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n°3658 du 23/4/2025 (Papier)

Editorial

Jorge Mario Bergoglio (1936-2025) : un désastre continu et absolu

CELA AURA ÉTÉ son dernier acte officiel. Et c’est tout un symbole. Le dimanche de Pâques, le 20 avril, depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, François aura dénoncé, dans un texte lu par un collaborateur tant il était affaibli, « le climat d’antisémitisme croissant qui se répand dans le monde entier ». Bergoglio n’aura rien trouvé d’autre à dire, au moment même où tout un peuple est bombardé, affamé et exterminé par l’entité sioniste, un massacre à grande échelle approuvé sans réserve par le lobby juif et ses soutiens et esclaves dans le monde entier. François s’est seulement contenté, ce qui ne mange pas de pain, de déplorer pudiquement « la situation humanitaire » à Gaza, mais sans jamais accuser Israël d’être un Etat assassin et génocidaire, ce qu’il est pourtant. Mais que pouvait-on attendre d’autre d’un homme en blanc qui a reçu très officiellement, le 30 mai 2022, la distinction suprême du B’nai B’rith et qui, dans son discours de remerciement ce jour-là, s’est félicité de la « longue histoire de contacts » entre cette puissante institution juive et le Vatican « depuis l’époque de la publication de la Déclaration conciliaire Nostra Ætate » (datant du 28 octobre 1965 et “promulguée” par Paul VI).  
Jorge Mario Bergoglio, né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, est donc mort au Vatican ce lundi 21 avril, lundi de Pâques, à 7h35 du matin, à l’âge de 88 ans. Sa disparition n’est pas vraiment une surprise tant il avait accumulé ces dernières années de graves problèmes de santé. Il avait déjà failli mourir à deux reprises lors de sa longue hospitalisation, pendant trente-huit jours, pour une double pneumonie et une insuffisance rénale, en février et mars 2025. S’il est vrai que la mort de tout un chacun est toujours un moment d’une exceptionnelle gravité qui ne peut que susciter crainte et effroi car c’est le moment décisif où se fait la bascule pour une éternité de bonheur ou de malheur, s’il faut donc prier pour que Dieu ait pitié de son âme et lui pardonne ses péchés, et si nous ignorons dans quelles dispositions intérieures il a quitté ce monde — Dieu seul sonde les reins et les cœurs —, le devoir de vérité auquel nous sommes tenus oblige à porter un jugement très sévère sur l’action publique et sur le bilan de François. Lequel fut un ardent et incessant sectateur et propagateur de la révolution conciliaire (ou conciliabulaire). Il a poussé les orientations de Vatican II jusqu’à leurs limites quasiment les plus extrêmes. Même s’il est toujours possible hélas de faire pire.

FRANÇOIS a été très loin dans la soumission à la synagogue, comme l’ont été, il est vrai, tous ses prédécesseurs depuis Jean XXIII. On ne comprend rien en effet à Vatican II si on ne sait pas ou si on n’admet pas que ce pseudo-concile œcuménique est d’abord et avant tout — même s’il n’est pas seulement cela — une allégeance honteuse et blasphématoire à la Synagogue, au judaïsme talmudique.  C’est une rupture avec près de vingt siècles d’antijudaïsme chrétien, ce qu’explique très bien l’abbé Olivier Rioult qui vient de publier aux éditions saint Agobard un livre très bien fait et fort utile sur la question, L’Antijudaïsme chrétien selon le magistère. Réponse aux évêques de France (disponible sur Internet pour 20 euros). On renonce à la notion de peuple déicide, on considère que l’Ancienne Alliance n’a pas été abrogée par le Christ, on enseigne qu’on peut se sauver sans reconnaître et professer la divinité du Christ, qu’on peut se contenter de l’Ancien Testament. C’est évidemment une insulte gravissime au Rédempteur. C’est considérer que sa venue, son sacrifice, sa mort et sa résurrection ont été inutiles ou anecdotiques puisqu’il est facultatif de reconnaître Sa Divinité et de faire Sa Volonté.
Avant même d’être assis physiquement sur le siège de Pierre, Bergoglio avait maintenu des relations suivies avec la communauté juive, par exemple en participant à des offices de Hanoucca ou de Seli’hot ou à des commémorations de la Nuit de cristal lorsqu’il était “archevêque” de Buenos Aires en Argentine. Il s’est même rendu à la synagogue de Buenos Aires, et a visité Israël en 1973. Il a aussi coécrit l’ouvrage À propos du ciel et de la terre (en version originale Sobre el cielo y la tierra) avec le rabbin Abraham Skorka, recteur du Séminaire rabbinique latino-américain. Les deux auteurs y exposent leurs vues sur Dieu, le fondamentalisme, les athées, la mort, la Shoah, l’homosexualité ou le capitalisme. Coécrire un livre avec un rabbin en dit long déjà sur la pensée et les intentions de Bergoglio. A peine “élu” en mars 2013, il adresse un message au grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, où il annonce son intention de contribuer au dialogue avec les juifs, dans un esprit de « collaboration renouvelée »  et annonce que, « de par leurs racines communes avec les juifs, les catholiques ne doivent pas être antisémites ».

LE PROBLÈME, c’est que pour Bergoglio refuser de reconnaître la légitimité de l’Etat d’Israël qui persécute les Palestiniens, est fauteur de guerres et nie la divinité du Christ, c’est être antisémite. Etre fidèle à l’enseignement traditionnel de l’Eglise catholique sur les juifs, c’est être antisémite. Ne pas adhérer au Dogme de la Shoah, c’est pour lui également être antisémite. On ne peut le suivre sur tous ces points essentiels. En octobre 2013, il condamne l’antisémitisme, et adresse une prière : « Que l’antisémitisme soit banni du cœur et de la vie de chaque homme et de chaque femme ». En 2015, il affirme que ceux qui ne reconnaissent pas le peuple Juif et l’État Juif, et leur droit à l’existence, sont coupables d’antisémitisme. En décembre 2015, il condamne à nouveau l’antisémitisme et affirme que le Vatican fait tout son possible avec « ses amis juifs ». Sur ce point, on le croit volontiers.. En 2016, il est le troisième occupant du siège de Pierre à se rendre au camp d’Auschwitz-Birkenau et adresse une prière accusant les chrétiens de complicité dans le “génocide” : « Seigneur, ait pitié de ton peuple, Seigneur pardon pour tant de cruauté ». En 2019, François déplore de « voir combien aujourd’hui commence à renaître ici ou là l’habitude de persécuter les juifs », et il déclare : « Ce n’est ni humain ni chrétien. Ils sont nos frères et ne doivent pas être persécutés, c’est bien compris ? » Ah bon ? Mais où a-t-il vu que les Juifs étaient actuellement persécutés ? Dans quel pays ou quelle région du monde ? Où et quand ? On avait plutôt l’impression, quant à nous, que c’est un certain Lobby qui n’est pas avare de persécutions envers tous ceux qui ne passent pas sous ses fourches caudines.
En 2020, il accueille une délégation du Centre Simon-Wiesenthal  et réaffirme qu’il ne faut pas perdre la mémoire de la Shoah, la seule qui compte finalement, et réaffirme : « Je ne me lasse pas de condamner fermement toute forme d’antisémitisme ». Bref, dans la soumission à la Synagogue, dans le politiquement et l’historiquement correct, il a été aussi loin, voire plus loin, que tous les politiciens d’Occident qui se prostituent pour exister politiquement, médiatiquement et financièrement. Or, comme nous l’avons écrit au moment de la mort de Mgr Williamson, la Shoah éclipse le Golgotha, Auschwitz se substitue à la Croix. L’événement central, le sommet de l’histoire n’est plus la mort et la Résurrection du Christ au troisième jour mais la mort de six millions de juifs et la résurrection de ce peuple trois ans plus tard avec la création de l’Etat d’Israël. Ce n’est donc pas une question secondaire ou anecdotique. Tout catholique conscient doit s’intéresser de près à ce sujet. L’Eglise est un signe de contradiction. Depuis Vatican II, les dignitaires modernistes sont soumis au monde, à ses modes, à ses mots d’ordre, à ses éléments de langage. Ce n’est pas cela l’Eglise de Jésus-Christ !

LOIN DE s’opposer à l’idéologie LGBT, contre-nature et mortifère, radicalement contraire à la morale chrétienne, François n’a eu de cesse de donner des gages à l’homosexualisme et au transsexualisme. On se souvient de sa fameuse phrase « Qui suis-je pour juger les homosexuels ? ». Mais il y a eu bien pire encore. Dans le documentaire Francesco de Evgeny Afineevsky projeté le 21 octobre 2020 dans le cadre du Festival international du film de Rome et qui était à sa gloire, il se déclare favorable à l’union civile des personnes homosexuelles. Cet extrait sera largement repris par la presse internationale, sans que cela suscite de commentaires du Vatican. Il avait tenu des propos similaires comme “archevêque” de Buenos Aires. Le 18 décembre 2023, le « Dicastère pour la doctrine de la Foi », avec l’approbation explicite et publique de François, publie la Déclaration Fiducia supplicans (Confiance suppliante) qui approuve officiellement la bénédiction religieuse non seulement des couples de divorcés remariés, ce qui est instituer une forme de divorce “catholique” qui ne dit pas son nom et porte gravement atteinte au principe d’indissolubilité du mariage — ce qui avait déjà été le cas dans l’exhortation apostolique, Amoris lætitia (La Joie de l’amour) du 19 mars 2016, qui ouvrait la voie à la communion sacramentelle pour les divorcés remariés), mais aussi et surtout la bénédiction des “couples” homosexuels. Ce qui est radicalement contraire à deux mille ans d’enseignement de l’Eglise, à l’Ecriture Sainte, tant l’Ancien que le Nouveau Testament, et même à la position sur le sujet de la plupart des religions, philosophies et spiritualités. Dans une interview accordée au magazine italien Credere, Bergoglio aura le culot phénoménal de prétendre, contre l’évidence des faits, qu’il ne s’agit pas de bénir « un mariage homosexuel », mais « deux personnes qui s’aiment ». Et dans ce même entretien, il qualifie d’hypocrisie la position de ceux qui contestent sa décision. Mais qui en l’occurrence est hypocrite ?
Complaisant envers l’homosexualisme, il l’est également avec le transsexualisme. Il a reçu très officiellement, à de nombreuses reprises, des associations ouvertement LGBT. Dans le cadre de cette année jubilaire, une association ouvertement LGBTISTE avec drapeaux arc-en-ciel, a été officiellement agréée dans le cadre des manifestations organisées à Rome en 2025. Un pèlerinage prévu le 6 septembre 2025 est ainsi spécialement dédié aux homosexuels dans le calendrier jubilaire. Sur le site officiel de l’organisation dirigée par le Vatican est ainsi annoncé un « Pèlerinage de l’association La tente de Jonathan et d’autres associations » notées LGBT. Déjà, en 2015, Bergoglio avait reçu officiellement un homme transgenre (donc né femme) qui était venu avec sa concubine lui demander du soutien face à l’opposition de sa famille. Et il avait appelé les catholiques à se montrer plus accueillants « envers les personnes homosexuelles et transgrenres ». Or s’il est vrai que la charité doit s’appliquer à tous, cela ne peut jamais se faire au détriment de la vérité. Si l’on doit être miséricordieux envers le pécheur, surtout s’il est repentant, on ne peut être complaisant pour le péché, encore moins le justifier, le revendiquer, s’en glorifier. Or c’est ce qui se fait clairement dans les Marches dites des Fiertés (Gay Pride) et dans toutes ces associations agitant le drapeau arc-en-ciel.

TOUT MIEL avec les juifs, les LGBTistes, les dignitaires de différents cultes et confessions dans le cadre de la liberté religieuse et de l’œcuménisme libéral de Vatican II, allant jusqu’à vouer un culte panthéiste à la Pachamama, la déesse Terre, dans les jardins mêmes du Vatican, hantant les mosquées, les temples et les synagogues, mais nullement pour prêcher Jésus-Christ crucifié et ressuscité, il est en revanche plein de fiel envers tous ceux qui désapprouvent ses positions ultra-modernistes ou/et qui sont attachés aux formes traditionnelles de la liturgie. Il persécute ainsi les conciliaires conservateurs et les traditionalistes “ralliés”, à coup d’enquêtes et de visites canoniques, de démissions forcées comme celle de Mgr Rey à Toulon et va jusqu’à supprimer, le 16 juillet 2021, la permission accordée par son prédécesseur immédiat de célébrer la messe tridentine par la « lettre apostolique » intitulée par antiphrase Traditionis custodes (Gardiens de la tradition) qui abroge purement et simplement le « Motu Proprio Summorum Pontificum » du 7 juillet 2007. Seule, pour des raisons inexpliquées, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X semble trouver grâce à ses yeux puisqu’il accorde à ses prêtres en 2015 le pouvoir de confesser et en 2017 le pouvoir de marier en accord avec “l’ordinaire” (conciliaire) du lieu.  Et c’est encore avec le plein accord de Bergoglio que l’ancien évêque conciliaire de Coire, Mgr Vitus Huonder, très impliqué dans le dialogue dit judéo-catholique, se rapproche de la FSSPX, finit ses jours dans l’une de ses maisons et est inhumé à sa mort en 2024 dans la crypte du séminaire d’Ecône. Contrairement à Mgr Richard Williamson, adversaire de la synagogue, exclu de la FSSPX en octobre 2012, et qui, lui, est enterré dans la plus grande discrétion le 26 février 2025 dans un cimetière de Canterbury.
Bergoglio s’est par ailleurs toujours montré comme un immigrationniste forcené. Au lieu d’encourager les différents peuples à vivre, à travailler et à se développer là où ils sont nés, sur la terre de leurs ancêtres, comme cela correspond au simple bon sens, il a, à de maintes reprises, appelé à un accueil massif des migrants extra-européens, pour la plupart mahométans, sur le Vieux Continent. Sans aucune réserve, condition ni limite. Sans seuil quantitatif ni tri qualitatif. Il a répété que l’Europe s’était toujours trouvée agrandie par l’échange entre les cultures. Il a tenu régulièrement un discours d’accueil et d’appel à la “générosité” envers les migrants, notamment dans les discours prononcés à Lesbos en 2016 et en 2021. Lors de son voyage en France, à Marseille, le 23 septembre 2023, en clôture des Rencontres méditerranéennes, il a exhorté notre pays à accueillir toujours plus de migrants et a pointé du doigt le manque de générosité des Français et des Européens, considérant que l’accueil massif de ces migrants n’était pas un choix mais une obligation morale. Or, s’il est vrai que l’Ecriture et le catéchisme exhortent à l’hospitalité et à la charité envers le voyageur, l’étranger, l’‘indigent, le persécuté, il n’a jamais été exigé pour un pays et pour un peuple d’accueillir sans aucune condition ni réserve ni contrepartie des millions d’immigrés, qui plus est d’une culture et d’une religion très différentes, avec toutes les difficultés voire les catastrophes que cela entraîne. L’hospitalité n’est pas le suicide, la charité n’est pas le masochisme. Ce qu’il faudrait, c’est encourager au développement des pays pauvres, à la pacification des pays en guerre et non exhorter au déplacement de dizaines voire de centaines de millions de personnes, ce qui crée autant de déracinés. Et ce qui induit une forme de suicide généralisé. Là encore, la responsabilité de Bergoglio est immense, même s’il faut reconnaître que son discours sur le sujet est sensiblement le même que celui de ses prédécesseurs depuis les années 1960, bien que François soit encore davantage brut de décoffrage, si l’on peut dire, sur cette question vitale.

DÉSORMAIS que va-t-il se passer ? Dans quelques semaines, courant mai, le successeur de Bergoglio devrait être “élu”. D’aucuns espèrent un mieux. Pour notre part, nous n’y croyons nullement. D’autant que François a nommé 80 % des électeurs et qu’il faut deux tiers des voix pour être “élu”. De plus, tous les électeurs, au moins au for externe, sont des sectateurs de Vatican II et de toutes les réformes détestables qui l’ont suivi. Par conséquent, comment la solution pourrait-elle venir de ceux qui ont tout détruit et qui, devant les ruines qui s’accumulent et les ténèbres qui s’épaississent, ne font nullement marche arrière mais au contraire appuient sans cesse sur l’accélérateur ? A vue humaine, on peut même penser que la situation va encore se dégrader et que la nuit sera encore plus profonde. Lors du prochain “conclave”, aucun prêtre n’aura été ordonné dans l’ancien rite, aucun évêque non plus n’aura été sacré dans le rite traditionnel (celui en cours avant le 18 juin 1968). C’est une première. De plus, le nouvel homme en blanc, selon toute vraisemblance, n’aura connu, du fait de sa génération, que la nouvelle messe et l’église conciliaire et post-conciliaire. Malgré la révolution détestable qu’ils ont menée et imposée, et dont la responsabilité ne leur sera pas ôtée, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, Benoît XVI et François avaient connu dans leur enfance et leur jeunesse, et même au-delà pour certains d’entre eux, la messe, les sacrements et le catéchisme traditionnels, l’Eglise en ordre. A priori ce ne sera pas le cas du prochain occupant du siège de Pierre. Cette différence n’est pas anecdotique. Cette année est en effet le soixantième anniversaire de la fin de Vatican II, de Nostra Aetate, de Dignitatis humanae. Cela commence à dater.
En quelques décennies seulement ils ont tout détricoté, tout bouleversé, tout ruiné. Il ne reste que des décombres. Il n’est que de voir l’état actuel de délabrement moral et spirituel des consciences, des institutions, des nations, des familles, des communautés autrefois si chrétiennes. Nous vivons à n’en pas douter l’époque de la Grande Apostasie. N’attendons rien aujourd’hui des intrus du Vatican car, depuis la mort de Pie XII le 9 octobre 1958, Rome n’est plus dans Rome. Mais gardons la foi, l’espérance et la charité. Ne doutons pas, ne désespérons pas, à l’imitation de la Sainte Vierge qui n’a jamais douté ni failli. Soyons-en sûrs, cette cruelle épreuve que Dieu permet de manière mystérieuse et parfois déconcertante n’aura qu’un temps. Au reste, comment être triste ou désemparé en cette semaine de Pâques où l’Auteur de la Vie triomphe de la mort, du Prince de ce monde et nous rouvre à jamais le Ciel jusque-là fermé ? Pourvu que nous soyons fidèles à la grâce, et qu’à l’instar des disciples d’Emmaüs écoutant le Christ leur expliquer sur le chemin les Ecritures, nous gardions le cœur brûlant, cette joie pascale, simple et profonde, belle et féconde, rien ni personne ne pourra nous l’enlever.

RIVAROL,<jeromebourbon@yahoo.fr>.

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Billet hebdomadaire

Les deux visages de Dominique de Villepin

On a longtemps cru Dominique de Villepin politiquement fini, et nous pensions même que le bel orateur n’oserait plus remonter sur l’estrade après sa fin de règne catastrophique, pour ne pas dire épouvantable, de 2006-2007. Il est vrai que Villepin dut subir la concurrence d’un Sarkozy qui se posait comme un candidat droitiste sans complexe grâce à la magie des mots, alors que le premier, alors Premier ministre, cultivait l’image d’un homme au-dessus des partis à un moment où la gauche se consolidait grâce à son opposition au CPE (Contrat Premier Embauche), ce projet porté par le gouvernement et rejeté massivement par la jeunesse dite politisée. Sa réputation de gaulliste de gauche et son aura exceptionnel dont il jouissait depuis son grand discours anti-guerre de 2003 à l’ONU furent pulvérisées en quelques mois, d’autant plus qu’il fut accusé par l’équipe du petit Nicolas d’avoir ourdi un complot contre ce dernier à travers l’affaire Clearstream 2 qui éclate en 2006. D’aucuns pensèrent que Villepin tomba lui-même dans un piège fomenté par le futur président. Il fut d’ailleurs relaxé en 2010, mais les effets médiatiques de cette affaire conjuguée à sa politique considérée comme bourgeoise et européiste furent un désastre dirimant qui l’empêcha de se présenter à l’élection présidentielle de 2007 pour laquelle Sarkozy avait été programmé pour gagner.
Durant les émeutes d’automne 2005, c’est déjà Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, qui fut littéralement starisé et présenté comme l’homme de la situation qui aurait fait bien mieux s’il avait eu davantage de pouvoir entre ses mains. Pendant les manifestations d’étudiants et de lycéens, notamment contre le CPE, les graves violences commises par de jeunes sauvages contre des manifestants juvéniles (et qui furent dénoncées par le journal Le Monde qui osa évoquer un racisme anti-blanc provoquant ainsi la stupeur de la gauche française) firent passer Villepin pour un homme pusillanime contrairement à Sarkozy qui était pourtant ministre de l’Intérieur au moment des faits (Patrick Buisson déclara cependant, en 2016, que Sarkozy, en tant que chef de la police, laissa « entrer des hordes sauvages dans Paris » pour achever Villepin et gonfler sa popularité en vue de 2007).

PILIER DE L’OMBRE DE LA CHIRAQUIE

Lié étroitement à la Chiraquie depuis ses débuts en politique (il est un collaborateur de Jacques Chirac depuis 1981 !), il fut directeur de cabinet de Juppé, ministre des Affaires étrangères en 1993 avant de devenir secrétaire général de l’Elysée de 1995 à 2002 où, en compagnie de l’affreux avocat Szpiner, il aurait monté une sorte d’observatoire des affaires judiciaires concernant le RPR en cours et de celles qui pourraient advenir. Dominique de Villepin, conseiller issu de l’Etat profond, serait surtout à l’origine de la dissolution de l’Assemblée nationale et donc des élections législatives de 1997 qui permirent à Lionel Jospin de s’emparer de Matignon. Ce qui lui doit l’étiquette non imméritée de Néron et la haine de Bernadette Chirac.
Lui n’a pas pâti de cette dissolution et du retour de la gauche puisqu’il était bien au chaud au Palais de l’Elysée où restait blotti Jacques Chirac, et parce qu’il profita de l’usure du pouvoir de Jospin qui devait être éliminé de l’élection présidentielle de 2002 dès le premier tour au profit d’un certain Jean-Marie Le Pen et surtout d’un Jacques Chirac qui gagna une nouvelle fois le gros lot avec un score stalinien face au Menhir transformé en épouvantail à moineaux.

UN HOMME OPPOSÉ AU CHOC DES CIVILISATIONS

Après des années dans l’ombre des représentants politiques, notre diplomate entra dans la lumière des projecteurs en devenant un ministre phare du second mandat de Jacques Chirac, d’abord et surtout en devenant d’emblée le patron du quai d’Orsay dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. A la suite du 11 septembre 2001, le monde était entré sans le savoir encore dans le vingt-et-unième siècle avec le déclenchement du programme du choc des civilisations. 2002-2003 fut un moment charnière qui correspond indéniablement à l’âge d’or du villepinisme. Malheureusement, sa voix, sa solennité qui avaient quelque chose à voir avec la grandeur n’empêchèrent pas la répugnante armada américaine de vitrifier le peuple irakien et de massacrer des centaines de milliers d’enfants. Villepin déclarait devant les Nations Unis, le 14 février 2003, avant le déluge d’acier et de feu qui allait s’abattre sur l’innocence, ces quelques mots qui paraissent aujourd’hui appartenir à un autre temps : « L’option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais n’oublions pas qu’après avoir gagné la guerre, il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas la face : cela sera long et difficile, car il faudra préserver l’unité de l’Irak, rétablir de manière durable la stabilité dans un pays et une région durement affectés par l’intrusion de la force ».
Que ces trois phrases emplies de sagesses paraissent lointaines, un brin désuètes à l’aune de l’expédition exterminatrice qu’a menée la Bête américaine sur l’Irak. Après cette entreprise barbare, tous les freins avaient sauté, tout devenait possible pour les forces du mal, comme si le beau et grand discours de Villepin avait servi à montrer ultérieurement que l’opposition morale n’avait plus d’importance et qu’elle était désormais ensevelie sous des milliards de tonnes de braises ardentes. Irak, Libye, Syrie, Gaza, Cisjordanie, Liban, le vent les emportera. Seule la loi du plus fort triomphe, plus rien n’arrête la Bête, l’indicible interminablement subi par les petits Palestiniens nous le rappelant douloureusement chaque jour.
Et pourtant, le discours de Villepin contre la guerre devait être écrit et entendu par le monde entier avant la levée des ténèbres. Ce n’est qu’un discours, il est vrai, mais c’est un discours historique. Et aujourd’hui, bien qu’il ait eu par la suite une carrière ministérielle à contre-emploi (en tant que locataire de la place Beauvau, puis comme Premier ministre dont la tâche était dévolue exclusivement à des questions intérieures), après des années passées dans l’ombre des affaires, Villepin reste connu du grand public pour sa fronde anti-américaine de 2003, son panache, sa diplomatie et ses principes de justice.
Ses échecs, les coups qu’il prit, n’y ont rien fait : il demeure l’aigle de 2003 dans nos mémoires. Peut-être parce que ce fameux discours onusien a constitué la dernière occasion pour les Français d’avoir été fiers de l’un de leurs représentants. Je le pense, même si le personnage incarne aussi des idées dangereuses et qu’il est, j’en suis convaincu, un homme sûr du pouvoir profond.
Depuis quelques mois, nous observons un retour de Dominique de Villepin dans les media où il use à merveille de son image gaullienne (de sa performance de 2003) pour mieux mettre en exergue le caractère alternatif de son discours dans une volonté affichée de sortir des grandes crises de notre temps.

CONTRE LA CENSURE SIONISTE

Son entrée en scène, son retour sur la piste, son come-back, fut spectaculaire puisqu’il intervint initialement pour se lever contre les bombardements intempestifs d’Israël sur la bande de Gaza.
Sur France Inter, le 13 septembre 2024, il déclare, esseulé dans le monde de “droite” : « Ce qui se passe à Gaza, c’est une guerre qui n’a pas de précédent dans l’histoire contemporaine, par le nombre de morts civils, par la densité des bombardements, par l’absence de perspective politique. […] Les corps, les cœurs et les âmes sont en morceaux. » « On parle de 40 000 morts, mais probablement beaucoup plus, car les chiffres sont sous-estimés. C’est un désastre humanitaire, un scandale historique. »
Dans Libération, le 28 novembre 2024, il récidive : « Gaza doit être ouverte aux journalistes, aux ONG, aux observateurs internationaux. La vérité doit éclater sur ce qui s’y passe, car l’opacité alimente l’injustice. » ; « La guerre à Gaza n’est pas seulement une tragédie, c’est une impasse. Elle ne résout rien, elle aggrave tout. »
Puis sur France Info, à la fin de la même année : « La France doit cesser de se taire. Nous ne pouvons pas accepter ce double standard où le droit international est invoqué pour certains et ignoré pour d’autres. Gaza est un test pour notre crédibilité. »
Ces déclarations, ces propos peuvent apparaître comme très courageux (ils sont en tout cas roboratifs). Mais l’invitation de Villepin sur les ondes et ses entrevues dans divers journaux sont également étonnantes car il avait réagi d’une manière interdite sur TMC, le 23 novembre 2023, à un reportage de l’émission Quotidien sur les difficultés rencontrées par des artistes américains, comme Susan Sarandon et Bella Hadid, marginalisés et sanctionnés professionnellement pour avoir exprimé leur soutien à la cause palestinienne ou simplement demandé un cessez-le-feu à Gaza : […]


François-Xavier ROCHETTE.