Parquet ayant fait appel de sa relaxe dans le dossier des assistants parlementaires des eurodéputés du Modem, mais ses déclarations ont été appréciées par la direction du RN qui aura du mal à censurer, du moins dans un premier temps, un gouvernement dirigé par Bayrou.

IL N’EST PAS SÛR d’ailleurs que la censure de Barnier, à laquelle s’est finalement résolue Marine Le Pen, après l’avoir refusée obstinément pendant près de trois mois, ait renforcé, au moins à court terme, la position de la (vraie) patronne du RN. Si le gros des troupes a sans nul doute approuvé cette censure, l’électorat qui avait rejoint plus récemment le RN, et venu souvent de la droite classique, de milieux âgés et/ou bourgeois, paraît beaucoup plus réservé sur ce choix qui semble rompre, sur la forme tout au moins, avec la stratégie de normalisation, de recentrage et de respectabilisation  mise en œuvre depuis des années par la benjamine de Jean-Marie Le Pen, d’autant que les députés RN ont voté la motion de la gauche qui dénonçait de manière explicite et violente les accointances de Barnier avec « l’extrême droite », elle-même accusée de tous les maux. Des agriculteurs mécontents de cette censure qui retardent les aides qu’ils auraient reçus si le budget avait été voté par l’Assemblée ont emmuré des permanences de députés RN stupéfaits. Et le RN a même perdu un siège de député, à la surprise générale, ce dimanche 8 décembre, lors d’une législative partielle, alors qu’il avait gagné le 24 novembre (avant le vote de censure), lors du second tour d’une municipale partielle, dans le cadre d’une quadrangulaire, la commune de Rognac, une petite ville de 12 500 habitants dans les Bouches-du-Rhône. Le candidat du RN, Jordan Duflot, qui était arrivé très largement en tête au premier tour dans la première circonscription des Ardennes, avec 39,12 % des voix et 14 points d’avance, a été battu au second par un ex-député macroniste, Lionel Vuibert — qui compte toutefois siéger chez les élus non-inscrits —. Duflot a réuni 49,11 % des voix là où, le 7 juillet dernier, le candidat du RN avait obtenu 53 %. Cette défaite, certes concédée de justesse, et à laquelle il ne faut pas accorder plus d’importance qu’elle n’en a, compte tenu du taux d’abstention de 69 %, montre néanmoins que la séquence politique actuelle n’a pas renforcé le Rassemblement national. Contrairement à ceux de la France insoumise qui se glorifient de la censure et appellent ouvertement à la démission ou à la destitution de Macron, les dirigeants du RN semblent mal à l’aise sur les plateaux de télévision à la suite de cette chute du gouvernement Barnier comme s’ils étaient ballottés entre une base militante qui pousse à la confrontation avec l’Exécutif et une volonté de notabilisation et de normalisation qui leur semble indispensable pour dépasser le seuil fatidique des 50 % au second tour de l’élection présidentielle.
Reste qu’il est audacieux et potentiellement dangereux de la part du président de la République d’exclure, au nom du politiquement correct et de la bien-pensance, à la fois la France insoumise et le Rassemblement national, du fameux « arc républicain » alors que ces deux mouvements représentent près de la moitié du nombre des députés et probablement, en cas de présidentielle, la moitié au moins des électeurs. Rappelons que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen avaiten réuni à eux deux plus de 45 % des suffrages exprimés lors du premier tour de la présidentielle le 10 avril 2022, 21,95 % pour le premier et 23,15 % pour la seconde.

LA TÂCHE du nouveau gouvernement, quel qu’il soit, et quels qu’en soient les contours, ne sera, de toute façon, pas facile compte tenu du caractère éclaté de l’Assemblée, de la situation économique, sociale et financière très dégradée du pays, avec un chômage qui remonte, une dette et des déficits qui explosent, un appauvrissement des classes moyennes, sans compter la colère paysanne avec l’accord sur le Mercosur signé en Amérique du sud par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a totalement fait fi de l’opposition de la France. Et que dire de la situation internationale explosive ? La chute spectaculaire et d’une rapidité stupéfiante du régime de Bachar el-Assad en Syrie est lourde de menaces pour l’équilibre et la stabilité du Proche-Orient, et bien au-delà. Cela peut conduire à l’arrivée de millions supplémentaires de réfugiés et de migrants en Europe et en France alors que le Vieux Continent est déjà en état d’invasion libre et qu’il ne peut plus assumer sans risques majeurs ce nouvel afflux potentiel d’immigrés.
En revanche, les sionistes et leurs alliés et soutiens peuvent avoir le sourire. Ils sont en train d’achever le remodelage du Proche-Orient commencé avec la Première guerre du Golfe contre l’Irak de Saddam Hussein en 1990-1991. En l’espace de quelques décennies seulement, ils ont réussi à détruire, selon leur machiavélique stratégie du chaos, au profit de l’entité sioniste et de son projet messianique de Grand Israël, l’Irak, le Liban, la Libye, la Syrie. Ne reste plus que l’Iran qui est manifestement la prochaine cible visée par les néo-conservateurs. On peut d’ailleurs craindre que l’administration Trump, qui entrera en fonction le 20 janvier prochain, ne demande à la Russie, en échange de la validation d’un statu quo de la situation sur le terrain en Ukraine (Moscou garderait la Crimée et toutes ses prises dans le Donbass), son nihil obstat à une intervention militaire contre Téhéran. Et il n’est pas du tout impossible que Poutine accepte le marché car si la Russie progresse lentement mais sûrement dans le Donbass, elle n’a plus été à même d’aider au maintien du régime de Bachar el-Assad en Syrie, précisément du fait de son effort de guerre en Ukraine. Non plus que le Hezbollah, très affaibli (mais pas mort pour autant) par les bombardements aériens de l’entité sioniste sur le Liban sud, par les assassinats ciblés de ses principaux dignitaires et par la tuerie de masse réalisée avec les bipers et talkies-walkies piégés sur ordre personnel de Netanyahu.
Cette déstabilisation de tout le Proche-Orirent, qui s’ajoute au génocide à Gaza, à l’annexion de fait de la Cisjordanie à la suite d’une politique de terreur, est lourde de menaces pour l’avenir. L’injustice et le crime ne peuvent en effet conduire à la paix, à la concorde et à la stabilité. Les apprentis-sorciers qui conduisent ces folles et criminelles politiques peuvent mettre à feu et à sang la planète. Mais n’est-ce pas au fond leur objectif ? Tout détruire, tout incendier, pourvu qu’eux continuent à régner et à tyranniser avec une insolence et une arrogance chaque jour plus grandes et humainement insupportables.[…]

RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

Chute de Damas, exit el-Assad, dépeçage de la Syrie

Ce samedi 7 décembre 2024, aux environs de 22 heures, et alors que se terminait à Paris la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame, un ultime avion décollait de l’aéroport de Damas emportant vers l’exil — à Moscou — le président syrien déchu, Bachar el Assad. Fuite qui mettait fin au pouvoir à Damas du Parti bassiste (nationaliste, arabe et socialiste) arrivé à la tête du pays en 1963 à l’occasion d’un coup d’État. Le père de Bachar, Hafez, issu de la communauté alaouite — jusqu’à cette date traitée en paria — aura été le fondateur du régime qui vient d’être englouti sous nos yeux. Devenu Premier ministre en 1970, il va instaurer un pouvoir fort qui fera qualifier la Syrie de « Prusse de l’Orient ». Désignation méritée entre autres par l’impitoyable répression de février 1982 d’un soulèvement des Frères musulmans dans la ville de Hama, faisant plusieurs milliers de morts. Car après 1973 les Frères musulmans — précurseurs d’Al Qaïda et de l’État islamique — commencent à monter en puissance apparaissant au fil des ans comme l’unique formation politico-religieuse réellement en mesure de s’opposer à la prépotence du Parti Baas. Les attentats sanglants contre l’État se multiplient : le 16 juin 1979, des activistes ouvrent le feu sur les cadets de l’École d’artillerie d’Alep en en tuant 32, tous alaouites, sur les 83 présents. En juillet 1980, le Parlement syrien adopte un texte (loi no 49) punissant de mort toute personne appartenant aux Frères musulmans ou sympathisants avec : « Est considéré comme criminel et sera puni de la peine capitale quiconque est affilié à l’organisation de la communauté des Frères musulmans ».
Au cours de la nuit du 2 au 3 février 1982, un commando frériste, fort de deux cents hommes lourdement armés, investit la ville de Hama et y assassine 70 personnes. Trop, c’est trop. Le pouvoir réagit avec une vigueur proportionnelle à la menace et s’acquiert plusieurs décennies d’une relative stabilité. Bachar prend le relai de son père en l’an 2000. Ainsi aujourd’hui une page de l’histoire du Proche-Orient se referme. Des trois grands courants politiques qui prennent leur essor après-guerre — baasisme, islamisme, sionisme —,  le premier laïciste, le nationalisme arabe, a été liquidé avec la chute de l’Irak, puis à présent avec celle de la Syrie… dont les jours sont désormais comptés, menacée qu’elle est par un démembrement projeté, pour ne pas dire planifié de longue date, notamment à Washington, au moins depuis le lendemain du 11-Septembre, tragédie qui ouvrit les portes de l’enfer pour les pays arabes et musulmans de l’arc méditerranéen à l’Asie centrale.

COMMENT COMPRENDRE DES ÉVÉNEMENTS A PRIORI SI INATTENDUS

Soudain, alors que les portes de Notre Dame s’ouvrent devant un couple présidentiel qui eût dû y pénétrer à genoux, tête rasée et couverte de cendres, un demi-siècle de nationalisme arabe en Syrie se trouve effacé de la page du temps… Comment comprendre en effet aujourd’hui l’effondrement, soudain et inattendu, du régime baasiste ? Démêlons ensemble l’écheveau des causes et des conséquences. Que s’est-il passé ? Eh bien la Syrie affaiblie, débilitée par des sanctions économiques draconiennes ayant d’importantes répercussions énergétiques, les populations des diverses communautés religieuses — sunnite, alaouite, druze, chrétienne, ismaélienne — vivent dans un état de stress permanent se traduisant par une désaffection croissante à l’égard du régime. Un soldat de l’armée régulière — sunnite ou même alaouite — touche l’équivalent de 15 dollars par mois alors qu’il lui en faudrait au moins 250 pour faire vivre une famille la plus restreinte possible. Comment imaginer que ce même soldat soit motivé pour se battre, se faire blesser ou mourir pour un régime dont il se sent abandonné ?
Passons aux circonstances générales. Le régime s’appuyait sur deux fortes béquilles, le parti de Dieu libanais, le Hezbollah, et les Russes. Faut-il insister sur la situation en Ukraine où la Fédération de Russie n’affronte pas les seuls Ukrainiens (dont un million et demi a fui à l’étranger) mais l’Otan, soit une coalition militaro-économique euratlantique (États-Unis et Union Européenne) adossée elle-même au potentiel industriel de l’Empire occidentaliste, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Canada, etc.
Le 30 septembre 2015, la Russie entrait avec des forces intactes dans la bataille contre Daesh et l’Armée syrienne libre. Évidemment de l’eau a depuis coulé sous les ponts. Si la Russie progresse dans le Donbass, si la poche de l’oblast de Koursk en Russie se résorbe petit à petit, il est clair qu’elle n’a pas les ressources nécessaires à l’ouverture d’un troisième front, le premier s’étirant sur près d’un millier de kilomètres. Au début de l’offensive islamiste, la base aérienne russe de Hmeimim située au sud-est de la ville de Lattaquié – cœur du pays alaouite – n’abritait plus, dit-on, que trois appareils opérationnels. Lesquels furent utilisés pour tenter d’arrêter à Alep — seconde ville de Syrie partiellement chrétienne — la progression des islamistes HTS… avec le succès que l’on sait. Les Pasdaran, les Gardiens de la Révolution de la République islamique d’Iran, étaient censés, sur le terrain, garantir la sécurité de la ville située à une quarantaine de kilomètres de la ville d’Idlib (bastion takfiriste jamais repris par les forces loyalistes), un barrage qui a vite cédé sous la poussée d’assaillants soutenus par la puissance de feu de la République islamo-kémaliste d’Ankara.
Parlons maintenant du Hezbollah qui a joué un rôle considérable dans la stabilisation de la situation dans les années 2015/2018 (prise de Deraa) et le reflux de Daesh. Faut-il rappeler la terrible guerre aérienne que livre aujourd’hui même Israël au Liban, au Hezbollah en particulier et à la Syrie dans un effrayant silence médiatique, eu égard à sa maîtrise totale et absolue de l’espace aérien ? Guerre des airs précédée par les opérations meurtrières des bippers et des talkies walkies piégés (mi-septembre 2024) bientôt suivies par une série d’attentats et de frappes de décapitations à Beyrouth, à Damas et à Téhéran…
Le 31 juillet 2024, au petit matin, Ismaël Haniyeh, le chef de la branche politique du Hamas, meurt dans un attentat (roquette, missile, bombe prépositionnée ?), visant sa résidence officielle, dans le quartier nord de Téhéran alors qu’il venait d’assister à l’investiture du nouveau président iranien, Massoud Pezechkian, après la mort suspecte de son prédécesseur le président Raïssi, le 19 mai, dans un “accident” d’hélicoptère. Réfugié au Qatar depuis les tueries en Israël du 7 octobre 2023, Ismaël Haniyeh était la voix politique du Hamas et son négociateur en chef dans la conduite des pourparlers relatifs à un cessez-le-feu et à la libération des otages juifs.
En réponse à cet acte de pur terrorisme, le guide suprême de la République islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, promet à Israël un « châtiment sévère ». Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, qui, pour sa part avait accordé la nationalité turque à Hanieyh, menace Israël de participer à la riposte iranienne… Aujourd’hui c’est lui qui arme et lâche la horde d’islamistes radicaux d’HTS en coordination avec les forces spéciales américaines qui sont intervenues au Nord et israéliennes au Sud, le tout assorti d’un support technique ukrainien !
Quelques heures avant la mort d’Ismaël Haniyeh à Téhéran, le commandant militaire du Hezbollah, Fouad Shukr, était, lui, tué à Beyrouth au cours d’une frappe pour une fois revendiquée par Tsahal. Bras droit d’Hassan Nasrallah, chef charismatique du Hezbollah, celui-ci perd à son tour la vie le 28 septembre à Beyrouth sous un déluge de feu (80 bombes de 900 kg chacune !) Titre de gloire posthume pour Hassan Nasrallah, le tir de barrage médiatique soulignant que la tête de cet infâme avait été mise à prix aux États-Unis pour le double attentat d’octobre 1983, simultanément contre une caserne américaine à Beyrouth, laquelle fit 241 victimes américains, et l’immeuble du Drakkar occupé par 58 militaires français. À part dans les fables journalistiques, tous (ou presque) savent à ce jour que le Hezbollah encore vagissant n’avait aucune raison, au contraire, pour perpétrer un tel carnage. Cui bono ? Cherchez à qui pouvait servir ce crime terroriste et vous saurez !

POURQUOI LA SYRIE S’EST-ELLE RETROUVÉE DÉMUNIE LORSQUE L’HEURE DE L’OFFENSIVE FUT VENUE ?

Retour à la question liminaire. Pourquoi, comment cela a-t-il été rendu possible ? Ont déjà été évoqués les causes endogènes, extrême affaiblissement économique de la société syrienne, démotivation ou démobilisation morale de son armée ; l’allié russe aux prises avec une guerre contre l’Occident collectif incarné par le monstre froid otanesque et la complicité active d’élites politiques européennes compradores (Van der Leyen, Macron, Scholz, Starmer), l’ensemble sous la houlette de l’État profond américano-judéo-protestant ; la guerre dévastatrice et indiscriminée au Liban contre le Hezbollah, à la fois par les airs et par la guerre terroriste — sans que quiconque n’ose prononcer ce mot, terroriste ! — qui a littéralement éreinté les combattants chiites et les a contraints à regagner leurs postes de combat face à l’ennemi…
Maintenant à la question du comment cela a-t-il été rendu possible, que répondre ? Et bien tout bonnement parce que si l’on regarde par-dessus l’épaule d’HTS, surgit l’énorme masse de la Turquie, pilier oriental de l’Otan. Pour qui a visionné les images de la première heure, une chose sautait immédiatement aux yeux : les uniformes neufs, la tenue impeccable des djihadistes, leurs armes tout juste enlevées du râtelier, les matériels lourds, canons, blindés, etc. On dit que les premières défenses syriennes auraient été percées par des missiles turcs ? Les forces américaines qui stationnent aux abords des gisements pétroliers (syriens) au nord-est sous contrôle kurde auraient également procédé à des bombardements ; des opérateurs de l’armée ukrainienne seraient venus prêter main-forte pour un meilleur usage des drones de combat… Ajoutons que les armes auraient été en grande partie financées par le Qatar qui était intervenu de la même façon en octobre 2011 dans la chute de la Jamahiriya libyenne. Quant à Tel-Aviv qui a prêté main-forte aux rebelles de l’Armée syrienne libre (cf. note n°3), il s’est empressé d’occuper le versant syrien des hauteurs du Golan, formidable château d’eau (à l’heure des guerres pour cette ressource vitale), occupé depuis la Guerre des Six Jours en juin 1967, finalement annexé par une loi de décembre 1981. Rattachement reconnu uniquement par les États-Unis le 25 mars 2019 sous la présidence du président Donald Trump. À l’arrivée, HTS sera, à n’en pas douter, reconnaissant de la contribution israélienne à sa victoire si l’on croit certaines déclarations sans équivoque faites sur i24News…
Tel est ou serait l’état des lieux expliquant la débandade des troupes de l’Armée arabe syrienne (loyaliste)… Celles-ci ayant dû faire face à une attaque concertée et coordonnée de l’Otan et d’Ankara par le truchement d’Al-Nosra, proxy repeint à neuf qui cependant aurait appris de ses erreurs passées et serait désormais résolument tolérant avec les minorités, à telle enseigne que Téhéran se déclare déjà prête au dialogue ! Le scepticisme quant aux projets réels d’HTS s’impose néanmoins, car « chassez le naturel il revient au galop » !
Pour ne pas conclure sur cet aspect de l’événement, si tel est le cas, à savoir une manœuvre coordonnée entre Washington, Tel-Aviv, Kiev et Ankara, il faut admettre que le plan est une réussite presque parfaite (pour le moment) et mérite l’éloge des observateurs avertis quant à la planification stratégique et à l’exécution magistrale du plan de renversement du pouvoir à Damas. Une opération qui pourtant n’aurait pas pu aboutir si, comme tout le laisse supposer, l’évacuation des forces syriennes sans combat n’avait été négocié à Doha, capitale du Qatar, deux jours avant la chute de Damas et le repli en bon ordre des troupes d’élites vers le réduit alaouite de Lattaquié, proche de la super base navale russe de Tartous à laquelle il est absolument impossible à Moscou de renoncer, sinon c’en serait fini de sa politique d’influence africaine.
Turquie, Russie et Iran, tous trois partenaires du processus d’Astana (qui depuis 2017 cherche les voies d’un règlement définitif de la crise syrienne) se sont en effet réunis à Doha 36 heures avant la chute de Damas. On peut facilement imaginer qu’un accord non écrit aura été passé afin que la Turquie tienne en laisse ses chiens de guerre djihadistes, pour que soient respectées les terres alaouites et, par là-même, que nul ne prétende remettre en question la base de Tartous. […]

Léon CAMUS.