

DÉCIDÉMENT MACRON est l’homme des catastrophes. Il s’y complaît et s’y épanouit. On a eu droit au Macron venant nous dire, à l’heure du dîner, au printemps 2020, la mine sombre et le ton professoral voire péremptoire, que la France faisait face avec le covid à la plus grande catastrophe sanitaire depuis un siècle, ce qui était manifestement faux. Et à plusieurs reprises, pendant ce feuilleton covidesque aux multiples épisodes, telle une série télévisée, le chef de l’Etat est venu nous dispenser régulièrement ses conseils, ses analyses, se montrant tantôt alarmiste, tant rassurant, toujours directif, nous exhortant à nous laver les mains soigneusement, à se confiner à son domicile, c’est à peine s’il ne nous disait pas alors de jouer au Monopoly ! Puis, en février 2022, il y eut le Macron chef de guerre, dénonçant solennellement l’invasion de l’Ukraine par la Russie et se faisant fort, le menton en avant, de défendre la liberté et la souveraineté de Kiev. Il enfila ce costume pendant toute cette période, il se paya le luxe de refuser tous les débats télévisés avec ses concurrents, de sorte qu’il n’y eut pas dans les faits de véritable campagne présidentielle en 2022. Pas plus d’ailleurs qu’en 2017 lors de sa première élection à l’Elysée, l’affaire Fillon ayant parasité toute la période pré-électorale et saturé tout l’espace médiatique. Au rythme où vont les choses, il n’est pas sûr non plus que la prochaine campagne présidentielle, quelle qu’en soit la date, ne soit pas non plus polluée voire annihilée par les bruits de bottes. Car le discours télévisé de l’Elyséen, le soir du mercredi des Cendres, premier jour de la période quadragésimale et de ses austérités, avait quelque chose d’hallucinant et en même temps — pour reprendre son expression favorite — de très inquiétant.
Après la guerre à mort contre le Covid, voici une nouvelle séquence, un nouveau mot d’ordre, une nouvelle mobilisation générale : la guerre à outrance contre la Russie. Il fallait dépenser sans compter — c’était le fameux « quoi qu’il en coûte » — au moment de cette pseudo-pandémie planétaire. Et voici qu’à nouveau il faut dépenser des milliards par dizaines, voire par centaines, pour nous réarmer contre Moscou, pour muscler et dynamiser notre défense. Alors même que notre pays croule sous la dette et les déficits, qui battent chaque année de nouveaux records. Au troisième trimestre 2024, la dette publique française s’établissait à 3 303 milliards d’euros, soit 113,7 % du Produit intérieur brut. Les charges d’intérêt de la dette sont de 59 milliards d’euros annuels. Le déficit public a atteint près de 175 milliards d’euros en 2024, soit 6 % du PIB. Ce sont des chiffres renversants. Il faut se pincer pour y croire tellement ils sont apocalyptiques. Eh bien qu’importe on glisse toujours davantage dans le précipice. On va s’endetter encore davantage. O fou !
NOS DIRIGEANTS sont incapables de raisonner sur le temps long. C’était, il y a plusieurs décennies, qu’il fallait accorder davantage de crédits au secteur de la défense. Dès les années 1980, Jean-Marie Le Pen répétait qu’il fallait porter à 6 % du PIB le budget de la Défense car une grande puissance, et même une puissance moyenne comme l’est désormais la France, doit, compte tenu des dangers et des agressions potentiels de toutes natures dans un monde par définition instable, disposer d’une armée efficace, professionnalisée et disposant d’équipements de qualité, sans cesse perfectionnés. Au lieu de cela, les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n’ont eu de cesse de réduire le budget de la Défense qui était toujours le parent pauvre. Dût-on trouver de l’argent pour l’Education nationale (qui est un puits sans fond, et pour une efficacité à peu près nulle !), pour la désastreuse politique de la Ville ou pour tout autre secteur, c’était toujours la Grande Muette qui était sacrifiée — car, elle, ne se révolte pas ! —, les lois de programmation militaire non respectées, les projets industriels dans le domaine de la défense ajournés ou réduits comme peau de chagrin. Voilà trente-cinq ans que le budget de la Défense n’est plus le premier budget de l’Etat, ce qui est une honte. Car un Etat digne de ce nom doit d’abord et avant tout protéger le peuple contre toutes les formes d’agressions externes ou internes. Il est bien temps maintenant de se préoccuper de cette question. Ce qui n’a pas été fait à temps ne peut se rattraper en un jour par une baguette magique. Les politiciens de la Ve n’ont pas été plus prévoyants que ceux de la IIIe qui n’avaient pas pris les mesures en amont pour permettre à notre pays d’être prêt à la guerre. Et comme en 1939 où des accords de défense avec la Pologne nous ont fort imprudemment conduits à la guerre, et à l’effondrement de 1940, Macron souhaite explicitement faire profiter des pays européens — dont la Pologne ! — du parapluie nucléaire français, ce qui est une pure folie.
Méfions-nous de toutes les diabolisations qui peuvent conduire au pire. Soyons sérieux : la Russie ne constitue en rien une menace militaire pour notre pays. Que les Etats baltes, que la Pologne, que l’Ukraine, que la Moldavie et la Géorgie aient des craintes face à une volonté expansionniste de Poutine et de son régime, à bien des égards néo-soviétique, et désireux, d’une manière ou d’une autre, à plus ou moins long terme, de reconstituer une forme d’URSS, cela peut parfaitement se concevoir, surtout quand on connaît les souffrances que le communisme soviétique leur a fait endurer historiquement et qu’on a parfois trop tendance à oublier. Mais la France, du fait de sa position géographique, n’a rien à craindre sur ce plan. L’armée russe a mis trois années complètes à occuper militairement 18 à 20 % de l’Ukraine. On voit donc mal comment elle pourrait aller tout à coup jusqu’aux Champs-Elysées ! Cela n’a pas de sens.
Encore une fois nous avons le net sentiment d’être manipulés. On veut nous entraîner là où nous n’avons aucune envie d’aller. Il y a manifestement une volonté de mettre en place une économie de guerre, de développer à cette fin une forme de fédéralisme européen au détriment des souverainetés nationales — on se souvient des débats enflammés du début des années 1950 sur une Communauté européenne de Défense, déjà ! — et pour ce faire on veut s’en prendre à l’épargne des Français. Alors que nous croulons déjà sous les impôts et les cotisations — notre pays détient le record d’Europe, et peut-être du monde, du taux de prélèvements obligatoires ! —, que nous sommes matraqués, spoliés, dépossédés, que l’impôt sur les successions appauvrit les nouvelles générations et empêche la transmission du patrimoine familial, ce qui est un scandale absolu, un vol caractérisé, voilà que l’on vise maintenant les bas de laine des Français. C’est la dernière chose qui leur reste à prendre. Et après nous serons tout nus. « Vous n’aurez rien, et vous serez heureux », comme le dit cyniquement le fondateur du Forum économique mondial de Davos, Klaus Schwab.
VEUT-ON installer partout la guerre et le chaos ? Tout hélas le laisse à penser. C’est très net au Proche-Orient. Un chaos qui a d’abord atteint l’Irak depuis le renversement de Saddam Hussein en 2003, la Libye en 2011 avec l’assassinat de Kadhafi et qui touche désormais de plein fouet la Syrie depuis le départ forcé de Bachar el-Assad. Les anciens chefs d’Etat irakien, libyen et syrien dirigeaient certes leur pays d’une main de fer mais ils en assuraient l’unité, la stabilité et la prospérité, au moins relative, dans une région du monde où il y a tant de factions politiques et religieuses et où tout peut très vite basculer dans l’horreur la plus totale. Leur renversement a donc été un crime. L’objectif était de créer partout la déstabilisation, l’anarchie, la guerre et le chaos. La situation est objectivement bien pire aujourd’hui que de leur temps. Voilà en effet que les djihadistes au pouvoir à Damas massacrent actuellement la minorité alaouite, et aussi des chrétiens. En l’espace de quelques jours, on a dénombré déjà plus de mille morts. Probablement plus en réalité. On massacre des villages entiers. C’est le retour de la guerre ethno-confessionnelle en Syrie. L’épuration ethnique a manifestement commencé. Un signe ne trompe pas. Si les forces aériennes russes ont laissés des civils alaouites — la minorité religieuse hier dominante à travers le pouvoir baasiste, régime arabe, socialiste et national dont le père fut le chrétien Michel Aflak, du clan Assad — venir trouver refuge sur la base de Hmeimim au sud de Lattaquié, c’est bien que la situation est suffisamment grave pour justifier une telle entorse aux règles de sécurité draconiennes en vigueur sur toute zone militaire d’intérêt stratégique. Depuis le 8 décembre dernier et la chute de Damas tombée aux mains des djihadistes de Jabhat al-Nosra, les exécutions sommaires se suivent sans discontinuer — mais à bas bruit médiatique — dans les rangs des anciens fidèles et agents, souvent alaouites, du régime défunt. Benoît, se voulant rassurant, Ahmad El Chareh — ancien compagnon d’al-Baghdadi, ex-khalife de Mossoul — terroriste en costume cravate et à la barbe fleurie, chef d’un nouvel État fantoche, expliquait récemment qu’il s’agissait d’actes isolés, de vengeances personnelles. Las, aujourd’hui, il ne s’agit plus de cela mais d’un véritable embrasement du pays alaouite.
Les événements des dernières heures marquent-ils le démarrage d’un affrontement général comme celui qui a suivi la chute de la Jamahiriya libyenne en 2011 ? Ou bien le commencement d’une épuration ethnique définitive, le projet avoué et annoncé de la nouvelle camarilla aux commandes étant le départ à terme de toutes les minorités non sunnites, chrétiennes (Grecs orthodoxes et catholiques, arméniens, jacobites, maronites, nestoriens, chaldéens et catholique latins…), ismaélienne, yézidie et chiites duodécimains. Il aura finalement fallu un siècle et demi depuis les grands massacres hamidiens des Arméniens entre 1894 et 1896 et des Syriaques, pour purger l’Orient proche de presque tous ses chrétiens. Reste également à savoir si Ankara, au lourd passé génocidaire, prendra prétexte de cet embrasement pour étendre son territoire au sud de l’Anatolie et du Golfe d’Alexandrette, généreusement rétrocédé à la Turquie kémaliste par la France le 23 juin 1939. Tout cela est fort préoccupant. Alors qu’on nous parle de cessez-le-feu et de paix en Ukraine, où la guerre continue plus que jamais pour l’heure, et en Palestine alors que Gaza et la Cisjordanie sont martyrisés, le monde n’a peut-être jamais été aussi près de basculer dans un embrasement général.
RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.
La guerre, sous ses différentes formes — guerre contre le terrorisme, guerre contre un virus, guerre contre la Russie “fasciste” — est un moyen de renforcer et de maintenir son pouvoir dans un contexte de délégitimation. C’est ainsi que l’on peut comprendre l’agitation d’Emmanuel Macron qui a perdu le soutien des États-Unis après la défaite des démocrates et la réorientation de la politique extérieure de Washington par l’administration Trump.
Nous allons analyser ici les ressorts politico-juridiques de la crise artificielle que provoque le locataire de l’Élysée et leurs conséquences.
GUERRE SUR PLUSIEURS FRONTS
L’on observe depuis plusieurs années, à l’échelle occidentale, une guerre civile internationale et à mort des dirigeants contre leurs propres peuples. C’est une guerre civile qui s’inscrit dans un phénomène plus vaste que Carl Schmitt appelle « la guerre civile mondiale », mais avec une dimension supplémentaire. La guerre civile mondiale est inter-étatique, mais la guerre actuelle de l’oligarchie occidentale contre les peuples qu’elle gouverne est une guerre intra-étatique. C’est une guerre civile dans une autre.
Mais il y a contradiction dans la situation actuelle où Macron désigne au peuple français — qu’il combat depuis plusieurs années — un ennemi extérieur, à savoir la Russie. Emmanuel Todd a souligné la dangerosité, pour le pouvoir, de mener à la fois une guerre contre les Français et contre la Russie.
Cette guerre extérieure contre la Russie a aussi pour fin de conjurer la révolte qui menace l’oligarchie. Les sociétés occidentales sont prises dans une contradiction du libéralisme politique. Si les dirigeants occidentaux veulent faire accepter à leur peuple que la Russie est leur ennemie, alors ils doivent maintenir la cohésion de l’État ; or, leur politique va dans le sens inverse de cette règle élémentaire.
Le libéralisme est en opposition fondamentale avec la notion de politique, de collectivité et d’État. « L’unité politique doit exiger, le cas échéant, que l’on sacrifie sa vie. Or, l’individualisme de la pensée libérale ne saurait en aucune manière rejoindre ou justifier cette exigence. »
Le virage idéologique à 180 degrés que veulent faire prendre les dirigeants occidentaux à leurs peuples est trop brusque. On ne transforme pas avec des campagnes publicitaires des peuples de consommateurs en croisés antirusses prêts à se sacrifier. Et à se sacrifier pour quoi ?
Il y a la contradiction fondamentale du capitalisme, telle que l’a expliquée Marx, à savoir la baisse tendancielle du taux de profit causée par les gains de productivité ; et il y a la contradiction du libéralisme politique : « Pour l’individu en tant que tel, il n’existe pas d’ennemi contre lequel il ait l’obligation de se battre à mort s’il n’y consent de lui-même ; le forcer à se battre contre son gré est, en tout cas, vu dans la perspective de l’individu, une atteinte à la liberté et une violence. Toute l’éloquence passionnée du libéralisme s’élève contre la violence et le manque de liberté. Toute restriction, toute menace de la liberté individuelle en principe illimité́e, de la propriété privée et de la libre concurrence se nomme violence et est de ce fait un mal. Aux yeux de ce libéralisme, seul reste valable, dans l’État et en politique, ce qui concourt uniquement à assurer les conditions de la liberté et à supprimer ce qui la gêne. On aboutira ainsi de la sorte à tout un système de concepts démilitarisés et dépolitisés…»
Et c’est au sein de cet univers culturel, libéral, que l’on exige des Européens de sacrifier leurs entreprises, leurs emplois, leur confort, leurs enfants pour « défendre la liberté » de Zelensky, pour combattre la première puissance nucléaire mondiale, la Russie, ou pour sauver la planète du réchauffement climatique.
Le capitalisme et le libéralisme doivent, pour perdurer, dépasser leurs contradictions internes en se transformant. Le système capitaliste financier transnational et libre-échangiste a atteint ses limites. Pour augmenter son taux de profit, il est allé chercher sa main d’œuvre bon marché dans des pays plus pauvres ; ce faisant, il a fermé les usines et détruit la classe ouvrière occidentale, puis la classe moyenne, et a donc réduit leur pouvoir d’achat. Les produits à bas coût venus d’Asie trouvent de moins en moins d’acheteurs chez les Occidentaux appauvris par cette politique de délocalisation. La suite logique est les prêts bancaires massifs, notamment aux États-Unis, pour maintenir à flot la consommation de gens qui vivent au-dessus de leurs moyens avec de l’argent qui n’existe pas. Cela a conduit à la crise des subprimes. Le capitalisme est retombé dans sa contradiction initiale.
La transformation nouvelle du capitalisme occidental vise à réduire purement et simplement une partie de la population appauvrie et en révolte, c’est la société de consumation.
Dans le cas du libéralisme, ce que l’on observe aujourd’hui, c’est qu’il devient le contraire de ce qu’il prétend être, il devient ce qu’il prétend combattre : un totalitarisme.
Le covidisme a été le grand moment de la transformation de la société libérale, ou plutôt du dévoilement de ce qu’elle était devenue. L’oligarchie occidentale a avalisé, dans ses discours et sa politique, la fin de la liberté individuelle, de la société de production et de consommation. L’on plonge les peuples dans une guerre mondiale, avec tout ce qu’elle implique. Et dans ce contexte, les principes du libéralisme n’ont plus d’utilité, ils sont même un frein pour les visées de l’oligarchie.
Les contradictions des sociétés capitalistes libérales d’Occident sont d’autant plus insoutenables qu’elles apparaissent au grand jour. La désignation simultanée d’ennemis intérieurs — les peuples européens — et extérieurs — la Russie — pourrait conduire à une alliance objective de ces deux ennemis communs.
La pression sera telle que les gouvernements européens feront face à deux issues : une redirection de leur politique vers un apaisement — fin des sanctions, de l’agressivité contre la Russie et relance économique — ou bien un choc frontal d’une violence telle qu’il fera chuter les pouvoirs politiques.
Alors que Donald Trump veut imposer la paix à Zelensky et à l’Union européenne, Emmanuel Macron relance, du moins verbalement, la guerre contre la Russie. La Macronie revient d’ailleurs sur son projet de voler l’épargne des Français pour financer le réarmement contre la Russie. Un rapport parlementaire du député macroniste Christophe Plassard du 29 mars 2023 préconisait la « mobilisation de l’épargne des Français » pour financer une « économie de guerre ».
L’AVENIR DE MACRON ET DES FRANÇAIS ENTRE LES MAINS DE TRUMP ?
L’avenir du peuple français dépend aussi du devenir et de la politique du suzerain états-unien. Nicolas Machiavel, dont l’œuvre est toujours d’actualité, a posé des principes de gouvernance, y compris dans le domaine des relations internationales. Il distingue deux manières de gouverner : « Ou par un prince et tous les autres sont serviteurs qui, comme ministres, par sa grâce et sa concession, aident à gouverner ce royaume, ou par un prince et par des barons qui, non par grâce du seigneur, mais par ancienneté du sang, tiennent ce rang. »
Dans le cas français, nous sommes dans une situation plus proche de la première catégorie : un maître à Washington qui commande des esclaves à Paris, à l’Élysée. […]
Jean TERRIEN.